La Vie, l’Évolution et l’Histoire
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Description

Les commémorations récentes autour de Darwin et de L’Origine des espèces ont surtout visé à défendre le darwinisme. On a un peu négligé les questions demeurées sans réponses dans les sciences du vivant, ainsi que leur désormais longue désunion. Cet ouvrage met au jour la convergence nouvelle qui semble au contraire apparaître entre les deux grands pans de la biologie, celui qui se concentre sur les mécanismes et celui qui prétend rendre compte de leur existence par des explications évolutionnistes. Il en sort ainsi une vision nouvelle du vivant. Ce grand rapprochement a aussi une autre conséquence : il oblige à repenser les rapports de la biologie au temps. Bref, pour Michel Morange, la vie est histoire(s). Dès lors, sciences biologiques et sciences historiques, sans se confondre, sont appelées à se rejoindre et à se féconder. Où en est la pensée biologique ? Quelle définition du vivant émerge des recherches récentes ? Michel Morange réussit une synthèse rare autour des fondements théoriques des sciences de la vie. Michel Morange est biologiste, professeur à l’université Paris-VI et à l’École normale supérieure. Il dirige le Centre Cavaillès d’histoire et de philosophie des sciences. Il est l’auteur, notamment, de La Part des gènes et de La Vie expliquée ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 janvier 2011
Nombre de lectures 5
EAN13 9782738199218
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© ODILE JACOB , FÉVRIER 2011 15, RUE SOUFFLOT , 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
9782738199218
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3° a), d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À mes parents, qui m’ont tant donné
Introduction

