La lecture à portée de main
142
pages
Français
Ebooks
2017
Écrit par
Joël Bockaert
Publié par
Odile Jacob
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2017
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Publié par
Date de parution
26 avril 2017
Nombre de lectures
1
EAN13
9782738136398
Langue
Français
Publié par
Date de parution
26 avril 2017
Nombre de lectures
1
EAN13
9782738136398
Langue
Français
© O DILE J ACOB , AVRIL 2017 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-3639-8
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À Sylvie
Introduction
Le XXI e siècle sera le « siècle des communications ». Quelle que soit votre localisation géographique sur la planète, quelles que soient vos occupations, vous serez baignés, si vous restez « connectés », dans une symphonie d’alertes, de SMS, d’appels téléphoniques et d’e-mails en tout genre. Si vous voulez suivre ou être suivi par vos « amis », il vous faudra aller sur Facebook, Twitter, et consulter leurs photos sur Instagram – un travail à plein temps. La journée des adolescents est aujourd’hui rythmée par les SMS (plus de 50, en moyenne, par jour).
Les technologies de l’information et de la communication (TIC) ont connu un développement impressionnant. Internet a été développé à partir de 1969 par le département de la Défense américain. Il est devenu accessible au public sous le nom de World Wide Web (« réseau mondial » ou Toile) grâce aux chercheurs du CERN (Centre européen de physique des particules) qui ont créé le premier système hypertexte (http) dans les années 1990. Plus de 5 milliards d’internautes sont connectés en 2017 ! En deux jours, il y a plus d’informations générées et échangées qu’entre l’origine de l’humanité et le XX e siècle. C’est ce que l’on appelle le Big Data, soit les « mégadonnées » en français. Ces ensembles de données sont si volumineux qu’ils en deviennent difficiles à analyser avec les outils classiques de l’informatique. C’est une vraie révolution au sens étymologique du terme, et qui doit être célébrée en tant que telle. Michel Serres le fait avec un enthousiasme « communicatif », c’est le cas de le dire, dans Petite Poucette [1] . Petite Poucette s’appelle ainsi car elle envoie ses SMS et ses e-mails en tapant, avec virtuosité, avec ses pouces. Selon Michel Serres, un homme nouveau est né. Il est enfin libre : ayant accès à tous les savoirs, il n’a plus besoin des « sachants », horrible qualificatif, ni de maîtres. Il génère démocratiquement, de manière horizontale, les savoirs. C’est la culture coopérative de Wiki créé par Ward Cunningham il y a dix ans (Wikipedia, Wikibooks, Wikiquote).
D’où vient ce besoin d’être en permanence en communication avec ses semblables, de se sentir membre de ce vaste réseau d’humanité, avec la crainte de s’en sentir exclu, voire « excommunié » ?
Si Homo sapiens a assimilé ces nouvelles techniques de communication aussi rapidement et avec une telle avidité, c’est qu’il y trouve un plaisir particulier, une récompense émotionnelle. La communication donnant un avantage sélectif aux espèces, des formes de plus en plus sophistiquées de communication sont apparues. Elles sont vitales chez les espèces sociales, fourmis, abeilles, primates et hommes. Le fait d’y prendre du plaisir n’a fait qu’accélérer cette évolution. Mais tout plaisir que l’on peut renouveler immédiatement, sur simple commande, et de façon illimitée, risque de devenir addictif.
L’addiction à la communication est une maladie de nos sociétés. Est-ce une forme d’« épouillage » planétaire qui rassure et réduit l’anxiété que l’homme éprouve dans sa solitude ? De fait, la déconnexion du téléphone portable provoque un syndrome de sevrage très mal vécu par les « addictophones » : la « nomophobie » (de no mobile phobia ). Le diagnostic est simple : souffrance de ne pas avoir son téléphone portable à portée de main, risque d’anxiété et de panique en cas de perte. Une enquête vient de révéler que 66 % des personnes interrogées reconnaissent être nomophobes, les femmes davantage que les hommes, et les 18-24 ans étant les plus sérieusement affectés. Au Japon, un vaste programme de recherche va être lancé pour soustraire ces enfants au monde virtuel d’Internet et des jeux vidéo. Les patrons des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) envoient leurs enfants dans des écoles sans Internet. Aux États-Unis, les centres de cure « digital free », où les connexions ne passent pas, font florès. En France, le Vichy Spa Hôtel vous propose un séjour « déconnecté » avec téléphone portable séquestré avec vos bijoux, dans un coffre-fort, plus de télévision et de la musique relaxante.
