La Pomme et l’Atome
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La Pomme et l’Atome , livre ebook

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Description

Où est l’Homme dans l’Univers ? Que se passe-t-il à l’intérieur des atomes ? Einstein avait-il toujours raison ? Comment apparaissent les formes dans la nature ? Peut-on démêler l’ordre du chaos dans l’écheveau du monde ? Où allons-nous ? À ces questions, et à d’autres encore, les réponses de Sébastien Balibar, physicien mondialement connu pour ses travaux sur les liquides et les cristaux, surprendront. Car la physique qu’il nous invite à partager commence en regardant le ciel, l’écoulement d’un liquide, la couleur d’une flamme, la forme d’un cristal ou celle d’une fleur, en soupesant une table, en écoutant le vent, le son d’une flûte ou le tintement d’un verre, en faisant de la bicyclette ou en jouant du piano. Et pourtant, c’est bien des plus grandes questions qu’il traite, avec humour et passion, portant le regard d’un chercheur sur la vie quotidienne. Sébastien Balibar, physicien, est directeur de recherche CNRS au laboratoire de physique statistique de l’école normale supérieure.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 octobre 2005
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738183088
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , OCTOBRE  2005
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-8308-8
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
« Je suis de ceux qui pensent que la science a une grande beauté. Un savant dans son laboratoire n’est pas seulement un technicien : c’est aussi un enfant placé en face de phénomènes naturels qui l’impressionnent comme un conte de fées.
 
Nous ne devons pas laisser croire que tout progrès scientifique se réduit à des mécanismes, des machines, des engrenages qui d’ailleurs ont aussi leur beauté propre…
 
Je ne crois pas non plus que, dans notre monde, l’esprit d’aventure risque de disparaître. Si je vois autour de moi quelque chose de vital, c’est précisément cet esprit d’aventure qui paraît indéracinable et s’apparente à la curiosité… »
Marie Curie
Quelques pommes à croquer

Étoiles, pommes, fleurs, mains gauches et droites, cyclistes et papillons, gouttes, bulles, verres et cristaux, pianos, soleils, chats, tables, toupies, vagues…
Pourquoi tous ces petits préludes à de grandes fugues vers les limites de l’Univers, vers l’intérieur des atomes, vers la genèse des formes ou la théorie du chaos, vers les frontières en mouvement de la science d’aujourd’hui ?
À quoi bon instiller tant de physique dans notre vie quotidienne ? À quoi bon parler du métier de chercheur ?
Suis-je donc obsédé par ma science ? La vie n’aurait-elle de sel, pour moi, qu’assaisonnée de rationnel ?
Ne serais-je pas plutôt un rêveur curieux de tout, tenté de tirer chaque fil qu’il rencontre pour démêler le grand écheveau du savoir ?
C’est votre curiosité que j’espère exciter, en vous invitant à croquer avec moi quelques fruits savoureux de la recherche contemporaine.
1
Nuit noire

