Une affaire d’État : le dossier Stavisky
142 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Une affaire d’État : le dossier Stavisky , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
142 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Stavisky ? Un homme dont le patronyme défraya la chronique avant de sombrer dans l’oubli. Et le nom d’une affaire, surtout. Une affaire d’État où corruption, escroquerie, fait divers et politique se disputèrent la vedette. Symbole d’une crise politico-économique sans précédent dans la société française de la première moitié du XXe siècle, ce récit n’est autre que l’illustration « de l’asservissement d’un régime rongé par la corruption ».

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2010
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748373004
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Une affaire d’État : le dossier Stavisky
Edouard Leduc
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Publibook
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Une affaire d’État : le dossier Stavisky
 
 
 
 
Avant-propos
 
 
 
Quand on cherche à comprendre les causes et à analyser les conséquences que suscite dans l’opinion publique une affaire compliquée, il est de bon ton de se livrer à des comparaisons, de manière soit à en relativiser l’impact soit au contraire à en grossir exagérément les effets.
 
Au début du XX ème siècle, la France fut secouée par une affaire sordide d’espionnage qui dura douze années. On l’appela l’Affaire Dreyfus. Trente ans plus tard, un scandale d’une ampleur insoupçonnée révèlera au grand jour les agissements d’un homme évoluant dans un milieu corrompu. On l’appellera l’Affaire Stavisky. Quels rapports entre les deux, s’étonnera-t-on ?
 
Si le contexte politique est différent, l’ambiance des deux périodes baigne dans le même climat de propagande antisémite, du fait que les protagonistes sont l’un et l’autre issus de familles juives. Cette appartenance commune souligne le lien entre les deux affaires et permet d’expliquer l’implication du Politique dans la Justice sur fond de résonances idéologiques. Autres points de similitude : le faux en écritures est constamment présent dans les deux affaires ; les morts suspectes aussi, bien que la thèse officielle soit souvent celle du suicide, à défaut de prouver l’assassinat. Le colonel Henry reconnu coupable d’un faux accusant le capitaine Dreyfus se taille les veines à l’aide d’une lame de rasoir curieusement oubliée dans sa cellule. Le corps d’un ancien chef de la section financière du Parquet de Paris est retrouvé décapité sur une voie ferrée, au moment il s’apprêtait dit-on à divulguer les protections dont aurait bénéficié Stavisky. Sans parler de la fin mystérieuse de l’escroc lui-même, celui qui se faisait appeler Monsieur Alexandre.
 
Certes, plusieurs autres affaires ont éclaboussé l’histoire de la Troisième République : Panama (1891), Hanau (1928), Oustric (1930), pour ne citer que celles-là. Le scandale de Panama fit perdre à Ferdinand de Lesseps la glorieuse réputation qu’il avait acquise avec le canal de Suez ; Marthe Hanau – celle qu’on surnomma « la banquière des années folles » bien que n’étant banquière que de nom – mit fin à sa carrière de femme escroc en se suicidant ; Albert Oustric fera de la spéculation boursière la spécialité de sa banque, fondée sur de fausses découvertes minières en Bolivie.
 
Toutes ces escroqueries ont entre elles un point commun : elles n’ont été possibles qu’à la condition que la ruse rencontre la crédulité. Ruse de l’escroc qui promet ce qu’il sait ne pas tenir ; crédulité de la victime qui, portée par la confiance qu’elle accorde au produit qu’on lui propose, en oublie les risques inhérents à toute transaction. Mais au-delà de ces comportements irrationnels, par l’ampleur des détournements et la position sociale des principaux acteurs, le cas Stavisky reste le symbole d’une crise politico-économique sans précédent dans la société française, illustrant l’asservissement d’un régime rongé par la corruption.
 
L’émeute antiparlementaire du 6 février 1934 fit trembler la République. Compte tenu des mesures adoptées l’année suivante 1 pour renforcer la sécurité des marchés financiers, l’opinion publique était fondée à croire que de telles manipulations ne pourraient jamais plus se reproduire. C’était méconnaître l’intarissable imagination du cerveau humain. Quelques décennies plus tard et durant 48 ans 2 , à l’échelle mondiale cette fois, un certain Bernard Madoff allait en apporter la triste preuve contraire.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Première partie Itinéraire d’un illusionniste
 
 
 
 
I. L’engrenage
 
 
 
La fatale escroquerie
Il suffit parfois d’un grain de sable pour provoquer la chute d’un escroc. Ce n’est pas par le déploiement de méthodes sophistiquées qu’on découvre généralement l’imposture mais par le hasard d’une coïncidence fortuite.
 
Quand le receveur des Finances – Maximilien Sadron – décide de se rendre à l’improviste, ce 15 décembre 1933, au siège du Crédit Municipal de Bayonne, il sait d’avance que sa venue ne sera que modérément appréciée par le directeur de l’établissement, Gustave Tissier. D’ordinaire en effet, s’agissant d’une visite de routine dans le cadre d’une tournée d’inspection de la comptabilité des Monts-de-pitié, les dirigeants sont généralement prévenus quelques jours auparavant. Le contrôle s’effectue avant ou après les heures d’ouverture des caisses de manière à le rendre le plus discret possible par souci de confidentialité. Or, ce jour-là, si près des fêtes de Noël, l’irruption du fonctionnaire du Trésor a de quoi surprendre car elle se situe en début d’après-midi alors que tous les employés sont à leur poste de travail.
 