Homo sapiens est doté de remarquables capacités biologiques de communication, grâce à un cerveau capable de penser l’autre, lui permettant une communication sociale d’une extrême richesse et finesse. Le langage complexe a été un accélérateur déterminant de la communication humaine. Il permet de raconter des événements, des histoires, de les situer dans le temps, de créer des mythes et des règles sociales. Il permet aussi de planifier plus facilement des actions collectives et de coopérer. La coopération est certainement, plus que l’affrontement et la violence, un facteur positif d’évolution. De plus, grâce à ses capacités d’inventivité et d’apprentissage, et à sa culture cumulative, Homo sapiens n’a cessé de générer des outils de communication de plus en plus sophistiqués. Quand cette nécessité de communiquer est-elle apparue dans le monde vivant ? On a récemment découvert que les bactéries communiquent et coopèrent. Cela leur permet entre autres d’augmenter leur virulence, de se reconnaître au sein d’une même espèce ou de reconnaître les espèces étrangères.
Les champignons monocellulaires comme la levure de bière ou levure de boulanger, Saccharomyces cerevisiae , ont un système de communication qui leur permet de s’accoupler et de fusionner [2] . Pour cette reproduction sexuée, les individus émettent un signal chimique, une phéromone, qui est reconnue par un récepteur exprimé à la surface cellulaire de ses congénères de « sexe » différent. Plus étonnante a été la découverte montrant que les récepteurs mis en jeu ont une structure chimique très similaire à celle des récepteurs de messages chimiques de la communication comme les hormones, les neurotransmetteurs, les odeurs, les molécules sucrées ou amères, mais aussi la lumière. Cette famille de récepteurs compte, chez l’homme, environ mille membres, soit 3 à 4 % de l’ensemble des gènes. Ce sont les récepteurs couplés aux protéines G (les RCPG) [ 3 - 4 ]. Les systèmes biologiques de communication ont donc été mis en place dès l’origine de la vie, puis se sont diversifiés et complexifiés, souvent en « bricolant », selon la formule de François Jacob dans Le Jeu des possibles , des molécules présentes dans les espèces plus ancestrales [5] : « L’évolution biologique est ainsi fondée sur une sorte de bricolage moléculaire, sur la réutilisation constante du vieux, pour faire du neuf. »
Les communications au sein du vivant ne se limitent pas aux communications entre individus. Elles jouent aussi un rôle majeur au sein des organes, pour un fonctionnement harmonieux et coopératif de l’ensemble des cellules des organismes multicellulaires. À l’évidence, l’évolution de ces êtres multicellulaires a été étroitement liée à la capacité qu’ont acquise leurs cellules à communiquer entre elles. Parmi les multiples systèmes de communication intercellulaires du vivant que nous évoquerons, l’émergence du système nerveux joue un rôle particulier. Les scientifiques pensent que les neurones, tels que nous les connaissons, apparaissent très tôt au cours de l’évolution, il y a environ 600 millions d’années. La conduction électrique, via les neurones, est bien plus rapide et précise que la communication par diffusion de molécules chimiques comme les phéromones ou les hormones. Organisés en réseaux et circuits, les neurones ont ouvert de nouvelles possibilités aux animaux. En effet, si on imagine que les réseaux peuvent se créer, se modifier et se stabiliser au cours de l’apprentissage, on a, avec le système nerveux, la possibilité de générer de la mémoire et même de la pensée.
La thèse de cet ouvrage est que la communication avec ses semblables, ennemis et amis, avec le milieu écologique environnant ou encore entre les cellules d’un même organisme est consubstantielle à la vie et à son évolution. Déjà bien présente chez les bactéries, elle n’a fait que se complexifier. Chez l’homme, elle est devenue un besoin dont la satisfaction stimule les systèmes de récompense et de plaisir et dont la privation peut conduire à la folie.
Jusqu’où ce « besoin » de communications conduira-t-il notre espèce ?
CHAPITRE 1
La communication chez les bactéries : un bon départ
Les sociétés humaines qui ont mis en place une économie mondialisée connaissent des affrontements, des tensions et des crises qui sont, eux aussi, de plus en plus globalisés. L’expansion de la démographie (1 milliard d’êtres humains en 1800, 7,5 milliards en 2015), associée à des ressources naturelles essentielles (eau, énergies fossiles, terres rares, etc.) en quantité limitée ou finie, pose des problèmes inédits. Comment vont se comporter ces sociétés ? Les comportements coopératifs, voire altruistes, vont-ils se développer afin de résoudre ces défis ou, au contraire, les comportements égoïstes et agressifs vont-ils l’emporter ? L’étude des comportements sociaux chez les êtres vivants peut-elle nous éclairer sur les mécanismes de communication les plus « avantageux » pour un développement harmonieux et pacifique de nos sociétés ?
Origine de la vie et des bactéries
Il y a environ 4,6 milliards d’années,