Le Cerveau magicien
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Le Cerveau magicien , livre ebook

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Description

Lorsque nous nous remémorons une altercation ou la racontons, ne mêlons-nous pas ce que nous avons dit et ce que nous aurions dû dire ? Pour tirer notre épingle d’un jeu qui n’a pas tourné à notre avantage ?Le cerveau magicien, c’est cette capacité qu’a notre cerveau de nous donner une représentation de la réalité qui nous évite du stress ou du déplaisir et nous procure des satisfactions ou du plaisir. Roland Jouvent explique pourquoi et comment les troubles psychiques sont des atteintes de ce cerveau magicien. Lorsqu’il n’est plus capable d’opérer sa magie, notre psychisme, confronté de plein fouet à la réalité, se rétracte ou s’effondre. Cette nouvelle approche du cerveau, qui a valu à Roland Jouvent la médaille d’argent du CNRS, fait comprendre pourquoi la guerre des psychothérapies n’aura pas lieu. Psychanalyse, comportementalisme et psychotrope, chacun à sa manière redonne au cerveau ses pouvoirs magiques.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 avril 2009
Nombre de lectures 6
EAN13 9782738195784
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Odile Jacob, 2009, janvier 2013
15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-9578-4
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
À celle qui m’a longtemps écouté, sur son divan, trois quarts d’heure trois fois par semaine. Elle m’a appris que l’imaginaire n’était pas un adversaire, qu’il pouvait être un complice de la réalité.
Introduction

Que serions-nous sans le secours de ce qui n’existe pas ?
Paul V ALÉRY

Nous sommes des machines à imaginer, à rêver. Cette activité créatrice de la pensée, privilège de l’humain, a pris une importance croissante dans notre activité psychique. Loin de nous isoler du réel, notre imaginaire s’est invité dans notre confrontation au monde physique. Il a fait de nous des machines à habiller le réel. Avec un même état physique du monde environnant, nous pouvons construire une multitude de représentations psychiques, depuis la transformation ludique jusqu’à la dénégation. C’est le fait d’un cerveau magicien, d’un illusionniste en nous qui décide à chaque instant quelle part du réel conserver comme socle de nos rêveries, et jusqu’à quel point notre imaginaire doit teinter la réalité, la décolorer ou la maquiller.
Cette activité magicienne, devenue une seconde nature, a un rôle adaptatif : donner à l’esprit les moyens de fabriquer du plaisir psychique. Nous utilisons notre pensée pour pallier les insuffisances du réel. Cela permet de rendre nos motivations moins dépendantes de la réalité physique du monde.
Cette capacité s’inscrit dans l’histoire de l’évolution qui conduit l’espèce humaine à asseoir progressivement la suprématie de la pensée sur la force physique. Elle fait de l’activité psychique un outil décisif de l’adaptation. Le magicien en nous est notre premier thérapeute. Il nous aide à chaque instant de la vie quotidienne à nous animer, nous consoler et repartir de l’avant.
On comprend alors que ses dérèglements expliquent nombre de situations psychopathologiques. Les exemples abondent de situations où la perte du plaisir psychique est l’un des premiers maillons de la souffrance des hommes. Ainsi, le déprimé qui s’étonne de ce qu’« il a tout pour être heureux, une femme qu’il aime, de beaux enfants adorables, un travail intéressant, mais que, pourtant, il n’a plus goût à rien, qu’il n’a plus aucun plaisir, qu’il lui arrive même parfois de penser qu’il ferait mieux d’en finir… ». Ou l’anxieux obsessionnel, passionné de peinture, qui se rend à une exposition qu’il attendait depuis longtemps, et dont le plaisir est gâché par avance, parce qu’il sent, il sait, qu’il ne pourra s’empêcher de compter, dès la première salle, le nombre de tableaux en espérant trouver un nombre pair. Ou encore le couple qui se déchire, triste bilan d’un amour qui s’use, chez qui la magie à deux ne fonctionne plus.
Par voie de conséquence, ce cerveau magicien est aussi une des cibles principales des thérapies : permettre à l’individu de retrouver les capacités régulatrices de son activité psychique. C’est le second objet de cet ouvrage : après la description de notre cerveau magicien, expliquer qu’il est la cible principale des thérapies de l’esprit. Nous essaierons de montrer à travers divers exemples comment les thérapies contribuent, chacune à leur manière, à restituer son pouvoir thérapeutique à notre pensée.

Le réel compose avec l’imaginaire
Nous commencerons par une brève histoire de l’esprit. Comment s’est-il développé à partir de deux pôles : le réel et l’imaginaire ? Le premier est la source primaire des satisfactions en même temps qu’il dicte les lois de la survie. Le second pallie les insuffisances du premier, d’une double manière : il aide à tolérer les frustrations en se substituant au réel – si l’on n’a pas, on peut imaginer qu’on a… –, en stimulant le travail de l’intelligence, il permet à l’homme d’influer sur le réel, de l’enrichir avec ses créations.
Dans ce jeu permanent entre le réel et l’imaginaire, l’esprit a développé des compétences de plus en plus élaborées. Il est devenu un grand couturier du réel, un expert de son interprétation. Cette double analyse du monde, physique, concrète et analytique à un pôle, commentée et développée à l’autre, est désormais caractéristique de l’activité mentale humaine. Non contents d’observer le monde qui nous entoure, nous avons pris l’habitude de le rejouer et de le travestir pour nous l’approprier.

