Tribulations d un machiavélique connil
90 pages
Français

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Tribulations d'un machiavélique connil , livre ebook

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Description



Qu’advient-il lorsqu’un lapin souffrant d’anorexie se met à lire un livre au lieu de le grignoter, et que l’ouvrage en question n’est autre que « Il Principe » de Machiavel ? Le cunicule trouve son clapier étroit, et dévoile sa volonté de bâtir un Empire à sa mesure. Pour cela, il use de ses armes favorites : la ruse, la séduction, la démagogie.

Sa tentative de conquête du poulailler sera un lamentable échec contraignant ce lapin aux dents longues à s’expatrier dans une ville pour prendre le dessus sur chiens, chats et rats...


Récit de l’ambition et de ses dérives, ces « Tribulations d’un machiavélique connil » prénommé Adalbert s’inscrivent dans la tradition des fabulistes et revendiquent leur héritage moraliste. L’emploi de références littéraires et politiques rythme le tout. Dévoilant sous sa préciosité une ironie ravageuse, ce roman court et percutant raille l'avidité et la mégalomanie typiques à l’Homme qui pense que le bonheur se trouve dans la domination et la puissance. Détrompez-vous, nous dit le très napoléonien Adalbert.




Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 septembre 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748366846
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

A la mémoire de Ciboulette,
Une hase que j’ai trop peu connue,
hélas !
 
 
 

Préface
 

 

Lecteur, tu t’apprêtes à entamer ce livre, c’est bien. Mais tu ne te doutes certainement pas qu’il s’agit d’un dangereux ouvrage de propagande. Prends garde, lecteur ! Dans ce récit, des animaux de races différentes se côtoieront, se lieront d’amitié, et combattront côte à côte… et ce au mépris de leurs origines ! Rends-toi bien compte, innocent lecteur, quelles aberrations tu vas rencontrer dans cette dangereuse lecture. Eloigne de ce livre les jeunes enfants qui, encore influençables, pourraient prendre ces lignes à la lettre et frayer avec des étrangers, et sois toi-même vigilant. Mais te voilà averti, et je ne me fais déjà plus de souci pour toi. Car on ne te la fait plus, à toi ! Tu regardes la télé, et ça te suffit bien, tu es averti. Tu le sais, toi, que le multiculturalisme, c’est la mort de ta chère nation.

Non ? Tu ne sais donc pas que celle-ci est prise en tenaille entre l’impérialisme culturel anglophone et les immigrations ? Tu ne dois pas vivre à Paris, alors, sans quoi les affiches « Ni burger, ni kebab, défends ton identité » t’auraient bien vite averti de ce danger imminent. Tu l’ignorais… eh bien ! je te le dis, moi : ta nation est en danger. Ce n’est pas la seule, d’ailleurs ! Les voyages, les échanges, les mélanges – ah, mon Dieu, quelle horreur ! – œuvrent de concert pour mettre à bas cet admirable édifice politico-culturel qu’est la nation. Je le vois bien, lecteur, tu as peur. « Mon Dieu, qu’allons-nous faire ? », te dis-tu. « Ramenez Charles Martel ! De Gaulle ! Sauvez-nous ! ».
Rassure-toi, lecteur, car je sais ce que tu vas faire. Peut-être, d’ailleurs, si tu es suffisamment sensé, l’as-tu déjà fait. Oublie la nation. Pleure-la, si tu le veux, mais pas trop longtemps : c’était une belle enflure. Une aberration fondée sur la peur de la différence, alors que c’est l’amour de la différence et l’érotisme de l’exotisme qui construisent les plus belles aventures. La culture s’enrichit par le métissage, et le politique ne devrait lui être systématiquement attaché. Le multiculturalisme, c’est certainement la mort de la nation… tant mieux. Oublie donc la nation, voyage, affronte les différences, ou plutôt va à leur rencontre. L’autre a tant à nous apprendre.

Si tout cela te semble trop difficile, lecteur, si tu te sens incapable de renoncer à ta nation, à ta culture, si tu doutes de pouvoir considérer ce qui est aujourd’hui un étranger comme ton frère, si décidément, tu ne peux te défaire de l’idée que la nation est nécessaire à la démocratie, à la paix sociale, et si tu ne peux te passer de sa grandeur, tant pis. Si tu restes convaincu que celui qui te ressemble est nécessairement meilleur que celui qui est différent, si tu trouves ma proposition bien gentille, mais stupide et irréaliste, voire dangereuse, si tu as peur, lecteur, eh bien tant pis. Ne t’inquiète pas, lecteur, tu arriveras à la fin de ce livre sans ennuis, et rien, je te l’assure, ne te choquera, car après tout, cette préface n’a pas vraiment de rapport avec le récit qui va suivre.
Mais dans ce cas, lecteur, laisse-moi te faire une seule demande. Ne parle pas à tes enfants, ni à ceux des autres : tu pourrais leur transmettre ton étroitesse d’esprit.
 
