L'Ordre étrange des choses , livre ebook

icon

389

pages

icon

Français

icon

Ebooks

2017

Écrit par

Publié par

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
icon

389

pages

icon

Français

icon

Ebook

2017

icon jeton

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Lire un extrait
Lire un extrait

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus

C’est à une réflexion radicalement nouvelle et profondément originale sur les liens qu’entretiennent les origines de la vie, l’émergence de l’esprit et la construction de la culture qu’Antonio Damasio nous convie dans ce livre, qui fera date. Conjuguant, dans une démarche pionnière, les acquis des sciences de la vie et l’apport des sciences humaines, Antonio Damasio montre que le vivant porte en lui une force irrépressible, l’homéostasie, qui œuvre à la continuation de la vie et en régule toutes les manifestations, qu’elles soient biologiques, psychologiques et même sociales. L’Ordre étrange des choses décrit comment, dans le cours d’une généalogie invisible, les émotions, les sentiments, le fonctionnement de l’esprit, mais aussi les formes les plus complexes de la culture et de l’organisation sociale, s’enracinent dans les organismes unicellulaires les plus anciens. Une thèse forte, puissamment argumentée, qui ne manquera pas de susciter le débat. Un grand livre qui bouleverse nos habitudes de pensée et nous fait voir sous un jour inédit notre place dans la longue chaîne de la vie. Antonio Damasio est professeur de neurosciences, de neurologie, de psychologie, de philosophie, et dirige le Brain and Creativity Institute, à l’Université de Californie du Sud à Los Angeles. Il est membre de la National Academy of Medicine et de l’American Academy of Arts and Sciences. Ses ouvrages ont été traduits dans une trentaine de langues ; il est notamment l’auteur de L’Erreur de Descartes et de Spinoza avait raison, qui ont connu un immense succès.
Voir icon arrow

Publié par

Date de parution

02 novembre 2017

Nombre de lectures

35

EAN13

9782738136091

Langue

Français

Parution de la version américaine originale en 2018 sous le titre : The Strange Order of Things. Life, Feeling, and the Making of Cultures (Pantheon Books, New York)
Copyright © 2017 by Antonio Damasio
Pour la traduction française :
© O DILE J ACOB , NOVEMBRE 2017 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-3609-1
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
À Hanna
« Je le vois par ce que je ressens. »
Gloucester à Lear, William S HAKESPEARE , Le Roi Lear , acte V, scène 6.

« Le fruit est aveugle. C’est l’arbre qui voit. »
René C HAR .
Débuts

1
Au cœur de ce livre : une passion et une idée.
Ma passion : les affects – le monde de nos émotions, de nos sentiments *1 . Je l’explore depuis de nombreuses années. Pourquoi et comment exprimons-nous, ressentons-nous, utilisons-nous nos émotions pour bâtir notre soi ? Dans quelle mesure les sentiments peuvent-ils renforcer ou contrecarrer nos meilleures intentions ? Quelles interactions entre le corps et le cerveau rendent possibles de telles fonctions, et dans quel but ? Sur toutes ces questions, je souhaite faire part de nouveaux faits et de nouvelles interprétations.
Quant à mon idée, elle est très simple : j’estime que les sentiments propulsent, évaluent, négocient nos activités et nos productions culturelles, et que leur rôle n’a pas été jusqu’ici reconnu à sa juste valeur. Les humains se sont distingués du reste du monde vivant en élaborant une spectaculaire collection d’objets, de pratiques et d’idées – collectivement nommés « cultures ». Cette collection renferme les arts, la philosophie, la morale et la religion, la justice, la gouvernance, les institutions économiques, la technologie et la science. Pourquoi ce processus a-t-il vu le jour – et quand ? Vaste question. La réponse la plus fréquente évoque une importante faculté de l’esprit humain (le langage verbal) ainsi que des traits distinctifs (socialité intense ; intellect supérieur). Pour les personnes intéressées par la biologie, la réponse passe également par la sélection naturelle – qui fonctionne au niveau génétique. De fait, l’intellect, la socialité et le langage ont sans doute joué un rôle de première importance dans ce processus ; et il va sans dire que nous disposons d’organismes et de facultés permettant l’invention et la création culturelle, par la grâce de la sélection naturelle et de la transmission génétique. Mon idée centrale ne conteste pas ces faits ; elle postule toutefois que la grande épopée culturelle de l’humanité a été activée par un élément supplémentaire. Un élément moteur ; un facteur de motivation. Je veux parler des sentiments – depuis la douleur et la souffrance jusqu’au bien-être et au plaisir.
Prenons l’exemple de la médecine, l’une de nos productions culturelles les plus significatives. Cette alliance de la technologie et de la science a vu le jour en réaction à un constat : il existait des douleurs et des souffrances provoquées par des pathologies de toutes sortes (traumatismes physiques, infections, cancers) et il existait leur contraire (le bien-être, les plaisirs, la perspective de l’épanouissement personnel). La médecine n’a pas été créée pour servir de simple sport intellectuel ; ses inventeurs n’avaient pas pour seul but de se mesurer à quelque énigme diagnostique ou physiologique. La médecine est le fruit de sentiments spécifiques éprouvés par les malades – et de sentiments spécifiques éprouvés par les premiers praticiens, parmi lesquels la compassion, elle-même issue de l’empathie. Aujourd’hui, ces motivations n’ont pas varié. Les soins dentaires et les procédures chirurgicales ont nettement progressé depuis notre naissance ; cela n’a échappé à aucun de mes lecteurs. Toutes les innovations – produits anesthésiants efficaces, instruments précis – ont pour moteur la même motivation principale : la gestion du sentiment d’inconfort. Les ingénieurs et les chercheurs jouent un rôle non négligeable dans ce processus, mais il y a bel et bien une motivation à ce rôle. La motivation financière des industries du médicament et de l’instrumentation y occupe également une place significative : nous avons besoin d’atténuer nos souffrances, et ces industries ne font que répondre à ce besoin. Quant à la poursuite du profit, force est de remarquer qu’elle est alimentée par des aspirations variées, qui ne sont rien d’autre que des sentiments – le désir d’ascension sociale, de prestige, l’avidité pure et simple (ce qui nous rappelle qu’une motivation n’est pas nécessairement noble). Il est impossible de comprendre l’intensité des efforts produits pour mettre au point des traitements contre les cancers ou la maladie d’Alzheimer sans prendre en compte les sentiments en tant que négociateurs, facteurs de motivation et outils de contrôle de ce processus. De même, il est impossible de saisir pourquoi les cultures occidentales ont déployé moins d’efforts pour découvrir un remède contre le paludisme en Afrique (ou pour traiter la toxicomanie dans la plupart des régions du monde) sans étudier les schémas de motivation – et d’absence de motivation. Le langage, la socialité, le savoir et la raison sont les inventeurs et exécutants principaux de ces processus complexes. Mais ce sont les sentiments qui les motivent ; ce sont les sentiments qui contrôlent leurs résultats ; et ce sont les sentiments qui permettent de négocier les ajustements nécessaires.
C’est là l’essence de mon idée : l’activité culturelle a commencé avec les sentiments, et elle y demeure ancrée. L’interaction (favorable et défavorable) des sentiments et de la raison doit être prise en compte, sans quoi il nous sera impossible de comprendre les conflits et les contradictions qui sont au cœur de la condition humaine.

2
Comment les humains peuvent-ils à la fois souffrir, mendier, célébrer la joie de vivre, être philanthropes, artistes et scientifiques, saints et criminels, tour à tour maîtres bienveillants de la terre et monstres cherchant à la détruire ? Pour répondre à cette question, il nous faut bien sûr nous appuyer sur les travaux d’historiens et de sociologues – mais aussi sur des œuvres d’art. La sensibilité des artistes révèle bien souvent les mécanismes cachés des passions humaines. Il nous faudra également puiser dans plusieurs branches de la biologie.
Les sentiments n’étaient donc pas seulement les éléments déclencheurs de nos cultures : ils guidaient également leur évolution. En m’intéressant à ce double rôle, j’ai cherché à établir un lien entre la vie humaine (telle que nous la connaissons aujourd’hui, dotée d’esprit, de sentiments, de conscience, de mémoire, de langage, d’une socialité complexe et d’une intelligence créatrice) et la vie primitive, qui aurait vu le jour il y a 3,8 milliards d’années. Pour identifier ce lien, il me fallait tout d’abord établir un ordre et une chronologie du développement et de l’apparition de ces facultés fondamentales dans la longue histoire de l’évolution, des origines à nos jours.
Le véritable ordre d’apparition des facultés et des structures biologiques que j’ai mis au jour va à l’encontre des idées reçues – et cet ordre d’apparition est particulièrement étrange, comme l’évoque le titre de ce livre. L’évolution du bel instrument que j’aime à appeler « l’esprit humain créateur de culture » ne correspond pas aux représentations traditionnelles que l’humanité a élaborées.
Je souhaitais raconter une histoire sur la nature et le rôle des sentiments humains – et j’ai fini par comprendre que nos représentations de l’esprit et de la culture n’étaient pas en phase avec la réalité biologique. Lorsqu’un être vivant se comporte intelligemment et avec assurance en société, nous partons du principe que ce comportement résulte à la fois d’une capacité d’anticipation et de réflexion, et de mécanismes complexes – et que cette capacité et ces mécanismes s’appuient sur le système nerveux. Or il apparaît désormais clairement que de tels comportements auraient également pu naître chez de simples cellules isolées (bactéries) dès l’aube de la biosphère. C’est là un fait des plus étranges – et le mot est faible.
Il est aujourd’hui possible d’envisager une explication susceptible de nous aider à saisir ces affirmations à contre-courant. Cette explication se fonde sur les mécanismes de la vie elle-même et sur les conditions de sa régulation – un ensemble de phénomènes généralement désignés par un seul et même nom : homéostasie . Les sentiments sont l’expression mentale de l’homéostasie, tandis que cette dernière, qui agit sous le couvert des sentiments, est la chaîne pratique qui relie les formes de vie primitives à l’extraordinaire alliance des corps et des systèmes nerveux. C’est cette alliance qui a donné naissance à nos esprits conscients et sensibles. Et ce sont eux qui, à leur tour, ont fait naître les caractéristiques les plus distinctives de l’humanité : la culture et la civilisation. Ce livre accorde une place centrale aux sentiments – mais ces derniers tirent leur puissance de l’homéostasie.
Le fait de mettre au jour les relations entre les cultures, les sentiments et l’homéostasie renforce les liens cultures-nature et permet d’approfondir la question de l’humanisation du processus culturel. Les sentiments et l’esprit créateur de culture ont tissé ensemble des liens au fil d’un long proc

Voir icon more
Alternate Text