Sadron ne vient pas les mains vides. Il dispose de quatre bons de caisse que lui a remis la Compagnie d’Assurance L’Urbaine-Vie remboursables le 2 juillet 1933 et qui n’ont pu l’être à leur échéance, faute pour l’établissement de crédit de disposer des liquidités suffisantes. Plainte a d’ailleurs été déposée auprès de la Préfecture des Basses-Pyrénées. Entre-temps, d’autres prêteurs sont venus réclamer le remboursement de leurs bons et la même réponse dilatoire leur a été donnée. Le fait qu’un délai ait été accordé par le Président du Tribunal de Bayonne ne le rassure pas davantage.
 
Sadron aurait pu se contenter de demander au directeur quelles dispositions il entendait prendre pour honorer ses engagements. Après tout, la vérification des gages donnés pour garantir les prêts relevait des services du ministère du Commerce et non du Trésor. Sa mission à lui est de vérifier la caisse et ce jour-là il est pleinement dans son rôle. Il a eu l’occasion à maintes reprises d’attirer l’attention du député-maire de Bayonne – Joseph Garat – à ce titre président du Conseil d’administration du Crédit Municipal, de l’importance démesurée du volume des opérations de prêts alors que l’établissement n’est ouvert que depuis un an à peine et qu’à cette époque on en est déjà à plus de 15 millions de francs d’en-cours. A cela, Garat répond, jouant sur la corde sensible, que les profits des monts-de-pitié servent d’abord à aider les nécessiteux de sa région et que l’absence de liquidités n’était qu’un épisode provisoire dû au chevauchement de transactions financières complexes.
 
Pour Sadron, l’explication n’est pas convaincante. Il connaît trop bien le fonctionnement des Crédits Municipaux – plus communément appelés Monts-de-Pitié – pour se satisfaire de ces explications aussi vagues. L’organisation de ces établissements de crédits repose sur un principe relativement simple. Comme leur nom l’indique, ils ont été créés pour prêter de l’argent à intérêt raisonnable à des gens nécessiteux ou dans une gêne momentanée qui engagent en garantie de leur dette pour une courte durée éventuellement renouvelable des biens mobiliers leur appartenant, le plus souvent des bijoux de famille dont une appréciation officielle détermine la valeur au moment de l’octroi du prêt. Si à l’échéance convenue, ces prêts ne sont pas remboursés, les gages sont vendus aux enchères d’où l’importance dans un souci de bonne gestion d’une évaluation objective de ces biens gagés supérieure à la somme empruntée. Le produit de la vente sert en effet à rembourser le Mont-de-Piété.
 
Mais pour se procurer l’argent nécessaire à ces opérations, les Caisses d’un Crédit Municipal doivent elles-mêmes emprunter dans le public sous forme de bons de caisse rémunérés, remboursables à une échéance fixée et garantis par les gages en dépôt dans leurs coffres-forts. Ces bons qui sont autant de reconnaissances de dettes sont alors escomptés auprès des banques, des compagnies d’assurances voire des particuliers qui à leur tour consentent des avances à court terme assorties d’intérêts. En principe, le placement de ces titres ne présente pas de difficulté. En effet, dès lors que les prêteurs perçoivent régulièrement à l’échéance convenue le remboursement de leur prêt augmenté des intérêts, ils n’hésitent pas à renouveler leur participation à toute nouvelle émission de bons. Techniquement, ces transactions outre qu’elles sont licites permettent aux Crédits municipaux de gagner de l’argent grâce au différentiel de taux (entre les taux débiteurs des emprunts et les taux créditeurs des prêts) mais aussi par la vente des gages en cas de non-paiement de la dette à son échéance.
 
Mais pour un escroc doué d’une imagination fertile, à chaque stade du fonctionnement de la Caisse, la tricherie est possible. Directeurs et appréciateurs des gages peuvent être tentés de surévaluer les biens en accordant des prêts très supérieurs à leur valeur réelle ou encore en multipliant auprès des institutions financières les émissions et le placement de bons dont les montants seront doublés, triplés, voire quadruplés par rapport à ceux figurant sur les souches de manière à obtenir de l’argent frais pour rembourser les premiers bons venant à échéance. Mais cette technique de tricherie ne dure qu’un temps. Creuser un trou pour en boucher un autre ne résout jamais l’équation du dernier trou à combler.
 
Se sachant couvert par sa hiérarchie – en l’occurrence le Trésorier général de Bayonne –, Sadron demande à Tissier de lui présenter les carnets à souches qui sont censés reproduire les indications figurant sur le volant remis à chaque souscripteur en justification de son prêt. Ce qu’il d

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents