La lecture à portée de main
169
pages
Français
Ebooks
2018
Écrit par
David Gourion Séverine Leduc
Publié par
Odile Jacob
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement
169
pages
Français
Ebook
2018
Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne En savoir plus
Publié par
Date de parution
19 septembre 2018
Nombre de lectures
16
EAN13
9782738145260
Langue
Français
Publié par
Date de parution
19 septembre 2018
Nombre de lectures
16
EAN13
9782738145260
Langue
Français
© O DILE J ACOB , SEPTEMBRE 2018 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-4526-0
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Préambule
« Tout le monde est un génie. Mais si on juge un poisson par son habilité à grimper dans un arbre, il passera sa vie entière à croire qu’il est stupide. »
Albert E INSTEIN .
Quels sont les points communs entre Sherlock Holmes, le Docteur House, l’agent Spencer Reid 1 , Sheldon Cooper 2 , le Docteur Spock 3 et Spiderman ? Certes, ce sont des personnages que l’on retrouve dans des séries télévisées ou des romans mais pas que… Avez-vous remarqué qu’ils sont géniaux mais très maladroits dans leurs relations aux autres ? Ils n’ont pas le sens de l’autre d’où une certaine forme d’autisme. Il leur manque l’intelligence relationnelle. Toutefois cette particularité leur est pardonnée parce que, dans leur domaine, ce sont des hyperexperts.
Ces personnages de fiction ont tous été imaginés avec une certaine fragilité. Ils sont malhabiles dans ce qu’on appelle la communication sociale et pourtant ils fascinent le grand public. L’un a des capacités extraordinaires à percevoir les détails, l’autre à faire des liens entre les symptômes pour découvrir une maladie que personne n’avait vue, l’autre encore est un hyperexpert en physique quantique. Ces êtres exceptionnels le sont car ils ont tous une façon bien à eux de penser et d’envisager le monde qui les entoure. Leur cerveau ne fonctionne pas tout à fait comme celui des autres.
Regardez autour de vous, dans le monde réel, il existe également des êtres particuliers avec des fonctionnements tout aussi étonnants. Avez-vous entendu parler de Daniel Tammet et de son incroyable talent pour réciter pendant cinq heures les milliers de décimales après la virgule du nombre pi ? de Stephen Wiltshire et de sa mémoire eidétique (ou mémoire absolue) lui permettant de dessiner avec une étonnante précision les villes et monuments qu’il a vus, même très rapidement ? de Glenn Gould et de son talent incroyable pour le piano ? d’Andy Warhol ? de George Lucas ? de Mark Zuckerberg ? de Vincent Van Gogh ? La liste est encore longue de ces talents hors norme. Tous peuvent relever de ce que l’on appelle le spectre autistique. Ces êtres, qui ont des difficultés dans les relations sociales, se caractérisent par une pensée profonde et systématique avec un désintérêt marqué pour tout ce qui est superficiel, associée à une hypersensibilité émotionnelle, une hypersensorialité et une capacité phénoménale à mémoriser les moindres détails d’un sujet lorsque ce dernier correspond à leur centre d’intérêt.
Ce spectre est un continuum qui va du mode de fonctionnement neurotypique (c’est-à-dire normal, au sens de ce qui est le plus fréquent, banal) jusqu’aux confins de la neurodiversité autistique, en passant par une infinité de nuances et de formes très différentes les unes des autres. Cette perspective est révolutionnaire, sachant que l’autisme est longtemps resté cantonné à la description de la forme la plus sévère, celle d’un trouble rare touchant une naissance sur plusieurs milliers, se manifestant sous la forme d’un handicap majeur, et à laquelle est associée l’image terrible d’enfants qui ne communiquent quasiment pas et passent leur temps à se balancer dans le coin d’une pièce.
Heureusement des voix se sont élevées, des patients ont commencé à témoigner, le film Rain Man a eu un succès incroyable permettant au grand public de découvrir l’autisme. Des chercheurs se sont intéressés à ces questions, des associations de parents d’enfants autistes ont œuvré pour une meilleure reconnaissance des particularités de leurs enfants.
Avec cette nouvelle définition du spectre autistique (vous entendrez aussi parler du syndrome d’Asperger ou TSA si l’on se réfère à la classification américaine), les statistiques montrent que 1 personne sur 59 4 est concernée, ce qui est considérable.
C’est cette particularité neurodéveloppementale avec ses forces et ses fragilités que nous allons décrire dans ce livre.
Les autistes sont donc bien plus nombreux dans le monde que ce que nous pensions il y a quelques années. Ils font partie de la diversité du fonctionnement cérébral (ou neurodiversité) qui caractérise – heureusement – l’espèce humaine. Et l’expression de cette particularité est extrêmement diversifiée, certaines personnes subissent d’importants désagréments dans leur vie quotidienne alors que d’autres présentent juste quelques caractéristiques presque invisibles.
