Vieux chêne et millepertuis
248 pages
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Vieux chêne et millepertuis , livre ebook

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Description

Agnès emménage à Londres pour mener des recherches sur sa thèse. Afin de réussir l’immersion totale dans son sujet sur les Quakers, elle s’installe pendant un trimestre au Fox Club où ces derniers résident et accueillent des étudiants d’origines diverses. Et c’est dans cette demeure au confort spartiate que vont se nouer des relations d’amitié et d’amour autour de conversations intellectuelles, dans un décor de brume évocateur.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 juillet 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748387926
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Vieux chêne et millepertuis
Anne-Marie Roman
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


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14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Vieux chêne et millepertuis
   
À Dennis
 
 
 
Chapitre 1
 
 
 
— Vous avez de la chance : vous avez de vieux meubles en chêne !
Oui, et une moquette élimée sur un sol qui gondole, une superposition de papiers peints – d’époque, eux aussi ? – Du plus mauvais goût, un miroir ébréché, une ampoule en guise de suspension, et, et,… je cherche désespérément une lampe de chevet !
— Colin ?
J’essaie d’adoucir ma voix naturellement autoritaire, et en ce moment d’urgence, pour l’amadouer et l’induire à améliorer mon confort, je m’efforce de roucouler en imitant les nuances des arpèges féminins britanniques.
— Colin ? Etes-vous encore dans l’escalier ? Ce jeune homme mûr n’a pas pu redescendre aussi vite ! Et pourtant, c’est un salut lointain, haut perché dans la gamme des sons typiques émis par ces insulaires, qui me répond :
— A-g-nès ?
Mon sang ne fait qu’un tour en entendant cette dernière syllabe gutturale censée être mon nom prononcé à l’anglaise.
— Quelque chose ne va pas ?
Tout !
— Euh, je me demandais, pourriez-vous me dire où se trouve ma lampe de chevet ?
— Attendez un instant, j’arrive.
Et le revoilà, agile, déjà en haut des marches de l’escalier du troisième étage raide comme une échelle de navire.
— J’ai bien peur qu’il n’y ait pas de lampe de chevet dans cette chambre. A moins que vous n’empruntiez ma lanterne de vélo, qui marche sur pile, mais alors il faudrait me remplacer la pile, car, voyez-vous, les piles sont très chères dans ce pays.
— Je vous en prie, ne vous dérangez pas pour moi. Il doit bien y avoir une lampe non utilisée dans une autre pièce du bâtiment.
— C’est-à-dire qu’il vous faudra utiliser une rallonge, car il n’y a pas de prise à côté du lit. La commande de l’interrupteur se trouve près de la porte, au-dessus du compteur.
Quel compteur ? Quoi, il veut parler de ces infâmes machines du début du siècle – authentiques pièces de collection maintenant ? Je devrais être honorée, non ? D’habiter dans un vrai club londonien, avec dans ma chambre un compteur victorien, pour le moins édouardien, chargé de mesurer mes heures de lecture qu’il accompagnera de son tic-tac retentissant. Ah, la paix que je suis venue chercher dans cette institution Quaker ! Mais je n’ai rien d’une intellectuelle poussiéreuse et pelliculeuse pour me trouver " at home " dans un tel lieu. Ceux qui me l’ont décrit comme le fin du fin de la résidence dans le quartier de Bloomsbury me connaissent mal ou se sont moqués de moi. Comment vais-je survivre dans de telles circonstances pendant un trimestre ? On n’est encore que fin septembre, l’approche de l’hiver promet d’être réjouissante !
Il est encore là, obligeant, ce garçon imberbe entre deux âges, souriant tranquillement. Tout est frêle en apparence dans ce corps, bien qu’il m’ait surprise par sa rapidité à se mouvoir. Tout en nerfs, certainement. Il doit s’exercer vigoureusement sur son vélo, grêle lui aussi, traverser l’existence à vive allure sans porter la marque du passage du temps, tel un elfe. Ses traits sont fins. Je m’en veux d’accorder tant d’intérêt à cet homme que je vois pour la première fois, mais il me semble le reconnaître, comme si je l’avais déjà croisé dans un passé indéterminé. J’ai regardé sa main gauche à l’arrivée, par pur réflexe, et j’y ai vu une alliance. Cela m’a rassurée. Il a dû être marié, ou l’être encore peut-être. J’espère que ce n’est pas la marque d’un engagement entre deux hommes comme c’est fréquemment le cas de nos jours. Ces réflexions n’ont aucun fondement et sont superflues, inconvenantes. La vie privée de cet homme ne me regarde pas. Je n’ai rien à voir avec lui. Il n’est même pas mon genre d’homme, mais j’admets que sa présence me trouble. J’ai la nette impression de l’avoir déjà rencontré, et, bizarrement, de lui être destinée. Heureusement, il porte cette alliance à l’annulaire gauche ! A peine m’étais-je rassurée en conjurant cette image que je m’aperçois qu’il n’y a pas, qu’il n’y a jamais pu avoir de bague sur cette main nue. Je frissonne en interprétant cette vision comme un présage. Je réprime un cri d’effarement et de déception à la fois tandis qu’une idée saugrenue s’impose à mon esprit : et dire que c’est lui que je devrai épouser ! J’écarte cette pensée ridicule d’un rire intérieur qui laisse un rictus sur ma bouche. Pourvu qu’il ne se doute de rien de ce qui m’agite intérieurement.
