Zamaninyazi, l’âge du temps
72 pages
Français

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Description

Invitation aux voyages dans des univers imaginaires, quêtes de beauté, d’esthétisme, d’amour et de bonheur. C’est surtout, et avant toute chose, une quête du sens de la vie que tous les protagonistes s’évertuent à parcourir et à atteindre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2009
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748374469
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0041€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Zamaninyazi, l’âge du temps
Philippe Geay-Troyes
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


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14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Zamaninyazi, l’âge du temps
 
 
 
A Camille
A Amandin
mes raisons d’être.
 
 
 
Il reste toujours du parfum à la main qui donne des roses.
 
Confucius
 
 
 
La quête d’Eliptos
 
 
 
Au soir de sa vingtième année, Eliptos sut que le temps était venu pour lui de partir. Partir pour quérir, partir pour trouver. Il avait acquis la certitude que l’heure avait sonné de sa quête. La quête de son existence, la quête de celui qui lui manquait tant, qui lui avait toujours manqué, la quête de son père. Un impérieux besoin de recherche l’animait. Partir. Quitter ce monde et ses douleurs. Abandonner le délicat vêtement de l’enfance, comme le jeune serpent sa première peau, et revêtir le lourd manteau du pèlerin. Il était prêt maintenant. En cet âge encore enfantin, il se retrouvait seul face au monde et ses souffrances. Triste et seul, bien triste et bien seul. Rien ne le retenait plus en ces lieux. Ni les jeux, ni les gauches accolades et les brusques étreintes des garçons, dont il ne goûtait plus l’amicale présence, ni les douces œillades, ni les rires finement perlés des jeunes filles alentours dont les doigts énamourés envoyaient continuellement des baisers. Elles se pâmaient et pleuraient sans cesse devant ce visage aussi lisse et beau qu’un matin de printemps sans que pourtant aucune de leurs perceptibles émotions ne semblât le troubler.
Ezfir venait de le quitter ; sa grand-mère s’en était allée rejoindre des contrées bien plus douces et bien plus hospitalières, des rivages où seuls vont celles et ceux qui ont eu quelques mérites au cours de leur si aléatoire et si incompréhensible existence. La vue du jeune homme se brouillait bien souvent et ses yeux lui brûlaient encore d’avoir trop pleuré, et de pleurer toujours, la perte de son unique parente et sa destinée désormais vouée aux abîmes insondables de l’infinie solitude. Rien ne lui restait plus qu’un maigre baluchon de vêtements usés et la chaleur de son amour à jamais gravés dans son âme et son cœur.
Ievdokia, sa pauvre mère s’était éteinte alors qu’il était enfant, au moment fatidique où Eliptos s’était détourné de son sein. En réalité, elle était morte depuis bien plus longtemps, depuis l’instant précis où Svetozar, son époux vénéré, était parti pour ne plus jamais revenir. Aux premières lueurs d’un matin d’automne. Un matin calme, tout irisé de couleurs, tout empli de promesses. Un matin si semblable à tant d’autres matins pourtant. L’aurore était belle, les cieux magnifiques et la vie sublime. Les fleurs déployaient leurs pétales froissés et resplendissaient sous un ravissant collier de fine rosée. La terre se réveillait lentement ; elle laissait s’évaporer dans l’air pur et frais les parfums délicats qu’elle avait retenus captifs toute la nuit durant. Tout n’était que sérénité, subtilité, perfection.
Les nuages bleuissaient à peine au firmament que Svetozar traversait déjà le village endormi. Il était si beau dans sa tunique blanche toute d’amour brodée, si léger dans ses fines bottines qu’on aurait dit un ange descendu du ciel ou l’un de ces Pans divins que le désir embellit encore. Dans la pénombre de leur chambre, toutes les femmes qui l’aimaient en secret l’admiraient au travers des persiennes closes et ne pouvaient retenir leurs tristesses. Les larmes d’elles-mêmes s’échappaient de leurs yeux rougis car s’il est incontestable que la conscience de la mort fait pleurer, l’indicible perception d’une impalpable félicité émeut bien davantage encore.
Les terres du village étaient insuffisantes à nourrir les âmes affamées. Svetozar se devait de préparer le prochain hiver. Il lui fallait ramener plantes et gibiers dans quelques champs glanées ou par quelques pièges attrapés. Comme le ciel à l’océan uni, comme « la mer allée avec le soleil », il s’évanouit dans l’azur, là où le chemin se confond avec l’horizon et nul ne le revit jamais plus. Ievdokia se consuma de chagrin ; le feu interne de sa passion pour Svetozar la dévora. Il était son Dieu, il était son Homme, il était sa Vie. Elle l’aimait d’amour comme la plage aime le sable ou la mer le sel. Ce fol abandon qui la bouleversait totalement et qu’elle avait instantanément ressenti, dès son premier regard sur elle posé, cet amour ardent qu’elle n’avait jamais osé lui avouer et que, dans son silence de fille soumise, elle n’avait jamais pu lui révéler, ce don absolu d’elle qu’elle lui avait passionnément offert, la ravagèrent de l’intérieur. Elle s’étiola et disparut aussi discrètement qu’elle avait vécu. De la jeune fille magnifique, aux grands yeux sombres pleins de promesses et de rêves, aux longs cheveux de jais qui jouaient sans arrêt avec les nuages, à la taille si fine et si souple que, lorsqu’elle riait et dansait dans les champs et les prés, on la pouvait confondre avec la délicate graminée qui se plie sous le vent, Eliptos n’avait que la douloureuse image d’une ombre hagarde et blême, inanimée et grise, aux orbites creuses, aux yeux aussi éteints et vitreux qu’est terne l’éclat de la lune dans le bronze sombre du marais. Dans ce soupir de vie, seule la poitrine semblait animée d’une quelconque sève car elle continuait de déverser son lait salvateur dans la gorge du nourrisson. Lorsque l’enfant fut sevré, l’ombre s’évapora instantanément dans sa nuit et Ezfir recueillit le tout jeune enfant.
Mais Ezfir n’était plus aujourd’hui. Eliptos avait distribué ses maigres biens à ses rares amis et revêtu ses plus beaux vêtements. Soutenu par sa seule détermination, comme le vieillard par son bâton, il partait, traversant le village calme et silencieux, laissant derrière lui son enfance et ses rêves, son insouciance et ses jeux et les minuscules éclats des rares instants de bonheur à jamais envolés. A l’abri des volets discrètement tirés, les filles le regardaient en pleurant de tristesse. Elles savaient que jamais plus elles n’approcheraient cet être si sensible et si beau, que jamais plus elles ne reverraient ce visage si harmonieux et parfait. Elles savaient qu’aujourd’hui tous leurs rêves s’achevaient sur leurs espoirs envolés. Jamais plus pour elles la vie n’aurait la même saveur, jamais plus non plus la beauté n’aurait la même splendeur flamboyante. Leurs mères à leur côté les consolaient de leurs pleurs : elles revoyait dans l’errance d’Eliptos le départ de Svetozar et leurs cœurs inconsolables pleuraient encore l’inadmissible adieu.
 
