Le Cinéma intérieur
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Le Cinéma intérieur , livre ebook

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Description

L’homme, selon Lionel Naccache, est un créateur de fictions. Il vit dans un monde dont il produit le sens, comme dans un film dont Je est le héros. « Il existe en nous une sorte de cinéma intérieur qui s’apparente au cinéma tout court par de très surprenantes similitudes, mais qui s’en distingue également par d’incroyables prouesses. » Notre esprit présente une propriété fondamentale qui consiste à créer des significations à tout ce que nous sommes en train de vivre, penser ou imaginer. Inconsciemment et consciemment. Dans ce livre, l’auteur, neurologue et chercheur en neurosciences cognitives, explore, avec les outils des neurosciences les plus récentes, la manière dont notre esprit/cerveau produit notre perception du monde et de nous-même. Il montre ainsi comment le sujet tisse l’« étoffe de ses fictions » et élabore le sens que les choses ont pour lui, au croisement du cerveau et de l’expérience subjective du monde. Avec beaucoup d’esprit et de talent, Lionel Naccache file dans ce livre la métaphore cinématographique et en révèle la spectaculaire fécondité. Il nous propose ici une toute nouvelle approche de la manière dont se façonne notre représentation du monde. Lionel Naccache dévoile dans ce livre une nouvelle théorie de la conscience. Lionel Naccache est ancien élève de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, neurologue à la Salpêtrière, chercheur en neurosciences à l’ICM, professeur de médecine à Sorbonne Université et membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Depuis son magistral Le Nouvel Inconscient jusqu’au best-seller Parlez-vous cerveau ?, il poursuit la construction d’une œuvre profondément originale qui révolutionne notre conception de la subjectivité et cherche à lui aménager une place de choix dans notre société. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 octobre 2020
Nombre de lectures 9
EAN13 9782738153487
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , OCTOBRE  2020
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-5348-7
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À Karine, Nathan et Gabriel.
« Dieu me soit en aide ! dit Sancho ; ne vous ai-je pas bien dit que vous regardiez bien ce que vous faisiez, que ce n’étaient que des moulins à vent, et que personne ne le pouvait ignorer, sinon quelqu’un qui en eût de semblables en la tête ? »
Miguel DE C ERVANTES , L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche.
AVANT-PROPOS
Le  prequel 1 de nos fictions

L’idée selon laquelle la fiction résiderait au cœur de nos pensées est devenue aujourd’hui très populaire. Signe des temps, notre statut de créatures fictionnelles inspire désormais des blockbusters hollywoodiens qui n’hésitent plus à en faire le thème principal de leurs intrigues et de leurs univers, de Matrix à Inception . Cette reconnaissance de l’importance première de la fiction dans nos existences met en pleine lumière la propriété fondamentale de notre esprit : nous ne cessons en réalité de produire, irrépressiblement, des significations à tout ce que nous sommes en train de vivre. Des significations auxquelles il est ainsi légitime de donner le nom de fictions , non pas pour souligner leur caractère illusoire ou incorrect (caractère qu’elles n’ont pas nécessairement), mais pour rappeler leur dimension subjective : exactes ou non, ces significations font sens à nos yeux. Elles sont, avant tout, le sens que les choses ont pour nous.
À vrai dire, ces fictions prennent tout leur relief lorsqu’elles visent les questions qui nous sont les plus chères : l’amour que nous portons à nos proches, les idées que nous nous faisons à notre propre sujet, notre vision du monde, de la société, des autres, de Dieu, de l’art, de la science, nos sentiments, le sens de l’existence, nos fantasmes, nos complexes, nos problèmes, nos espoirs, nos croyances les plus variées, notre imaginaire, nos rêves, etc. Dans tous ces domaines, les fictions sont les stars incontestées de nos flux de conscience.
Pour autant, loin de se cantonner à ces territoires intimes de notre vie mentale, je montre dans ce livre que nos fictions prennent également part aux aspects les plus immédiats de notre perception. Ces fictions souvent très sophistiquées, qui sont les véritables hôtes de notre esprit, ne surgissent pas ex nihilo dans une sorte d’éther de la conscience, mais elles se construisent, à chaque instant, dès les premières étapes de notre perception. Ces actes perceptifs, initialement inconscients, sont les lieux où naissent inlassablement nos premières fictions. Des fictions précoces donc, qui vont mûrir puis engendrer à leur tour des fictions plus complexes. Dès que nous ouvrons les yeux sur le monde, littéralement, notre machine à fictions se met en branle. Il existe ainsi en nous une sorte de cinéma intérieur qui s’apparente au cinéma tout court par de très surprenantes similitudes, mais qui s’en distingue également par d’incroyables prouesses.
C’est à partir de mes activités de neurologue spécialisé en neuropsychologie et de chercheur en neurosciences de la conscience que je me suis intéressé à l’étoffe de nos fictions. Dans Le Nouvel Inconscient , publié en 2006, puis dans les essais qui ont suivi, j’ai élaboré une théorie de la subjectivité qui accorde une place centrale à ces fictions que j’ai qualifiées de fictions-interprétations-croyances (FIC).
 
