Trois pères
280 pages
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Trois pères , livre ebook

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Description

Au cours de sa vie, André Cometta s’est consacré à la recherche de son père. Au travers de cette démarche, il a eu affaire à trois hommes dont il peut dire qu’ils ont été ses pères : son géniteur, que sa mère a quitté avant sa naissance ; l’homme qui l’a reconnu officiellement ; celui avec lequel il a grandi. Cette quête a suscité chez lui bien des interrogations, surtout que personne autour de lui, pas même sa mère, n’a pris soin de l’informer ou de répondre à ses questions. En évoquant le secret de famille qui entoure sa naissance, ce livre est le récit d’une vie placée sous le signe de la quête identitaire à travers la figure paternelle.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2010
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748374452
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Trois pères
André Cometta
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Publibook
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Trois pères
 
 
 
 
À Léone
 

À mes enfants, Benoît et Cédric
 
 
 
 
Remerciements
À mon frère Jean-Luc pour son aide précieuse dans la préparation et la réalisation de ce travail.
 
 
 
 
Avertissement de l’auteur
 
 
 
« La vérité est trop nue, elle n’excite pas l’homme. »
 
Jean Cocteau
 
 
 
Nous sommes tous propriétaires de notre propre histoire et, à ce titre, nous pouvons en disposer à notre guise.
 
Peut-être que certains lecteurs, pensant reconnaître dans ce récit quelques-uns des personnages, auront le sentiment que sur certains points précis, la légende a remplacé l’histoire. À cet égard, à propos du film de John Ford, L’Homme qui tua Liberty Valance , un journaliste interviewant James Stewart dit : « lorsque la légende dépasse la vérité, je préfère imprimer la légende ! »
 
En tout état de cause, même dans sa propre introspection, il semble admis que l’on puisse prendre certaines libertés avec la réalité…
Il est vrai que poussé par une sorte de « force obscure », comme la définit Albert Camus dans Le Premier Homme, j’ai eu ce souci de rédiger cette biographie qui commence bien avant ma propre naissance. Cette volonté d’écrire, d’abord pour moi-même, mais aussi pour l’ensemble de ma famille, était une façon de me libérer des angoisses et des questionnements que j’ai pu éprouver tout au long de mon existence pendant cette quête du moi. J’avais le sentiment qu’il me fallait comprendre ce qui était au plus profond de moi-même ainsi que le disait Emmanuel Berl : « Je n’écris pas pour dire ce que je pense mais pour le savoir ! ».
 
Ce texte est avant tout un récit écrit d’abord à partir de mes propres souvenirs au sein desquels, il faut le dire, j’ai eu quelquefois du mal à me replonger, mais il est écrit, aussi, à partir de ce que ma mère a pu me rapporter, sachant que ce n’était pas non plus toujours facile pour elle de le faire. Il est alimenté également, par de nombreuses notes écrites par elle dans ses journaux intimes qui se sont échelonnés tout au long de sa vie, par l’ensemble des correspondances retrouvées dont certaines datent d’avant ma naissance et, par différents témoignages qui m’ont été rapportés. Enfin, en réécrivant certains moments de la vie de la plupart des personnages de cette biographie, j’ai pris certaines libertés pour les étayer tout en restant calé sur la chronologie historique et en gardant toujours à l’esprit la nature des sentiments qui, selon moi, les ont habités.
 
Néanmoins, en matière de chronologie des faits, j’ai essayé d’être le plus rigoureux possible.
 
A. C.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
René
 
 
 
 
Chapitre 1 : Premier père
 
 
 
Janvier 2001, sept heures du matin, le coup de fil tant redouté, attendu, voire même espéré, se produit. C’est la maison de retraite qui appelle :
— Votre père est décédé dans la nuit, il faut venir !
 
