217
pages
Français
Ebooks
2021
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Publié par
Date de parution
22 septembre 2021
EAN13
9782738157034
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
6 Mo
Publié par
Date de parution
22 septembre 2021
EAN13
9782738157034
Langue
Français
Poids de l'ouvrage
6 Mo
FA C E
FA C E
avec son
À
Stanislas Dehaene
© O J, 2021
15, rue Soufflot, 75005 P aris
www .odilejacob .fr
ISB N 97 8- 2- 7381-5703-4
Le Code de la pr opriété int ellectuelle n’ autorisant, aux t ermes
de l’article L. 122 - 5, 2° et 3°a, d’une part, que les « copies ou
repr oductions strictement r éservées à l’usage privé du c opiste
et non destinées à une utilisation collective » e t, d’autr e part,
que les analyses et les court es citations dans un but d’e xemple
et d’illustration, « toute r eprésentation ou r epr oduction intégrale
ou partielle faite sans le consen tement de l’ auteur ou de ses
ayants dr oit ou ayants c ause est illicite » ( art. L. 122 -4).
Cette r eprésent ation ou repr oduction, par quelque pr océdé
que ce soit, constituer ait donc une contr efaç on sanctionnée
par les articles L. 335- 2 et suivants du C ode de la propriété
intellectuelle.
Pour Céleste,
À son cerveau que f açonnent nos f acétieux f ac e-à-f ace.
7
V oir son cerv eau pour la
premiè re f ois est une e xpé-
rience émouv ante et in -
time. T out mon esprit, ma
personne, mes souvenir s,
ma volont é, tiennent-ils
vraimen t dans ce kilo et demi de matièr e molle ?
T out ce que je r essens, tout ce que je suis même, se
réduit -il à la déchar ge de quelques dizaines de mil
-
liards de neur ones – quand bien même ils ser aient
agencés av ec soin par un demi-milliar d d’années
d’ év olution et cinquant e-six ans d’ éducation ? Et,
en accep tant de les v oir , vais -je découvrir dans mes
circ onv olutions quelques secr ets cachés, de nou
-
velles r ece ttes de bonheur ou, au c ontr aire, quelque
désordr epassé ou à v enir?
Je me souviendr ai longtemps de la pr emière f ois
où, écr asant mon nez et lutt ant contr e la claustro
-
phobie, je me glissai dans l’ énorme aimant d’ima -
gerie par r ésonance magnétique du Service hospi -
talier Fr édéric - Joliot. Quelques minutes plus tar d,
mon anatomie défilait sur l’ écr an – y c ompris une
grosse lésion da ns la substance blanche ! Ce n’ était
heureus ement qu’une f ausse alerte, vite diss i-
pée par la neur oradiologue : un parasite dans la
rec onstruction de l’image…
L ’ anatomie de mon cerveau n ’ a rien d’ extr aor di
-
naire. C e qui est fabuleux, par contre, e t mérite bien
un livre, c’ est l’extr aor dinair e progr ès des techniques
d’ explor ation du cerv eau et des av ancées fulgu
-
ran tes qu’ elles ont permises dans la compr éhension
des liens entr e le corps et l’ esprit. En trente-cinq
ans de recher ches, j’ai vu la boîte cr ânienne r endue
transpar ent e, les pensées dev enir décodables, les
maladies céder à un début de compr éhension.
J’ ai visit é des laborat oires où l’ on visualisait, un
à un, tous les neur ones d’un petit animal en pleine
activité. J’ étais pr ésent lor sque l’Eur ope, la Chine,
les États -Unis, le Japon ont lanc é, l’un après l’ autre,
d’ ambitieux proje ts dotés de milliar ds d’ eur os.
J’ ai participé à la genèse des premièr es théories
mathématiques qui expliquent c omment r elier la
conscience e t son substrat mat ériel.
