La Simplexité
136 pages
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La Simplexité , livre ebook

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Description

« La simplexité, telle que je l’entends, est l’ensemble des solutions trouvées par les organismes vivants pour que, malgré la complexité des processus naturels, le cerveau puisse préparer l’acte et en projeter les conséquences. Ces solutions sont des principes simplificateurs qui permettent de traiter des informations ou des situations, en tenant compte de l’expérience passée et en anticipant l’avenir. Ce ne sont ni des caricatures, ni des raccourcis ou des résumés. Ce sont de nouvelles façons de poser les problèmes, parfois au prix de quelques détours, pour arriver à des actions plus rapides, plus élégantes, plus efficaces. » (A. B.)Comme le démontre Alain Berthoz dans ce livre profondément original, faire simple n’est jamais facile ; cela demande d’inhiber, de sélectionner, de lier, d’imaginer pour pouvoir ensuite agir au mieux. Et si, à notre tour, nous nous inspirions du vivant pour traiter la complexité qui nous entoure ? Alain Berthoz est professeur au Collège de France où il codirige le Laboratoire de physiologie de la perception et de l’action. Membre de l’Académie des sciences, il a notamment publié Le Sens du mouvement et La Décision.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 septembre 2009
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738196804
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© ODILE JACOB, SEPTEMBRE 2009
15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS
www.odilejacob.fr
EAN 978-2-7381-9680-4
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
Introduction

« Comment se fait-il qu’un spécialiste des sciences de la nature patenté vient à se mêler d’épistémologie ? N’y a-t-il plus de travail valable dans sa spécialité ? J’entends nombre de mes collègues formuler ce point de vue, et j’en imagine encore bien d’autres. Je ne partage pas ce sentiment […]. Les concepts qui ont été utiles pour ordonner les choses acquièrent une autorité telle sur nous que nous oublions leur origine terrestre et les acceptons comme une donation inaltérable. Ainsi viennent-ils comme s’ils avaient l’étiquette de nécessités de la pensée, de données a priori , etc. La voie du progrès scientifique est souvent fermée pour longtemps par de telles erreurs. Pour cette raison, ce n’est en rien un jeu futile si nous nous entraînons à analyser des concepts usuels, et que nous présentons les circonstances dont leur justification et leur utilité dépendent […]. De cette façon, leur autorité largement trop grande sera rompue. »
A. E INSTEIN 1 .

Ce livre propose une réflexion sur un nouveau concept : celui de simplexité. Il entend, sous ce terme, désigner l’une des plus remarquables inventions du vivant, qui s’applique à de nombreux niveaux d’activité humaine, de la molécule à la pensée, de l’individu à l’intersubjectivité, et ce jusqu’à la conscience et l’amour.
Le maître mot en ce début du XXI e  siècle est celui de complexité. L’économie est complexe, la vie dans les mégalopoles est complexe, les mécanismes de la maladie d’Alzheimer sont complexes. Trouver le bon biocarburant pour remplacer le pétrole est complexe, gérer des familles séparées et permettre à la fois le développement harmonieux d’enfants et la liberté sexuelle des parents est complexe. Nous sommes écrasés par la complexité. Nous appartenons, en outre, à des corps sociaux variés, religieux ou politiques, et vivons écartelés entre de nombreuses identités : citoyens de notre pays, mais aussi de l’Europe, habitants d’un quartier, médecins ou maçons, touristes, patients, clients ou électeurs. Chacune de ces qualités nous encadre, nous impose des comportements, des normes, des habitudes et des habitus , qui nous placent dans un entrelacs de toiles d’araignées sociales et psychologiques sans cesse changeantes, d’une complexité sans égale dans l’histoire de l’homme.
Les théories scientifiques de la matière et du vivant ont aussi à faire face à la complexité des processus naturels. Aucun domaine n’y échappe. La physique cherche depuis longtemps une issue à la complexité. Si elle a atteint un degré général de maturité exceptionnelle, elle doit, confrontée à la complexité, se résoudre aux relations d’incertitude qui définissent les limites mêmes de la connaissance et admettre, par exemple, que l’on ne peut connaître à la fois la position et la vitesse d’une particule.
Pour formaliser la complexité, des savants de toutes disciplines ont créé un Institut de la complexité à Santa Fe aux États-Unis. Le prix Nobel de physique, Murray Gell-Mann, le découvreur des quarks, en est l’un des fondateurs. Son livre Le Quark et le Jaguar 2 résume élégamment la démarche nécessaire pour construire une théorie des systèmes complexes adaptatifs. La métaphore est célèbre : un papillon en Amérique du Sud peut provoquer une catastrophe en Europe. Autrement dit, une loi très simple d’organisation du vivant peut engendrer des structures complexes 3 .