Eliptos allait au hasard. Le Destin qui l’avait fait partir le guiderait dans sa marche. Lorsqu’il eut atteint le premier carrefour, il se retourna une dernière fois. Jamais, enfant, il ne s’était autant éloigné de sa maison, jamais, enfant, il n’était allé aussi loin par les chemins. Le village se terrait, minuscule, dans le fin fond de la vallée. Pour Eliptos, ce n’était déjà plus son village ; il ne distinguait plus la proximité rassurante des foyers de l’enchevêtrement complexe des toits bariolés et des ruelles tortueuses. Tout lui parut confus, tout lui sembla souci. Ce qu’il contemplait lui était lointain, distant, comme étranger et inconnu. Son enfance n’était plus. Elle était définitivement morte, à jamais disparue avec Ezfir. Sa vie n’était plus là désormais. Sa vue se brouilla un peu plus encore, la rubigineuse poussière du chemin, que ses pas avaient soulevée, se mêla aux rideaux de brumes que les larmes avaient déjà provoqués. Il essuya d’un revers de manche ses yeux et détourna pour toujours son regard du passé.
Devant lui la route se scindait en deux branches magnifiques. Il ne savait quelle choisir tant elles étaient également belles dans leur égale rigueur. La même aridité du sol où nulle végétation ne poussait, les mêmes sentiers poussiéreux, les mêmes roches pourpres les bordant, les mêmes courbes malicieuses empêchant toute vision lointaine. Eliptos soupira. Son indécision l’affaiblissait. Comme naguère enfant, dans la petite chapelle, lorsque la ferveur des prières baptisait de larmes son visage ébloui, il leva la tête. L’azur était immaculé ; rien ne venait troubler cette uniformité et le soleil paradait dans une tempête de ciel déjà bleu. Eliptos ferma les yeux et étendit les bras. Il tourna son visage vers l’astre étincelant et sembla en capter toute la chaleur et toute la force tant ses rayons convergèrent instantanément vers lui, le couronnant d’un halo d’or. Un long moment s’écoula. Puis Eliptos, baissant la tête, rassemblant ses mains sur son cœur comme pour mieux concentrer encore l’énergie accumulée, parut se recueillir et prier. Lorsque sa méditation prit fin, le soleil était au zénith de sa course. Eliptos leva de nouveau les yeux dans les cieux et remercia d’un sourire le Destin. Un vol de nuages, par le zéphyr poussé, s’étirait du levant au couchant en une pointe élégante. Tout en suivant l’aérienne course des yeux, il reprit son maigre bagage et s’engagea sur le chemin par le ciel désigné, aussi légèrement porté par ce céleste signe que l’effluve embaumé du jasmin par la brise tiède du printemps. Il s’en allait maintenant heureux et serein, avec la tranquille assurance de celui que la foi protège ...

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