C’ est ce projet mondial, c ette av entur e intellec
-
tuelle en plein essor que j’ ai voulu r aconter ici, en
partageant av ec v ous une c entaine d’images specta-
culaires de la c onquête du c erveau . Mon choix est
inévitablemen t subjectif , mais il me permettr a d’ ex -
pliquer , en termes les plus simples possibles, ce que
nous parvenons à v oir , comment nous le rendons
visible, et jusqu’ à quel point c’ est bien la pensée
qui émerge de nos enr egistr ements.
Bienv enue dans mon cabinet de curiosités – e t
bienv enue dans l’intimité de v otr e cerv eau ! Car
toute la div ersité des pr ocessus neur ologiques
que v ous allez découvrir se déroule, en ce moment
même, dans v os pr opr es circ onv olutions. Saisissez
le miroir qui vous est tendu et déc ouvrez, au plus
pro fond de v ous-mêmes, les méc anismes de votr e
pensée.
__
Cerveau de l’ auteur ,
scanné en 2003
par l’IRM à 3 T esla
du Service hospitalier
Frédéric - Joliot du
Commissariat à l’ énergie
atomique d’Orsay ,
et rec onstruit en trois
dimensions à l’aide
du logiciel Anatomist
de l’équipe de
Jean-Fr ançois Mangin,
librement disponible
sur br ainvisa.inf o.
F A CE À F A CE
av ec son cerv eau
Thomas Geminus,
Compendiosa totius
anatomiae delineatio aere
exar ata (1545).
9
Nous sommes notr e cerv eau – rien d’ autr e que
l’ étoff e des r êv es de ce tte matièr e à pensée.
Comment les hommes en ont -ils pris conscienc e ?
Quel hardi e xplorat eur a, le premier , osé disséquer
un cadavr e pour t oucher du doigt l’ organe même
du soi?
La pr éhistoir e nous a légué de nombr euses
trac es de tr épanations réussies, preuv es que cer
-
tains hommes avaien t déjà compris que le souffle
de l’ esprit passe par le cerv eau. L es médecins égyp -
tiens connaissaient les principales structur es du
cerv eau et leurs pathologies. Cependan t, comme
nous le v err ons dans les pages qui suiven t, il fau
-
dra att endre le
e
siècle, celui des lésions, et le
e
siècle, celui de
l’imagerie cér é -
brale, pour que
l’ on prenne plei -
nement conscienc e
qu’ à toutes les
échelles, depuis la molécule jusqu’ à la synapse, au
neurone, au cir cuit et aux cir c onv olutions du corte x,
les structures du c erveau ne serv ent qu’ à une seule
chose: penser .
Dans cette conquêt e du cerv eau, l’ é volution
des outils a joué un rôle c entr al, depuis le bistouri
du chirur gien jusqu’ à la camé ra à posi tons et à
l’IRM. Le z oologiste britannique J. Z. Y oung faisait
remar quer que « nous créons des out ils et nous
nous faç onnons nous-mêmes en les utilisan t ». En
neuroscienc es, cett e phrase pr end une r ésonance
particulière : chaque nouvelle image du c erveau
nous invite à r epenser les liens entr e notr e corps e t
notr e esprit.
__
Cerv eau (n.m.):
Appar eil av ec lequel nous pensons
que nous pensons.
Ambrose Bier ce, The Devil’ s Dictionary (1906).
Hiéroglype
désignant le cerveau .
Papyrus E dwin Smith,
vers 1
500 avant
notre èr e.
UNE BRÈVE
histoir e du c erv eau
11
Gravur e de Mattheus
Greuter (
e
siècle).
Un homme est allongé sur
un branc ar d. Il est conscient,
comme en témoignent
ses gestes de la main.
Cependant, sa têt e dispa
-
raît dans un f our d’ alchimie…
et de la cheminée s’ échappent des images, des
idées, des signes et des r êves. Il pense, mais s on
imagination a perdu toute in timité ; chacun peut
voir ses pensées, et si no tre volontaire cr oit pouvoir
cacher la taille de son caleç on ou l’identité de sa
maîtresse, il se tr ompe : v ous les re trouv er ez, en
bonne place, dans les dessins qui s’ échappent de
son imaginaire!
Dans cett e gravur e du début de la R enaissance,
le lecteur du
e
siècle ne peut s’ empêcher de v oir
l’ anticipation d’un a pparei l qui nous est aujour d’hui
familier : l’imagerie fonctionnelle par résonanc e
magnétique, ou IRM fonctionnelle – une machine
capable de sonder l’ activité du c erveau , d’ éclairer
le moindre r ec oin de nos circ onv olutions et de les
proje ter sous forme d’images lisibles par d’autr es.
La machine à pr ojeter les pensées dont r ê vaient
les poètes est -elle vr aiment devenue r éalité? Que
lit-on ex actement dans ces nouvelles images de
notr e cerv eau ? Comprenons -nous suffisamment
la genèse de nos pensées pour les r econstituer de
l’ extérieur ? Chacune de nos idées corr espond-elle à
un état neur onal, et jusqu’ à quel point parvient -on
aujourd’hui à les déchiffr er ? Et comment les scien
-
tifiques sont-ils parv enus jusqu’ à ce poin t?
__
PEUT -ON
v oir la pensée?
13
Gravur e du livre de
Gregor Reisch, Mar garita
philosophica , livre X,
trac. II, figur e18.
C’ est dans le cœur , et
non dans le cer veau ,
qu’ Aristote (384- 322
avant no tre èr e ) situait
l’ origine de notr e esprit.
Nos battements c ar
-
diaques ne suivent -ils
pas le flux de nos pen -
sées et de nos émotions ? C’ est à cett e théorie
intuitive que nous de v ons bon nombre de nos
expr essions cont emporaines : avoir bon cœur ,
prendr e les choses à c œur ou à c ontr ecœur , mettr e
du cœur à l’ ouvr age…
Le c erveau , lui, n’ était vu que c omme un radia
-
teur spécialisé dans le re froidissemen t du sang que
nos émois faisaient bouillir . Dès l’ Antiquité, pour -
tant, pr olongeant les observ ations des thér apeutes
égyptiens, un médecin gr ec, Hippocrat e ( 460- 375
avant no tre èr e ), avait vu juste : c’ est bien le cer
-
veau , et non le cœur , qui pense, raisonne e t s’ émeut.
Ses maladies peuvent par aly ser , faire per dre la
parole ou r endr e épileptiques : c’est la « maladie
sacrée », déjà r econnue dans la médecine ayurv é
-
dique de l’Inde depuis plusieurs siècles.
Mais comment f onctionne c et étr ange or gane ?
L ’ école hippocratique s’inspir e des seules machines
connues à l’ époque: les automates hy dr auliques
et pneumatiques d’Hér on d’ Alexandrie, qui animent
les statues et les portes des temples. L a métaphor e
donne naissance au pr emier modèle d u ce rv ea u :
la théorie des humeurs. Il f aut l’ ent endre au s ens
propr e : humides, ces quatr e liquides – bile
jaune, bile noire, flegme e t sang – tr ansmetten t
les messages émotionnels de notr e c o rp s. S eu l
leur équilibr e assure que nous restions … d e b onn e
humeur , sans excès de bile ou de mélanc olie.
S’ appuyant sur les dissections de l’ école d’ ana
-
tomie d’Hér ophile de Chalcédoine ( environ 330- 260
avant no tre èr e) et les siennes, Galien (129 - 201) le
confirme : le cerv eau est cre ux, il compr end plusieurs
vases r emplis de liquide ! C’ est la découv erte des
ventricules c ér ébraux. L es nerfs, quan t à eux, res
-
semblent à des tuy aux qui véhiculen t les humeurs