Le mot « autisme » n’est donc pas un gros mot, il ne doit plus faire peur et nous espérons que ce livre contribuera à la compréhension d’une condition encore entourée de beaucoup d’ignorance, de clichés négatifs et de partis pris stigmatisants.
Plus encore, nous souhaitons montrer à travers de nombreux exemples qu’il est possible de tirer parti de ce fonctionnement particulier, d’en faire une force. En prenant conscience de ses véritables potentialités, on améliore son estime de soi et on oriente mieux ses choix de vie. En cessant de voir l’autisme comme un cataclysme, on peut s’ouvrir à tout un monde nouveau, plein de créativité et de richesse.
Cet ouvrage s’adresse autant aux neurotypiques – c’est-à-dire à tous ceux qui ont un fonctionnement cérébral classique (pensée irrationnelle, attirance pour la superficialité et les ragots sans intérêt et mémoire de poisson rouge !) – désireux de mieux comprendre la neurodiversité, cette pensée hyperlogique si particulière, avec ses formidables potentialités hypermnésiques et hypersensorielles, qu’aux neuroatypiques qui s’ignorent. Ils trouveront des pistes de compréhension de leur propre fonctionnement et des conseils pour surmonter leur vulnérabilité et mieux vivre dans une société encore insuffisamment inclusive.
PREMIÈRE PARTIE
Pas comme les autres
Me préoccuper du sens ou du but de ma propre existence ou de celle des autres m’est toujours apparu d’un point de vue totalement objectif, dépourvu de toute signification.
Bien sûr, chaque homme possède ses propres buts vers lesquels il oriente ses efforts et ses choix. Mais, à vrai dire, le bien-être et le bonheur ne me sont jamais apparus comme un idéal absolu (j’appelle d’ailleurs ce principe moral l’« idéal des pourceaux »).
En réalité, les idéaux qui ont inspiré ma route et m’ont sans cesse donné un vrai courage étaient le bien, le beau, le vrai.
Sans le sentiment d’être en harmonie avec ceux qui partagent mes convictions, sans la poursuite d’objectifs éternellement insaisissables, dans le domaine de l’art et de la recherche scientifique, la vie me serait apparue absolument vide.
Les buts sans intérêt que poursuivent la plupart des humains, la possession de biens, le succès extérieur, le luxe, me sont toujours apparus, depuis ma plus tendre enfance, méprisables.
De surcroît, en dépit de mon idéal élevé de justice sociale, je n’ai jamais éprouvé le besoin de me rapprocher des autres humains et de leur société.
Je suis un vrai cheval solitaire ; je ne me suis jamais donné de tout cœur ni à ma patrie ou à mes origines natales, ni à un quelconque cercle d’amis, ni même à ma plus proche famille ; au contraire j’ai toujours éprouvé le sentiment inlassable d’être un étranger et nécessité un grand besoin de solitude ; ce besoin ne fait que croître avec les années.
Ainsi, je me confronte durement, mais sans regrets, aux limites de l’entente et de l’harmonie avec mes congénères. Sans doute une personne ayant mon caractère perd-elle ainsi une certaine insouciance, mais elle y gagne une large indépendance vis-à-vis des opinions, habitudes et critiques de ses semblables. Elle ne sera pas tentée de chercher à établir sa propre vision du monde sur des bases futiles.
La mère de l’homme (en l’occurrence Albert Einstein 1 ) qui s’exprime au travers de ces lignes s’est inquiétée pour son garçon dès sa naissance.
Elle trouvait son petit Albert bizarre : pataud, trop gros, le crâne allongé… On cherchait bien à la rassurer, mais rien n’y faisait. Elle craignait que son bébé soit anormal. La suite a semblé lui donner raison : cet enfant ne parlait pas et préférait jouer seul dans son coin.
Les seules activités qui lui plaisaient étaient la construction inlassable de châteaux de cartes et l’assemblage des petites pièces de bois. Enfant calme et solitaire, il ne partageait pas les jeux de ses camarades ; à l’âge où les autres petits garçons jouaient aux chevaliers et aux petits soldats, il se désintéressait des cadeaux qu’on lui offrait. Mais un jour, à la surprise générale, vers l’âge de 4 ou 5 ans, alors que son oncle Caesar lui apportait une boussole, le petit Albert tomba littéralement en pâmoison, demeurant des heures entières dans un état de fascination extatique devant cet objet qu’il refusait désespérément de rendre, observant le comportement saccadé et erratique de la petite aiguille aimantée. On avait l’impression qu’il assistait à un vrai miracle !
Enfant rêveur, il semblait toujours ailleurs, perdu dans un monde bien trop lointain pour que l’on puisse l’y rejoindre. Son langage progressait trop lentement au goût des adultes et il répétait inlassablement chaque phrase qu’il venait de prononcer en remuant doucement les lèvres et en tournant en rond dans la pièce.
Ces comportements insolites devenaient de plus en plus évidents aux yeux