Le bicentenaire de la naissance de Darwin et le cent cinquantième anniversaire de la publication de L’Origine des espèces ont été à l’origine de l’organisation de nombreux séminaires et colloques, et de la publication de multiples ouvrages.
Ces commémorations se plaçaient dans un contexte particulier : le développement récent, à partir des États-Unis, d’un mouvement appelé Intelligent Design niant la possibilité de trouver une explication naturelle aux « inventions » de l’évolution. Les partisans de l’ Intelligent Design utilisent les résultats de la biochimie et de la biologie moléculaire pour montrer combien il est difficile de rendre compte par la théorie darwinienne, c’est-à-dire par l’occurrence de variations aléatoires et l’action de la sélection naturelle, de la formation des structures moléculaires complexes présentes chez les organismes, et de leur adaptation si parfaite aux tâches qu’elles y réalisent 1 .
Les commémorations visaient, à travers la personne de Darwin, à défendre le darwinisme. Cela explique que la plupart des ouvrages publiés se soient focalisés sur les acquis de la révolution darwinienne plutôt que sur les questions encore sans réponse et qu’ils aient souvent confondu l’œuvre de Darwin avec ce que disent et font aujourd’hui les spécialistes de l’évolution.
Un aspect caractéristique des sciences du vivant a été laissé de côté lors des commémorations : leur profonde désunion. Deux types différents d’explications des phénomènes du vivant coexistent en effet aujourd’hui en biologie 2 . Les premières sont les explications dites « fonctionnelles », qui décrivent les mécanismes du vivant. Elles sont caractéristiques de la physiologie, de la biochimie, ainsi que de la biologie moléculaire et cellulaire. Les secondes sont des explications évolutionnistes : elles tentent de rendre compte du pourquoi de l’existence de ces mécanismes en proposant des scénarios évolutifs.
Ce n’est pas tant la coexistence d’explications différentes qui pose problème, que l’absence d’interactions entre elles. Illustrons par un exemple cette absence de communication. Les biologistes de l’évolution ont proposé des modèles sophistiqués pour expliquer la formation d’organismes multicellulaires 3 . Ils rendent compte de l’avantage adaptatif que représentent la multicellularité et la différenciation fonctionnelle des cellules au sein de cet agrégat. Ils dressent le bilan des coûts et des bénéfices que crée une telle transformation. Ils montrent que les seconds l’emportent sur les premiers. Ils expliquent comment l’action de la sélection naturelle se déplace du niveau cellulaire au niveau multicellulaire. Les biologistes moléculaires ignorent totalement ces modèles. Pour eux, l’explication de la multicellularité réside dans l’invention de molécules adhésives, permettant de coller les cellules les unes contre les autres, et des voies de signalisation permettant aux cellules de communiquer entre elles 4 . Un rôle a été aussi proposé pour les cils et les flagelles dans l’émergence de la multicellularité 5 .
Grand est le contraste entre cette absence de dialogue, ressentie par de nombreux biologistes – tous ceux qui ne restent pas cantonnés dans leur sous-discipline et jettent un regard sur ce que font et disent les autres biologistes – et cette louange aseptisée et politiquement correcte du darwinisme. La célèbre phrase du grand évolutionniste américain d’origine russe, Theodosius Dobzhansky – « Rien n’a de sens en biologie, si ce n’est au regard de l’évolution » – a été maintes fois citée au cours de l’année 2009 pour montrer la place centrale de la théorie darwinienne dans la biologie contemporaine. La réalité est bien différente : la plupart des biologistes ne font jamais appel à la théorie darwinienne dans leur travail de recherche et n’ont jamais placé les résultats qu’ils ont obtenus à la lumière de l’évolution.
Nous avons déjà décrit cette séparation dans un ouvrage précédent 6 . Nous ne ferons qu’en rappeler les caractéristiques dans la première partie, en l’illustrant par de nombreux exemples. Nous montrerons que cette séparation est ancienne, et que Darwin lui-même n’a pas attribué aux approches fonctionnelles la place qui était la leur dans la biologie du XIX e  siècle. Nous verrons aussi comment de nombreux biologistes fonctionnalistes croient, en toute bonne foi, utiliser une approche évolutionniste, alors qu’ils ne font appel qu’à une caricature de la biologie évolutive.
L’objectif de ce livre ne se borne pas à cela. Il est d’abord de montrer que cette séparation est en train de se résorber pour des raisons multiples et convergentes. De nouvelles disciplines se forment, des travaux se développent qui n’auraient pas été possibles il y a quelques années seulement. Un vaste tour d’horizon de la biologie contemporaine sera nécessaire pour montrer l’ampleur et la diversité de ce rapprochement entre la biologie fonctionnelle et la biologie de l’évolution.
Du développement de ces nouvelles disciplines et de ces travaux que nous aurons décrits au chapitre 2 émerge peu à peu une nouvelle vision du vivant, que nous tentons d’esquisser dans le chapitre suivant. Les modèles des biologistes de l’évolution aussi bien que ceux des biologistes fonctionnalistes en sortiront profondément renouvelés. Le mariage de ces deux approches ne se fera pas sans difficultés ni sans errements. Nous en analyserons les raisons : dans ces cas, la dynamique si positive de rapprochement des deux branches de la biologie ne s’enclenche pas.
Ce rapprochement a une conséquence majeure. Il oblige à repenser les rapports de la biologie au temps, de la vie à l’histoire – ce que nous ferons au chapitre 4. La vie se révèle de plus en plus être (et n’être que) l’histoire des êtres vivants. La vie est histoire , et cette histoire est une partie même de la définition scientifique de la vie.
Le choix par les biologistes du mot « évolution » pour désigner cette histoire de la vie fut malheureux. Il signifiait, sous la plume de Spencer, auquel Darwin l’emprunta, un processus régulier de complexification au sein de l’Univers.
L’intérêt de réhabiliter le terme d’histoire pour désigner l’évolution du vivant est de pouvoir bénéficier des acquis des historiens. Depuis un siècle, ces derniers ont réussi à surmonter beaucoup d’obstacles auxquels les biologistes se heurtent encore lorsqu’ils décrivent l’évolution des formes vivantes. Il ne s’agit pas de confondre l’histoire humaine, celle des historiens, et l’histoire des êtres vivants ; mais de profiter pleinement des leçons épistémologiques de la première pour anticiper ce qui naîtra de la rencontre entre la biologie fonctionnelle et la biologie de l’évolution.
La vie est histoire , ou plus exactement histoire s , avec une interaction permanente de principes, de règles et de contingences. Le discours sur la vie, c’est-à-dire la biologie, n’est possible qu’à travers la description et l’explication des multiples histoires du vivant.
Ce livre laissera de côté ou mentionnera seulement de manière marginale nombre de résultats récents de la biologie qui ont été obtenus à l’intérieur de l’une ou l’autre des deux grandes traditions de recherche biologique. Mentionnons, dans le champ de la biologie évolutive, les nombreuses études sur la coopération, le partage d’information, et la construction de niches ; et, dans celui de la biologie fonctionnelle, toutes celles consacrées aux ARN régulateurs, à la mise en place d’une vision systémique, ou à l’étude des macromolécules isolées. Quel que soit leur intérêt, elles ne remettent pas directement en cause la séparation entre les deux formes de biologie.
Montrer la part de l’histoire dans la description du vivant, ce n’est pas seulement rendre compte des développements récents de la biologie, c’est aussi aider à comprendre bien des difficultés rencontrées dans les recherches biologiques. Les relations souvent tumultueuses entre les biologistes et les physiciens trouvent en partie leur origine dans une appréhension insuffisante par les seconds de la dimension historique du vivant. De même, nous montrerons que la récurrence de nombreux débats et de nombreuses controverses en biologie – comme, par exemple, sur la place respective de la génétique et de l’épigénétique – trouve aussi son explication dans la difficulté à appréhender la dimension historique de la vie.
L’occultation de la place de l’histoire dans l’ensemble des phénomènes du vivant tient à un obstacle épistémologique, au sens que le philosophe français Gaston Bachelard donnait à ce terme 7 . Il est plus facile de faire du monde vivant le produit de lois générales, ou le fruit d’une contingence absolue.
Cet ouvrage est le fruit des discussions que j’ai eues avec de nombreux collègues, étudiants, amis. Je souhaite remercier particulièrement Mathias Grote, Lucie Laplane, Gilbert Lechermeier, Francesca Merlin, Pierre-Olivier Méthot, Vidyanand Nanjundiah, Thomas Pradeu, Jacques Reisse, Livio Riboli-Sasco, Stéphane Schmitt, Bernard Swynghedauw, Frédérique Théry et Stéphane Tirard. Mes remerciements vont aussi à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont contribué à

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