Merveilles et impostures de la simplicité
Face aux défis de la complexité, on voit proliférer les méthodes pour simplifier. Destinées à éviter la folie collective ou individuelle due à l’impossibilité pour notre cerveau de traiter l’immense quantité d’informations nécessaires pour vivre, agir et comprendre, ces méthodes plaquent une simplicité apparente, exprimée par des théories mathématiques ésotériques qui masquent l’incapacité de leurs auteurs à saisir le réel. Ces modèles mathématiques, liés aux intérêts particuliers qu’ils dissimulent, conduisent régulièrement à des drames, comme en témoignent la récente crise financière et la faillite des systèmes bancaires. Autre exemple : pour faciliter la prise de décision, on a tendance à réduire l’homme à des processus logiques et à le modéliser par des théories logico-mathématiques qui simplifient la réalité du vécu. Or, malgré tous ces efforts pour trouver des solutions efficaces, des heuristiques simples qui rendent malins 4 , force est de constater que l’homme d’aujourd’hui est un Thésée perdu dans un labyrinthe, sans fil d’Ariane lui permettant de retrouver sa route. On lui fait croire que la sortie est au bout d’un chemin, mais celui-ci ne mène nulle part. Perdu dans la complexité réelle du monde, conscient de l’ineptie de ces modèles formels, il arrive alors qu’il renoue avec d’antiques croyances et verse dans l’obscurantisme.
Ce besoin de simplifier atteint actuellement toutes les activités. Tous les domaines de la vie sociale et politique, de la médecine, de la science, de la technologie, de la vie quotidienne sont en quête de méthodes ou de principes de simplification. On fabrique des appareils électroniques ou numériques dont on dissimule la complexité par un maniement simple. On remplit les ordinateurs de logiciels énormes en trouvant des moyens pour que l’utilisateur les manipule simplement. On simplifie les feuilles d’impôt, les protocoles médicaux. On simplifie les documents administratifs, on simplifie les procédures pénales pour les accélérer. On fait voter de façon électronique et on donne aux électeurs des choix simples entre deux candidats que l’on oppose sur un plateau de télévision. On simplifie la vie des gens en créant des supermarchés où ils trouvent tous les produits dont ils ont besoin. Des ingénieurs trouvent des solutions pour simplifier le calcul de fibres optiques ( light pipes 5 ), des chimistes découvrent des principes simplificateurs concernant les réactions enzymatiques ou cinétiques 6 . Le résultat de cette frénésie de simplification est de produire une complexité accrue. Plus la manipulation des ordinateurs est facile et plus les logiciels sont volumineux. Simplifier coûte.
De nos jours, on a tendance à confondre modernité et simplicité. Face à la prolifération et l’exubérance de l’art baroque, aux fantaisies de l’architecture classique, aux frivoles raffinements des costumes et des robes, le XX e  siècle a connu un mouvement de réduction au plus simple des formes et des matériaux. Ce mouvement, illustré par l’influence du Bauhaus, a envahi l’industrie et le design. Il commence heureusement à être contesté et les créateurs de vêtements, par exemple, semblent retrouver le plaisir de jouer – au sens musical du terme – avec les formes et les couleurs, les textures et les rythmes, le corps et les plis du tissu.

L’originalité du vivant
Nous voici arrivés au point où il me faut définir plus précisément le sens que je donne au concept de simplexité 7 . Je ne l’invente pas, le mot « simplexité » (en anglais simplexity ) est utilisé par les géologues depuis les années 1950 et il est d’un usage courant dans les domaines du commerce ou de la décoration. Néanmoins, ces utilisations ont un intérêt limité, car elles en font très souvent un synonyme de « simplicité ». Pour moi, la simplexité est tout autre chose. C’est d’abord, prioritairement et essentiellement, une propriété du vivant. Dans ce livre, je tente une analyse approfondie du concept de simplexité et de son intérêt pour comprendre l’originalité du vivant. La simplexité n’est pas la simplicité, elle est liée fondamentalement à la complexité avec laquelle elle possède une racine commune. Comme le rappelle fort justement Gell-Mann, « la simplicité renvoie à l’absence (ou quasi-absence) de complexité. Tandis que le premier terme dérive d’un mot signifiant “ce qui ne fait qu’un pli”, le second vient d’un autre signifiant, “plié avec, entrelacé” 8  ».
Les théoriciens de la complexité ont, pour certains, bien identifié ce qui distingue les organismes vivants de la matière inerte. Dans son livre sur la modélisation des systèmes vivants complexes, Bellomo, l’un des théoriciens de la complexité, écrit ainsi  : « Bien que les organismes vivants obéissent aux lois de la physique et de la chimie, la notion de fonction ou d’intention ( purpose ) distingue la biologie des autres sciences naturelles. Ce qui réellement distingue les systèmes biologiques et physiques sont la survie et la reproduction, et les concomitants de la fonction 9 . » Après quoi, il propose une théorie mathématique d’interactions entre « un grand nombre d’entités interagissant qui seront appelées particules actives, ou occasionnellement agents, et qui sont organisées en populations différentes qui interagissent ». Pour intéressante qu’elle soit, une telle conception de l’action a des limites. Elle n’aborde pas, en effet, ce qui fait l’originalité de l’acte chez les organismes vivants. Nulle part n’est mentionnée l’idée que la vie a trouvé de solutions pour simplifier la complexité. Nulle part n’est évoqué ce phénomène absolument remarquable qui s’est produit chez les vivants : la création de frontières délimitant des espaces clos comme la cellule ou le corps lui-même. Ces solutions sont des principes simplificate

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