J’avais neuf ans. Mon père enseignait les mathématiques et ma mère les lettres classiques, chacun dans un lycée de Tours. Juste après la guerre, ils avaient trouvé ce double poste dans une ville qui était calme mais leur plaisait peu. Ils avaient donc décidé de s’en échapper aussi souvent que possible et cherché une maison où ils pourraient emmener leurs quatre enfants en vacances. Comme ils n’avaient pas la moindre fortune personnelle, ils avaient déniché une vieille ferme en ruines, quatorze pièces autour d’un puits et d’une cour intérieure, le tout sur cinq hectares de terre a blé caillouteuse au pied d’un très joli village de Provence. À l’époque, cette région n’avait pas l’eau courante, le rendement à l’hectare était dérisoire et le tourisme inexistant. Mes parents avaient donc acheté cette merveille pour 450 000 anciens francs, à peine quelques mois de leur salaire de prof.
Le premier hiver passé dans les quelques pièces habitables fut glacial mais plein d’espoirs. Dès l’automne suivant, je décidai de mon futur métier. Je voulais être ingénieur des Eaux et Forêts.
Il faut dire que le service public des Eaux et Forêts encourageait le reboisement. C’est donc avec son aide que nous avions fait planter plusieurs milliers de cèdres, cyprès étalés et cyprès bleus de l’Arizona, pins d’Alep et pins noirs d’Autriche, quelques tilleuls, acacias et peupliers, un micocoulier et un catalpa, un sorbier des oiseaux, cent quarante amandiers, treize rangs de vignes dont un d’angevine et de cardinal, un de chasselas, un de muscat, un de gros vert et de dattier… Et je dis bien « nous » parce que, malgré mes dix ans, j’avais pris l’entretien de nos plantations en main avec mon père. Entre cailloux et chardons, je sarclais avec acharnement des espérances d’arbres que la sécheresse, hiver comme été, décimait chaque année. Ainsi encouragés, la moitié environ d’entre eux survécurent, réussirent à atteindre la nappe phréatique en une dizaine d’années et décuplèrent soudain leur vitesse de croissance. La végétation au sol se transforma, les chardons disparurent et les cailloux furent bientôt recouverts d’une mousse parsemée d’aiguilles, propice aux cèpes à l’automne. Un jour on trouva même quelques morilles, on rencontra des lièvres, des huppes, de nombreux papillons que je collectionnais. Je traçai des chemins et décidai fièrement que la nature aménagée était plus agréable que la nature sauvage.
Mais, grâce au plan d’aménagement Durance-Ventoux, l’eau était arrivée dans toute la région, le château Renaissance du village se mit à exposer de vilaines peintures géométriques, madame Francine Cœurdacier céda son épicerie à Hédiard, les touristes affluèrent et couvrirent tout le canton de piscines, les ruelles furent éclairées en jaune… Heureusement, notre forêt faisait écran à toute cette agitation et nos nuits restaient noires, pures et parfumées ; seuls les grillons et les crapauds en rompaient le silence.
Quinze ans plus tard, nos parents nous avaient laissé la jouissance de ce paradis. C’est alors que Jean-Pierre Maury nous apporta un télescope. Jean-Pierre aimait le bois, l’astronomie, les gros cigares cubains et la vulgarisation scientifique. Dans les poubelles du campus de Jussieu, à l’Université de Paris où il enseignait la physique, il avait récupéré un cadre en ferraille, un gros tube de PVC de 25 cm de diamètre, un vieux moteur électrique, un grand disque d’aluminium et trois roulettes. Grâce à quelques planches de chêne clair et un objectif de microscope qu’il avait ajoutés à tout ce bric-à-brac, et surtout grâce à un grand miroir parabolique qu’il avait poli lui-même dans sa cuisine puis fait argenter dans un atelier du Marais, Jean-Pierre avait monté un instrument d’observation du ciel très respectable et nous en avait fait cadeau.
Nous avons donc commencé à nous prendre pour Galilée.
Nous sortions ce télescope sur l’ancienne aire à blé de notre ferme, bien abrités des lumières voisines par nos pins et nos cèdres, nous en orientions l’axe de rotation parallèlement à celui de la Terre et commencions d’interminables observations.
Mes premières émotions furent simples : lorsqu’elle était pleine, la Lune, éblouissante, remplissait tout le champ de vision de notre appareil. Mais je préférais les premiers quartiers, lorsque l’ombre des cratères s’allongeait à la limite de la zone éclairée et qu’on distinguait la pénombre voisine.
Puis je compris comment trouver Jupiter. Il suffisait de regarder vers le sud, d’imaginer l’endroit où passe le Soleil le jour, une sorte de grande trajectoire circulaire qui commence à l’est, monte au sud et redescend à l’ouest ; les planètes suivent le même chemin puisque nous sommes tous, les autres planètes, notre Terre et le Soleil, dans un même plan. La trajectoire du Soleil et des planètes dans le ciel est l’intersection du plan de l’écliptique et de la voûte céleste. Si je trouvais un objet très brillant dans cette région du ciel, j’avais de grandes chances que ce soit Jupiter, à moins que ce ne soit Vénus.
Jupiter était facile à reconnaître puisque, comme Galilée en 1610, je lui voyais bien quatre satellites alignés. J’appris leurs noms : Io, Europe, Ganymède et Callisto, puis je m’aperçus que ces quatre points brillants changeaient de place d’un jour (d’une nuit) à l’autre. Oui, bien sûr, ils tournaient autour de Jupiter et j’en voyais parfois deux d’un côté et deux de l’autre, puis trois de l’un et un seul de l’autre, et ainsi de suite. Si le ciel était vraiment pur, je pouvais même distinguer les bandes sombres que forme l’atmosphère de Jupiter, déchirée par des vents abominables. Les bandes sont parallèles à l’équateur et à la ligne des satellites : l’ensemble tourne dans un même plan ! Quant à Vénus, que je trouvais près du Soleil, c’est-à-dire vers l’ouest en début de soirée ou vers l’est au petit matin, elle était facile à reconnaître aussi : un objet très lumineux mais sans satellite. Et je découvris que Vénus avait parfois une forme de croissant, comme la Lune en plus petit. Un croissant de Vénus…
Je pus me moquer de mes amis : mais non, cette grosse « étoile » n’en était pas une, c’était une planète ! On voyait bien qu’elle n’émettait pas de lumière par elle-même, qu’elle ne faisait que nous renvoyer celle qu’elle recevait du Soleil, sans compter qu’il s’agissait bien d’un objet proche puisqu’on en voyait distinctement le diamètre. Et je me sentais petit, pris de vertige dans ce grand manège. Et puis, à force d’ajuster sans cesse l’orientation de notre télescope dont le moteur n’avait jamais accepté de tourner, je continuais de penser à Galilée, condamné pour avoir défendu la science contre l’Église catholique. À l’époque, je ne savais pas encore qu’il n’a sans doute pas dit « et pourtant elle tourne » 1 , qu’il n’avait plus la force nécessaire à la fin de son procès, mais je comprenais que ce que je sentais dans mon viseur, c’était la rotation de la Terre sur elle-même, bien sûr, pas celle de la Terre autour du Soleil ; celle-là fait que Jupiter change de place dans le ciel tout au long de l’année, contrairement aux étoiles. Je me mis à réfléchir aux saisons, à l’inclinaison de l’axe de rotation de la Terre par rapport au plan de l’écliptique, aux périodes glaciaires et aux périodes interglaciaires que la Terre a connues…
Dans mes rêveries sur le mouvement relatif, évidemment, Galilée me tenait toujours compagnie. En effet, quelle différence y a-t-il entre « la Terre tourne autour du Soleil » et « le Soleil tourne autour de la Terre » ? S’il n’y avait que deux objets, la Terre et le Soleil, ces deux propo

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