Il a maintenant le sourire crispé, l’air un tantinet agacé par mes exigences de petite bourgeoise parisienne. Il faut que je m’emploie très vite à dissiper un quelconque malentendu. Ce serait trop stupide de rater mon arrivée au Club. Tout de même, moi qui pensais qu’entre Paris et Londres il devait y avoir plus de ressemblances que de différences dans le style de vie et l’équipement des appartements de ces deux métropoles si proches géographiquement ! Certes, les Anglais ont toujours fait bande à part, mais, que diable, on entre dans le troisième millénaire, l’Europe, l’ère d’Internet. Mais non, ici, le temps semble s’être arrêté en plein vol.
— Vous avez une vue imprenable sur le jardin.
Un jardin ? Un rectangle de pelouse encadré d’arbres au garde-à-vous et circonscrit d’immeubles tous semblables, gris, surmontés d’une multitude de cheminées noires, ornés, il est vrai, de portes brillamment peintes en rouge vif, vert pétard ou bleu éclatant. Quel contraste ! Peut-être dois-je y déceler quelque trace du fameux humour britannique pince-sans-rire. Du reste l’œil de mon interlocuteur brille, narquois ? Dans son visage au demeurant impassible.
— Si vous avez besoin de moi, ma chambre est au bout du couloir ; je ne travaille pas ici, je suis en année sabbatique pour écrire ma thèse et je m’occupe bénévolement du Club ; nous organisons des soirées musicales, des réunions de prières le mercredi soir, et à l’occasion des conférences ; si vous souhaitez nous entretenir du sujet de votre thèse, ce sera avec le plus grand plaisir que nous pourrons arranger cela.
— Je crains de n’avoir pas matière à communiquer pour l’instant, en revanche les plus anciens résidents et les membres américains présents au Club pourraient m’être d’un grand secours pour faire avancer mon étude, car je m’intéresse particulièrement aux origines Quakers des premiers arrivants sur le sol américain. Si vous m’y autorisez, je me joindrai peut-être à vous un mercredi soir pour une prière commune.
Je n’ai pas ajouté, hypocrite, pour voir si vous tremblez vraiment en ressentant la présence divine, mais ce serait bien la curiosité qui me pousserait à assister à ces séances. Pour ma thèse, j’explore tous les domaines qui touchent de près ou de loin aux pèlerins embarqués sur le Mayflower et partis de Jordan, une petite ville du Buckinghamshire au Nord-Ouest de Londres, pour conquérir le Nouveau Monde au dix-septième siècle. C’est même la seule raison pour laquelle je me trouve en ce moment en Angleterre, au Fox Club, ainsi nommé en hommage à George Fox, fondateur de cette secte. Et dire que j’ai cru un temps, quand cette adresse m’a été communiquée, qu’il s’agissait d’un club de chasseurs ou d’amis des renards !
— Si vous désirez dîner au Club ce soir, le repas sera servi à six heures et demie.
Grâce ! A peine mon goûter avalé. Enfin, il faut se plier à des coutumes différentes ; je prévoirai cependant un en-cas pour plus tard dans la soirée car on doit crever de faim si l’on se couche vers onze heures, le dîner n’étant plus qu’un très lointain souvenir. Me rafraîchir s’impose après une journée passée dans les transports en commun depuis le RER jusqu’au Tube sans oublier trois heures à transpirer d’angoisse dans l’Eurostar. La panique ressentie pendant la brève traversée du tunnel sous la Manche m’a inondée d’une horrible sueur glacée. Mais avant je vais vider ma valise et placer vêtements et accessoires de toilette dans " les beaux meubles en chêne. " Bon, l’intérieur est vétuste, les cintres datent d’avant-guerre et ont été récupérés chez le teinturier. J’arriverai tout de même à faire tenir mes tailleurs et l’indispensable imperméable en terre anglo-saxonne dans cette penderie posée de guingois sur un sol bosselé. Jolie pourtant cette vieille glace biseautée qui est montée sur le panneau intérieur gauche ! Oui, c’est vieillot, rococo, mais charmant, je dois le reconnaître ; et dans la glace j’aperçois un bout du fameux jardin ; je n’avais pas vu ces fleurs blanches à l’arrivée, tout un buisson dense de l’autre côté du rectangle. Que se passe-t-il de l’autre côté précisément ? Je me retourne pour mieux voir des élégants évoluer sur une petite terrasse ; manifestement ils sont invités à une fête ; ils bougent lentement, un verre à la main ; il me semble percevoir l’écho de rires qui tintent dans la pénombre. Les hautes fenêtres sont éclairées de l’intérieur et j’entrevois des tentures jaune d’or ; tout cela a l’air très chic, on croirait assister aux prémices d’une soirée chez un Gatsby londonien.
Mais c’est l’immeuble d’en face ; il n’appartient pas au Club. Dans ma chambre tristounette, l’unique rideau, très mince, est blanc : superbe, la lumière ne manquera pas de me réveiller pour le breakfast chaque matin ! Même dans ces régions septentrionales, on doit se rendre compte que le jour se lève, qu’il fait clair dehors. Là aussi, je ferai avec ; je serai la première dans la salle de bains, puisqu’il n’y a qu’une seule salle de bains à cet étage. Au moins il n’y aura pas foule car il n’y a que quatre chambr

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