 
 

Tribulations d’un Machiavélique Connil Récit des aventures héroïques du docte et redoutable Adalbert du Terrier
 

Aerumnae Machiavelici Cuniculi Narratio rerum gestarum heroicarum docti metuendique Adalbert du Terrier
 

 

On a toujours méprisé les lapins, les considérant comme des animaux incapables de raisonner. Mais on ne faisait que juger l’effet sans considérer la cause, ce qui est, comme chacun sait, la marque des ségrégations les plus primaires. Plutôt que d’abaisser ainsi les cuniculaires au bas de l’échelle de l’intellect, il eût fallu se demander pourquoi ceux-ci n’étaient pas dotés de raison, quand les hommes l’étaient, et alors on aurait constaté qu’il ne s’agit nullement d’une tare innée mais, bien au contraire, d’un manque de stimulation acquise.
Car voyons : pour avoir l’usage de la raison, et pour en user efficacement, il faut des informations, des connaissances qui sont l’objet des raisonnements. Car, sans matière à travailler, la raison dépérit et se fane, et je me résumerai en affirmant que pour réfléchir, il faut savoir. Or il est notable qu’une bonne part des connaissances vient des livres, et c’est bien là que le problème se pose pour les lapins. Car si les lapins en sont demeurés à un tel stade d’inculturation, c’est parce que l’occasion ne leur a jamais été donnée de lire, et ce pour plusieurs raisons. L’obstacle majeur à cet apprentissage est l’absence généralisée de livres dans leur environnement immédiat, qui s’explique par un habitat sauvage ou fermier, partant toujours isolé des bibliothèques. Ensuite, admettons qu’un lapin vienne, par chance, à rencontrer un livre : le susnommé cuniculaire commence, en bon lapin, par le goûter : l’œuvre ainsi appréhendée devient illisible. Voilà pourquoi les lapins sont bêtes.
Mais l’histoire a un jour voulu donner naissance à un lapin anorexique. La Fortune, qui est joueuse, l’a mis en rapport avec un de ces susdits objets que sont les livres par un de ses tours du destin dont elle seule a le secret. Puisque manger ne le tentait pas, il l’a ouvert. Intra [1], imprimés sur du papier blanc, il a vu des signes noirs. Pourquoi, honorables lecteurs, la Providence l’a-t-elle éclairé au point de lui apprendre à lire en un instant ? Nul ne saurait l’expliquer, sinon le Créateur, dont les voies sont impénétrables. Il a lu ce livre. C’était Il Principe [2], de Machiavel.
Son existence s’en est trouvée bouleversée.
 
Ce lapin, c’était moi, et voici son histoire.
 
 
 

I. De la liberté
 

De libertate
 

 

Le lapin, à la naissance, part avec deux avantages inaliénables et redoutables : d’abord, il prolifère à un rythme soutenu et particulièrement admirable, ce qui lui a permis de se répandre sur toute la surface du globe ; ensuite, il est doté d’une apparence innocente et inoffensive qui éloigne de lui de nombreux dangers, en particulier initiés par la cruauté de la nature humaine. Mes frères et sœurs méritent d’ailleurs cette considération, car ils sont en effet innocents et inoffensifs, ce qui les laisse à la merci de tous les dangers que cette situation ne suffit pas à écarter. Mais ce n’est pas mon cas. La lecture du Principe m’a non solum [3] initié à la raison, sed etiam [4] à la ruse et à l’ambition. Ainsi, je profite des avantages d’une physionomie candide et simplette sans en souffrir les épineux inconvénients. T a men [5], vous conviendrez que pour en profiter complètement, je ne devais pas paraître suspect aux yeux de ceux qui étaient en mesure de me menacer, or ma nouvelle aptitude à la lecture aurait pu éveiller la suspicion de l’hominidé bipède commis à la surveillance de mon clapier familial. Fort heureusement, icelui se trouva être passablement simple mais aimable, et il me tira de ma cage en annonçant d’une voix pesante, de celles qu’on a aux baptêmes et aux enterrements :
«  I, liber es  »[6]. Je ne saurais toutefois affirmer avec certitude si l’homme parlait le latin ou bien si le solennel de l’instant a ainsi magnifié mon souvenir.
J’étais jeune, entreprenant, débordant d’énergie : je pris donc ses propos ad litteram [7] et quittai mes pénates sans regrets ni remords. La vie me paraissait soudain riante, la Fortune m’avait favorisé. Toutefois s’abandonner à icelle, assoupi sur des lauriers qui ne m’inspiraient qu’une confiance modérée (et dire que j’ignorais encore le funeste usage que l’on fait de ces aromates !) pouvait bien s’avérer stupide et franchement dangereux. J’analysai donc froidement la situation et en tirai de rapides conclusions.
D’abord, la chute providentielle de cet ouvrage dans mon clapier était hautement louche. Il me fallait prendre garde.
Ensuite, je n’étais pas encore tout à fait hors de danger : un garçon de ferme moins aimable que celui qui m’avait donné ma liberté pouvait très bien me la retirer. Je ne pouvais éternellement me fier à une tierce personne, il fallait m’établir per me et propter me [8].
Enfin, le poulailler, qui était sis à deux pas du potager, semblait en vertu de cette stratégique position un point de départ tout désigné pour fonder ma principauté. Je m’y dirigeai en rasant les murs, sans un regard pour mon passé.
 
 
 

II. Pourquoi un lapin ne peut régner sur un poulailler
 

Cur cuniculi in gallinarum domo regnare non possint
 

 

Ledit poulailler était une petite courette close par un muret assez bas. Intra , quelques cahutes en bois protégeaient les gallinacés divers du froid et de la pluie. J’y fus en peu de temps, et me glissai subrepticement dans ce que j’espérais être le foyer de ma principauté. Force regards stupides scrutèrent immédiatement le moindre de mes mouvements, et je sentis alors que la tâche serait aisée : gallinae stultae sunt [9]. Y a-t-il au monde animal...

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