Pour René, tout est en effet terminé depuis quelques heures. Il vient de succomber à une énième crise. Mon Dieu comme tout cela est allé bien vite. Il y a quelques années à peine, chef de famille incontesté, il régnait encore en seigneur lors de nos réunions familiales annuelles, au cours desquelles, il affichait son éternel caractère dominateur qu’il savait être odieux.
Son premier accident vasculaire, AVC comme disent les professionnels, en le handicapant sur une partie de son corps, lui avait un peu retiré de sa mobilité, de ses facultés physiques, mais il avait gardé la parole et presque toute sa force herculéenne. Les crises suivantes lui ont progressivement ôté le plaisir d’aller faire un tour hors de la maison et surtout, celui de pouvoir s’exprimer clairement, parler pour systématiquement s’opposer à quiconque avait le malheur d’afficher une opinion.
Il y a à peine six mois que mes frères et moi avions décidés de mettre nos parents dans un établissement spécialisé tant les conditions de vie dans leur habitation étaient devenues difficiles. Nous avions bien pourtant essayé de les maintenir dans leur propre environnement familial. Mais ceci nécessitait une femme de ménage, une infirmière, une dame de compagnie à demeure, ce qui impliquait qu’elles soient deux. Aussi la charge était-elle devenue trop lourde. Par ailleurs, si Léone, notre mère, était totalement consentante à l’idée de ce changement, René, son mari, savait nous montrer, malgré ses difficultés à s’exprimer, toute son opposition à ce projet. La maison médicalisée ciblée était néanmoins agréable et à l’échelle humaine. Elle n’abritait pas plus d’une cinquantaine de locataires et proposait une grande chambre très claire donnant de plain-pied sur un beau jardin. Par ailleurs, nous envisagions bien de la personnaliser avec quelques meubles et tableaux de leur maison. Cette décision, pourtant, nous l’avions retardée au maximum tant était grand notre désarroi lorsque nous découvrions, à l’occasion de chacune de nos visites, l’ambiance qui régnait dans ces établissements. Était-ce par lâcheté que nous nous étions finalement résolus à ce choix ? Par lâcheté ou devant notre incapacité à nous engager un peu plus dans leur prise en charge ? Sans doute que notre sœur aurait pu contribuer à trouver une autre solution si les aléas de la vie, en la précipitant dans un accident de la route irréversible, n’en avaient pas décidé autrement. Qui sait ? Toujours est-il que cette décision, mes frères et moi, nous l’avions bel et bien prise et que nous l’assumions totalement. Et pourtant, j’avais encore tellement en mémoire l’acteur italien Alberto Sordi, dans Les Monstres de Dino Risi, abandonnant sa mère dans une maison de retraite et ma réaction de l’époque me promettant à moi-même que jamais je ne ferai cela !
Nous réalisions aujourd’hui combien étaient justes les propos de l’infirmière de la maison choisie qui nous avait gentiment dit lors de notre première rencontre :
— je vous assure, ne prenez cette décision que le plus tard possible, vous verrez que ce choix précipite toujours l’évolution !
Nous savions bien que pour eux, dans ce nouveau cadre de vie, c’était la fin de leur propre identité, la fin de leur personnalité, la fin du respect dû à des parents, alors que nous devions, non seulement préserver nous-mêmes ce respect, mais aussi, veiller à ce qu’il le soit par son nouvel entourage. Nous avions bien conscience que nous les faisions pénétrer dans ce couloir de l’attente de la mort tout au long duquel leurs souvenirs, sous l’action du temps, allaient peu à peu se déliter. Nous savions que, immanquablement, ils ne seraient bientôt plus en mesure de dissocier rêves, souvenirs et réalité.
Moins de six mois ! et celui qui fut mon premier père vient de s’éteindre. Premier père puisque chronologiquement, c’est lui le premier que j’ai appelé « papa », le seul des trois pourtant avec qui je n’avais aucun lien génétique.
 
 
Je me souviens très bien du jour où je l’ai vu pour la première fois. Je n’avais pas encore quatre ans et je faisais ma promenade quotidienne, accompagné par Aïcha, ma nourrice marocaine que j’appelais « Dada ». À cette époque je vivais seul avec ma mère dans la petite ville d’Ouezzane, au cœur de ce massif montagneux du nord du Maroc, le Rif, où elle exerçait la profession de « pharmacien ». En cette fin d’après midi d’août, la chaleur estivale commençait à suffisamment s’estomper pour que Dada estime que le moment était enfin venu pour que je puisse m’aventurer hors de la maison. Nous descendions ensemble le flanc de la montagne vers le centre de la « ville nouvelle » – cette partie de la ville qui s’est développée sous le protectorat français –, lorsque brutalement je me trouvai face à un impressionnant cheval gris solidement campé en plein milieu de la rue. Son cavalier me regardait en riant et, à ma grande surprise, m’appela par mon prénom :
— Et bien André, tu as fini ta sieste ?
Je restai sans voix, autant impressionné par la monture que par son cavalier que je voyais, me semblait-il, pour la première fois. Lui pourtant semblait bien me connaître.
— Veux-tu faire un tour avec moi ? Monter sur mon cheval ?
Toujours muet, immobile, je le regardais bêtement, tellement surpris à la fois par l’animal qui me paraissait immense et par son cavalier qui, lui, les pieds bien enfoncés dans ses étriers, paraissait parfaitement à l’aise sur sa selle. Dada, pourtant, ne partageait pas du tout mon étonnement face à ce personnage qu’elle devait, sans doute, très bien connaître. Elle insista pour que j’accepte. Bien que j’en mourusse d’envie, je ne répondis que par un signe de dénégation de la tête. Je persistais stupidement dans mon attitude et continuais de le regarder sans rien faire et sans rien dire. Aussi, au bout de quelques minutes, le cheval piaffant sur le mauvais goudron, se décida-t-il à s’éloigner d’un petit trot léger dont la résonance des sabots sur la route reste toujours gravée dans ma mémoire. Je venais de manquer ma première occasion de monter à cheval et m’en voulus longtemps !
En fait, l’évènement majeur était que je venais de faire la connaissance de René qui, je le compris beaucoup plus tard, était l’amant de ma mère depuis plusieurs années. L’armistice avait été signé il y a peu, mais lui, après une équipée militaire de quelques mois en métropole, avait rejoint le Maroc depuis quelque temps déjà et venait seulement d’être démobilisé.
C’est cet homme qui aujourd’hui, à près de 85 ans, vient de disparaître. Comme nous l’avait laissé entendre

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