L Empathie esthétique
366 pages
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L'Empathie esthétique , livre ebook

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Description

Écouter une musique de Mozart, admirer une fresque de Michel-Ange ou lire une pièce de Shakespeare peuvent transformer notre cerveau. C’est la magie de l’empathie esthétique par laquelle l’esprit d’un créateur s’incarne et nous métamorphose. Un effet thérapeutique est possible, parfois spectaculaire, une véritable renaissance abolissant les notions de temps et d’espace, une régénération spirituelle qui nous ressource en profondeur. Dans ce livre, Pierre Lemarquis nous propose de vivre une expérience esthétique inouïe et de nous fondre dans les fresques de Michel-Ange à la Sixtine, sous le regard amusé de Mozart. Pierre Lemarquis est neurologue, membre de la Société française de neurologie, de la Société de neurophysiologie clinique de langue française et de l’Académie des sciences de New York. Sérénade pour un cerveau musicien et Portrait du cerveau en artiste, ses deux précédents ouvrages, ont été de grands succès. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 septembre 2015
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738165169
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , OCTOBRE  2015
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-6516-9
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Pour ceux qui, aux cow-boys, préfèrent les Indiens !
Sur une tablette cunéiforme d’environ quatre mille ans :
« Gilgamesh dit alors […] : “Ur-shanabi, cette plante est un remède contre l’angoisse. Par elle, l’homme obtient par lui-même sa guérison. Je veux l’emporter dans Uruk-l’Enclos, j’en ferai manger à un vieillard pour essayer cette plante. Elle s’appelle ‘le- vieillard- rajeunit’. Moi-même j’en mangerai pour revenir au temps de ma jeunesse.” […] Alors un serpent flaira l’odeur de la plante ; silencieusement, il monta et emporta la plante ; sur le champ il rejeta ses écailles. »
Épopée de Gilgamesh *1 .
Avant-propos

Un homme peut-il (re)naître quand il est vieux ? Peut-il une seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître ? Comment cela peut-il se faire ? Qui d’entre nous ne s’est jamais posé la question que Nicodème, un sage spécialiste de la Torah, adressait naïvement au Christ, ce prophète qui faisait des miracles, ressuscitait les morts, avait grandi en Égypte et semblait en avoir hérité la sagesse et les mystérieuses connaissances.
Nous souhaitons de même notre médecine faustienne, capable de nous régénérer, de reculer sans cesse les limites de la prolongation de la vie et de nous donner une nouvelle jeunesse. L’entreprise reste illusoire et oublie le côté spirituel. Si, malgré nos efforts, notre corps vieillit et se flétrit, il n’en est pas de même de notre esprit qui gagne chaque jour en expériences, en souvenirs et tisse des liens avec le monde qui nous entoure et nous sculpte au point de pouvoir s’y fondre naturellement au terme de notre voyage. Cette interconnexion avec le monde que nous créons à notre image et dont nous sommes constitués est à l’origine même de la vie. Elle se retrouve dans nos rapports avec l’art.
Écouter une musique, admirer une œuvre ou lire un livre aboutissent au même résultat : après la stimulation des zones sensorielles appropriées pour les sons, les images ou la lecture, notre cerveau se comporte comme si la musique, un tableau ou les personnages d’un roman en avaient pris possession, ainsi que le prévoyaient des philosophes comme Merleau-Ponty ou Robert Vischer qui donna un nom au processus en 1872 : l’empathie esthétique, le ressenti de l’intérieur, l’ Einfühlung . Dans ce contexte c’est paradoxalement l’esprit qui devient matière, le verbe qui se fait chair et l’on parle de « cognition incarnée ». Nous ne percevons par les sens que l’apparence des choses. Ce qu’elles sont en elles-mêmes, leur intimité, nous échappe sauf par l’empathie qui nous permet d’entrer en résonance avec elles. Il ne s’agit pas d’un simple phénomène en miroir, mais d’une véritable modification de nos circuits neuronaux sculptés par les œuvres pouvant aboutir à des processus émergents, une nouvelle vision de soi et du monde, le tout, c’est-à-dire l’œuvre, le spectateur et les liens tissés entre eux étant plus que la somme des parties. Il s’agit d’un art de la mémoire poussé à l’extrême puisque le créateur via son œuvre vit à nouveau dans le cerveau du spectateur qui assumera sa quête d’éternité en l’incorporant, le nourrissant de sa propre chair comme un nouveau-né. Mais le spectateur se métamorphose à son tour en se dissolvant dans l’œuvre : un effet thérapeutique est possible, parfois spectaculaire, une véritable renaissance qu’Aristote avant Freud appelait catharsis .
La littérature améliore notre capacité à raisonner, mais, si un essai nous éclaire en fournissant une argumentation rigoureuse pour arriver à une conclusion, la lecture d’une fiction développe l’adaptation à des situations ambiguës, au désordre ou à l’incertitude, bref à la « vraie vie 1  » au point d’être conseillée avant un entretien d’embauche, ou un rendez-vous galant, de façon à optimiser ses interactions avec un futur contact 2 . En acceptant de s’immerger dans ce rêve éveillé qu’est un roman ou une œuvre d’art pour en ressentir les effets comme s’il s’agissait de la réalité, on favorise sa créativité par une réflexion plus libre qui n’a pas à prendre de décision dans l’urgence forgée sur des conclusions argumentées.
Puisque nous sommes faits de l’étoffe dont on fait les songes, il nous faut donc sans hésiter partir à l’aventure et, si vous le souhaitez, embarquer pour un voyage imaginaire, mais, comme toute histoire fantastique, parfaitement authentique. L’empathie esthétique en sera le fil d’Ariane et la clé pour tenter de nous transformer et de répondre à la question de Nicodème.
PROLOGUE
Une nouvelle naissance par l’art : de L’Odyssée de l’espace au Michelangelo Code

Tout a commencé à dix mille mètres d’altitude et à plus de mille kilomètres à l’heure dans un avion qui revenait vers Paris après un congrès mondial de neurologie en Asie. Il était possible de visionner pendant le voyage le film 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick en écran individuel et l’on pouvait ainsi partir à la conquête des étoiles via le fameux monolithe noir rectangulaire qui apporte la connaissance à nos ancêtres à l’aube de l’humanité : aspiré vers l’infini, nous traversions des univers kaléidoscopiques, peuplés de nébuleuses et de galaxies solarisées pour nous retrouver au final seuls, dans un intérieur luxueux et symétrique, avec un mobilier Louis XV, du marbre et des tableaux de la Renaissance. Vieillis et maladroits, brisant un verre de cristal en absorbant notre repas, nous étions à nouveau visités par le monolithe à l’instant ultime, lui tendions le bras comme Adam face à son créateur représenté par Michel-Ange sur le plafond de la chapelle Sixtine, et renaissions sous la forme d’un fœtus à nouveau propulsé dans l’espace, retournant sur la Terre au milieu des cuivres de l’ouverture du poème symphonique de Richard Strauss Ainsi parlait Zarathoustra inspiré par Nietzsche et son éternel retour.
– Sais-tu que Nietzsche pensait être la réincarnation d’Héraclite ?, me dit mon collègue et ami Benoît Kullmann assis à ma droite.
Avec sa barbe blanche et ses cheveux devenus plus rares, Benoît ressemble à Léonard de Vinci ou à un philosophe grec (sauf lorsqu’il porte son grand chapeau noir qui le fait ressembler à un rabbin). Dans la fresque de Raphaël L’École d’Athènes qui se trouve au Vatican, Platon trône au centre, l’index pointé vers les cieux. Il a les traits de Léonard de Vinci (et, par transitivité, de Kullmann) avec, à ses pieds, triste et mélancolique, Michel-Ange dans le rôle d’Héraclite l’obscur, philosophe présocratique dont on ne connaît que des fragments. La fin de 2001 évoque l’un d’entre eux : « Dans la circonférence d’un cercle, le début et la fin se confondent » bien que ses citations les plus célèbres soient « tout s’écoule » et « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». Il disait aussi « le soleil est nouveau chaque jour » et le feu était dans son système à l’origine de toute chose, comme pour le phénix qui renaît de ses cendres.
Avec Benoît, nous évoquons le symposium auquel nous avons assisté qui traitait du cerveau social et dans lequel se sont exprimés Giacomo Rizzolatti, le découvreur des neurones miroirs qui imitent le monde et nous permettent l’apprentissage et l’empathie, et Vittorio Gallese, de la même équipe italienne de Parme, qui s’intéresse à la neuroesthétique. Lorsque nous écoutons de la musique, notre cerveau l’accueille dans son lobe temporal, à côté de l’oreille. Chargé du décodage initial des sons, il les dispatche ensuite dans différents secteurs spécialisés : la mélodie et les timbres (hémisphère droit), le rythme (plus diffus), l’écart entre les notes (à gauche) 3 . Le lobe frontal s’active pour la mémoire à court terme, le plaisir en musique venant en partie du souvenir de ce que l’on vient d’entendre et de l’anticipation de ce qui va venir. Le fonctionnement du lobe frontal, qui assure également les fonctions exécutives, c’est-à-dire la planification des actions en contrôlant les émotions, s’en trouve renforcé, laissant augurer d’une meilleure réussite aux examens pour les enfants pratiquant la musique.
– Cette propriété pourrait être testée chez les hyperactifs 4 , remarque judicieusement Benoît !
L’art du compositeur consiste entre autres à nous rassurer, mais également à nous surprendre en un subtil jeu de tensions/résolutions et de répétitions/différences qui nous captive et nous enchante comme dans une berceuse maternelle. Mais, avant de gagner le système du plaisir et de la récompense, les neurones miroirs, découverts fortuitement à Parme au début des années 1990 par l’équipe de Giacomo Rizzolatti, s’activent en résonance et, même si nous restons immobiles en apparence, notre cerveau habité par la musique fonctionne comme s’il chantait et dansait. Par la voie de transition de l’insula, repli de l’encéphale vers l’intérieur, nous gagnons la zone profonde des émotions, entrant en empathie 5 avec le morceau et son compositeur. Quel instrumentiste au sommet de son art n’a jamais eu l’impression d’être visité, sinon possédé, par la musique, voire par le compositeur lui-même en une sorte d’incarnation troublante et merveilleuse ? Qui n’a ressenti de la consolation en écoutant la petite voix douce et tendre d’une musique triste venue briser sa so

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