Ce nouveau livre, qui est consacré à leur généalogie et à leurs origines, s’apparente ainsi à un authentique prequel de nos fictions, tout comme il existe par exemple des films prequels des héros ou des superhéros issus de l’univers des comics américains, de Star Wars à Superman . Au cinéma, la vertu principale de ces films réside dans le récit – que nous ignorions jusqu’alors – de la naissance de ces personnages qui nous sont, eux, déjà familiers depuis fort longtemps. D’une certaine manière, ce retour aux origines permet de briser cette impression de familiarité, et il nous aide à prendre pleinement conscience du caractère extraordinaire de leur identité et, ainsi, à mieux les comprendre.
Cette remarquable propriété des prequels s’applique également à ces autres héros que sont nos fictions ordinaires. Nous ouvrions en effet ce livre en faisant état de la popularité, relativement récente mais désormais installée, de notre statut de créatures fictionnelles. Un statut dont se sont emparés romanciers et cinéastes, mais également philosophes, essayistes, sociologues, spécialistes du marketing et autres adeptes du storytelling, voire publicitaires. Pourtant, cette familiarisation avec le concept de fiction risque de nous faire perdre de vue une question essentielle : d’où provient notre capacité à fictionnaliser le monde ?
En remontant aux origines de nos fictions, puis en explorant l’insoupçonnée richesse de leurs compositions, nous allons découvrir un principe fondamental qui permet non seulement de répondre à cette question, mais qui fonde une nouvelle théorie de la conscience : les représentations du monde élaborées par notre esprit/cerveau ne sont pas des représentations froides et déconnectées de nous, elles répondent à un irrépressible besoin d’interpréter le monde, d’en produire des significations auxquelles nous pouvons subjectivement accorder une certaine crédibilité. La conscience est une farandole ininterrompue de fictions-interprétations-croyances, dont la plupart des ressorts demeurent inconscients, et donc peu accessibles à notre introspection.
Cette analogie entre les prequels cinématographiques et ceux de nos fictions établit ainsi, après le titre de cet essai, un second lien entre l’univers du septième art et celui de notre vie mentale. En réalité, l’expression cinéma intérieur qui donne son titre à ce livre vise bien au-delà d’une invitation au rêve médiée par la grâce d’une métaphore riche de promesses. Notre cinéma intérieur existe, je vais m’efforcer de vous le faire découvrir. Nul besoin pour cela de vous rendre dans une salle obscure.
Fixez simplement, non pas le grand écran, mais le livre qui est entre vos mains ou le petit écran sur lequel vous le lisez.
Attention, la projection de ce nouveau film (intérieur) va maintenant commencer.
1 . Au cinéma et en littérature un préquel (de l’anglais prequel ) qualifie une œuvre dont l’histoire précède celle d’une autre œuvre créée avant elle.
CHAPITRE 1
La roue tourne

Avant de faire connaissance avec le stupéfiant univers de notre cinéma intérieur, il est nécessaire de revenir un instant sur LA propriété fondamentale du cinéma tout court. Je commencerai donc cette exploration par une question ouverte : qu’est-ce qui donne, selon vous, tout son sens à la fort célèbre expression « magie du cinéma » ?
Le plus souvent, les réponses à cette question fusent vers les merveilleux contenus des œuvres des films de fiction, vers les ineffables palettes d’émotions que nous éprouvons en vivant par procuration d’abracadabrantes aventures dont les premières peuvent être symboliquement datées à l’an de grâce 1902 avec l’inoubliable Voyage dans la Lune de Méliès, même si chacun d’entre nous dispose de sa propre « play-list ». Voici en vrac quelques extraits de la mienne : L’Homme de Rio et ses promesses radieuses d’une vie aventureuse ; le baiser si attendu d’Eva Marie-Saint et Cary Grant dans La Mort aux trousses  ; l’hommage lancinant rendu par Truffaut à tous ses disparus – qui sont figurés par autant de bougies allumées –, avant de s’effondrer face à une Nathalie Baye éplorée et désespérément amoureuse dans La Chambre verte ; quasiment chacune des apparitions d’Ava Gardner dans Pandora  ; l’hypnotique scène de pêche au thon dans Stromboli  ; le panache génial de Philippe Caubère dans le Molière de Mnouchkine ; la poésie épurée qui habite Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Gondry… Partageons-nous, vous et moi, certains titres communs ? À chacun ses septièmes ciels du septième art.
Au risque de vous décevoir pourtant, la réponse que j’avais en tête en proposant cette petite devinette introductive n’est en réalité pas une réponse personnelle, mais une réponse universelle et immanente. La « magie du cinéma » à laquelle je pense est tout aussi présente dans les nanars les plus ridicules ou dans les navets les plus insipides que dans les éternels chefs-d’œuvre.
La magie du cinéma ?
24 images par seconde.
Je m’explique.

Pourquoi la roue de la diligence tourne-t-elle à l’envers à l’écran ?
Lové dans le fauteuil d’une salle obscure, chacun d’entre nous a déjà fait l’expérience de l’illusion suivante : une roue de diligence d’un western spaghetti de Sergio Leone, celle d’une voiture ou d’une motocyclette nous apparaissent tourner dans le sens opposé à celui du véhicule qui se déplace ! Alors que la Cadillac chromée évolue de la gauche vers la droite de l’écran, nous percevons irrépressiblement ses roues qui tournent à l’envers, de la droite vers la gauche. Lorsque nous sommes en proie à une telle perception, nos connaissances et nos efforts sont sans effets sur elle : quand bien même suis-je certain du sens réel de rotation de la roue, quand bien même je sais qu’il s’agit d’une illusion, cette dernière demeure et s’impose implacablement à ma conscience. Elle est cognitivement impénétrable , pour reprendre la saisissante expr

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