Un curseur entre le réel et l’imaginaire
C’est cet habillage par la pensée qui définit le « cerveau magicien », ce gestionnaire de génie qui sait si bien nous émerveiller, nous calmer, nous aider à vivre les aléas de notre univers intérieur. Le cerveau magicien fait office de curseur entre le réel et l’imaginaire , constituant un répertoire d’une formidable versatilité où se combinent les actes de la pensée et les actions du corps. Si la réalité est pleinement satisfaisante, nous pouvons nous y abandonner totalement. Si au contraire l’environnement est aversif, notre imaginaire vient occuper notre pensée pour empêcher le ressassement de cette réalité négative. Tous les intermédiaires sont possibles entre ces deux extrêmes. Notre privilège humain est de savoir mêler subtilement nos pensées et nos rêves aux actes que nous accomplissons effectivement. Nous passons notre temps à nous raconter des histoires .

Le jeu de l’esprit avec le corps
Mais nos fables ne doivent pas nous faire décrocher de la réalité physique qui fixe les règles de notre survie. Le corps joue ici un rôle décisif, comme filin crucial de l’arrimage au monde. Ce sera l’objet des chapitres suivants, l’infiltration de la pensée par le corps, leur coopération nécessaire, le jeu entre les deux.
Lorsqu’un animal a froid, il ne peut que se blottir, hérisser sa fourrure et se mettre à l’abri. Nous autres humains, dans les mêmes circonstances, nous avons une multitude d’alternatives.
Je peux, en éprouvant physiquement le froid : dire que j’ai froid, et même y trouver un certain soulagement, voire du réconfort, ou bien déclarer que j’aime ce froid qui me stimule. Je peux décider, même assailli par le froid, que ce que j’éprouve s’appelle « chaud », ou « tiède ». Je peux me moquer de mon tempérament frileux, ou à l’inverse m’enorgueillir de ma résistance.
À la sensation première de froid, je peux associer des souvenirs :
— agréables : « Ça me rappelle l’hiver chez mes grands-parents pendant les fêtes de Noël » ;
— ou au contraire traumatiques : « C’est un jour de froid comme celui-ci que mon père a eu son accident. »
Je peux anticiper en disant que, dès mon chemin terminé, je boirai un grand bol de chocolat chaud, je peux ajouter que, la prochaine fois, je me couvrirai plus chaudement.

La communication : une magie à deux
Cet habillage psychique du réel, je peux en faire un jeu à deux. Si un ami est à mes côtés, je peux lui dire : « Il ne fait pas chaud aujourd’hui », « Tu as l’air gelé » ou « Moi, je ne sens pas le froid », en souriant. Je peux me mettre à sa place : « J’imagine, toi qui n’aimes pas le froid, ce que tu peux ressentir. » Je peux dire, en prenant un air sérieux : « J’ai trop chaud. »
Dans ce jeu avec la réalité physique du monde, je ne dispose pas que du langage et des images mentales : toutes ces maximes, je peux les connoter d’un geste, mimer que je grelotte, en accordant ou non mes paroles à mes gestes, mimer l’autre… Je peux faire un mouvement, une moue, en imitant un tiers, ou bien m’imaginer que je suis l’autre en train de faire ce mouvement, cette moue. Je peux jouer un personnage, imiter ses travers, je peux décliner une multitude de rôles.
Nous verrons dans la seconde partie de cet ouvrage les plaisirs raffinés qu’offre cette magie à deux. Nous tenterons de montrer comment elle peut aussi être un outil dans les psychothérapies, en particulier psychanalytiques.

L’objet de la magie : transformer l’événement en intention
Un fil conducteur nous guidera tout au long de cet ouvrage. C’est l’idée que le cerveau humain se compose schématiquement de deux parties en interaction permanente :
— un cerveau émotionnel commun aux mammifères, qui assure les fonctions vitales essentielles à l’espèce : la motivation, la survie et la reproduction ; il préserve l’ancrage dans la réalité : nous l’appellerons « le cheval » ;
— et un néocortex très développé dont la fonction initiale était de piloter le cheval, d’organiser et d’anticiper, et qui se trouve de plus en plus voué à construire de la pensée, à associer ; il relit le réel et l’embellit : nous l’appellerons « le cavalier ».
Le fonctionnement du cerveau magicien repose sur la coopération dialectique entre le cheval et le cavalier. Il obéit à une finalité adaptative héritée de l’évolution, qui consiste en un mouvement de bascule entre l’héritage des apprentissages du passé, privilège du cheval, et la construction d’un avenir, mission du cavalier.
Je développerai l’hypothèse que ce mouvement imprime à notre activité psychique une tendance à faire de la réalité physique du monde une création de l’esprit, à transformer l’événement en intention. J’y vois une source majeure de l’imaginaire. Utiliser la réalité comme matériel : la changer en projet qu’on s’approprie comme une création de notre esprit. S’il pleut et que je dis : « Ça tombe bien, je voulais aller au cinéma », je transforme un événement qui s’impose à moi en quelque

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