Sur les ruines de Bamako
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Sur les ruines de Bamako , livre ebook

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Description

Rester pour les enfants. Faire chambre à part. Se croiser, éviter les discussions... Depuis longtemps déjà, le mariage d'Hélène et Bertrand est un échec. Aujourd'hui, en instance de divorce, elle rêve de démarrer une nouvelle vie avec Déné, une belle Malienne. Mais comment vivre pleinement son amour lorsqu'on doit affronter le regard des autres ? Entre ses parents vieux jeu et son mari aigri alcoolique, Hélène devra se battre. Mais à quel prix ? Entre étude de mœurs et critique sociale, de l'histoire d'amour au fait divers, Clara Gewonheit nous plonge dans une spirale infernale où le quotidien s'effrite, les rêves se brisent, les passions explosent. Alliant l'émotion à la psychologie, un drame amer, inconfortable et imprévisible.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 septembre 2011
Nombre de lectures 2
EAN13 9782342058253
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0064€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sur les ruines de Bamako
Clara Gewonheit
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


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175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Sur les ruines de Bamako
 
 
 
 
 
 
 
Sur le parking du supermarché, peu de voitures. Il neige, des flocons serrés tombent sur le macadam, petites particules blanches qui s’effacent presque aussitôt. Hélène marche en serrant le col de son manteau contre son cou ; le vent souffle. Elle a froid.
Elle cherche dans son sac à main un euro pour le glisser dans la fente du caddy. Sa main trouve enfin une pièce, qu’elle met rapidement dans le chariot avant de le pousser vigoureusement devant elle. Les roues semblent fonctionner ; rien de plus énervant qu’un mauvais caddy.
 
Les portes vitrées du centre commercial rechignent à s’ouvrir devant elle. Elle doit s’y reprendre à deux fois avant qu’elles n’y daignent. Elle suppose qu’elle doit marcher trop rapidement pour le système électronique. Pourtant elle ne voit jamais d’autres personnes confrontées à ce problème, tandis qu’elle se retrouve bloquée et honteuse trop souvent, comme si le détecteur ne percevait pas sa présence. Invisible pour les portes de supermarché ! Sans savoir pourquoi, elle est toujours très troublée lorsque cela lui arrive.
Elle pénètre dans l’enceinte du centre commercial et secoue ses vêtements poudrés par la neige. Ce temps semble ralentir l’activité. Les gens se déplacent doucement, engourdis. Dans sa poche, une liste de courses pour la maison, rituel hebdomadaire qu’elle accomplit solitairement, aux heures creuses. Son travail d’informaticienne à domicile lui donne la possibilité de marcher à contre-courant du flot des travailleurs salariés. Pour elle, pas de train ni de métro aux heures de pointe, immense confort de vie qu’elle apprécie.
Sur sa liste, rien d’original : oranges, lait, yaourts, fromages, poissons et produits ménagers. Elle arpente consciencieusement les allées, compare les prix et remplit au fur et à mesure son caddy. Elle a pensé à prendre ses sacs réutilisables. Lorsque les clients les oublient, les caissières leur en facturent de nouveaux. Il paraît que c’est pour réduire les déchets ménagers, alors tout se justifie. Pourtant le prix des sacs lui paraît exorbitant, et c’est toujours de mauvaise humeur qu’elle en rachète lorsqu’elle oublie les siens. En revanche, elle a remarqué que de nombreuses personnes repartaient avec leurs achats entassés sur leurs bras pour ne pas les payer. « Les petits fleuves font les grandes rivières », pense-t-elle en souriant.
 
Le lait de soja est introuvable. Une vendeuse qu’elle interpelle lui indique une allée à l’autre bout du magasin, mais les forces lui manquent. Elle rebrousse chemin ; son fils ira s’en acheter chez l’épicier du village, s’il en trouve. Il est dans sa période bio.
 
Pas de file d’attente devant la caisse. Les articles glissent sur le tapis. La caissière la salue gentiment. Elle saisit le code-barres des articles avec un pointeur et active les touches de sa caisse. Nul besoin de connaître les prix, ni de savoir compter.
La caissière est jeune, la petite trentaine. Quelques kilos en trop que masque sa blouse. Elle a attaché ses cheveux avec un élastique, remarque Hélène, qui dit toujours à sa fille de ne pas le faire pour ne pas les abîmer. Une alliance à sa main droite. Elle regarde droit devant elle tandis qu’elle passe les articles. À la fin de la saisie, elle tourne la tête et, mécaniquement, lui indique le prix. « Vous réglez comment ? » demande-t-elle. « Carte bancaire, s’il vous plaît », répond Hélène.
La caissière lui tend un boîtier dans lequel elle introduit sa carte. La caissière détourne une nouvelle fois le regard tandis qu’elle compose son code et la regarde à nouveau lorsque le bruit de l’impression du récépissé se fait entendre. « Et voilà votre ticket, madame. Bonne journée. »
 
Quelle désolation que ces phrases répétitives assenées à longueur de journée ! À l’époque où Hélène était au lycée, elle se rappelle un mois d’été, avoir travaillé dans une de ces grandes surfaces. En caisse à l’époque, il fallait entrer chaque code, puis rendre la monnaie et le soir faire le compte. C’est le seul travail dont elle se souvienne s’être fait renvoyer ! Un enfer.
Une fois, elle avait même failli remettre l’enveloppe de la caisse à un étranger qui lui demandait un renseignement à la place du contrôleur ! Les filles qui travaillaient avec elles parlaient plusieurs langues, avaient leur baccalauréat. Comment elles avaient atterri là et pourquoi, surtout, elles y étaient restées, était une énigme pour elle.
 
Elle regagne la sortie du centre commercial en poussant son chariot alourdi par la marchandise. « Et dire qu’il faut recommencer chaque semaine ! » se dit Hélène en regardant l’amas de sacs remplis de nourriture qui déborde de son caddy. « Nous ne sommes pourtant que quatre : Bertrand, Grégoire, Florence et moi… »
« Le problème lorsque vous travaillez à la maison, c’est que toutes les corvées vous incombent : cela paraît naturel au reste de la famille que vous les assumiez. Donc double tâche », se dit Hélène comme à chaque fois qu’elle va faire les courses. Enfin, pour rien au monde elle ne changerait sa situation professionnelle. Pour le reste…
 
La neige a cessé. Elle regagne sa voiture, ouvre le coffre, y range ses courses et reprend la route. Elle habite une confortable maison dans un lotissement résidentiel à Guermantes, un village de Seine-et-Marne, avec son mari et ses deux enfants. Deux courts de tennis sont à leur disposition.
 
Lorsqu’il fait beau le week-end , Bertrand y va souvent jouer avec Grégoire. Ils reviennent généralement éreintés, mais contents. Leurs raquettes pendantes, ils rentrent en commentant leurs matchs. Au mois de juin, lorsque Roland-Garros commence, c’est pire : les courts sont pris d’assaut et c’est avec ferveur qu’ils partent s’entraîner le soir, après le travail de Bertrand et les cours de biologie de Grégoire.
Florence passe plus de temps à la maison ; elle est en terminale option littéraire. Les examens sont prévus pour la fin du mois de juin. Le nez dans ses bouquins, elle passe de sa chambre à la cuisine, avale rapidement quelque chose à manger pour repartir étudier de plus belle. L’année dernière, elle a redoublé par manque de travail et peut-être aussi à cause d’un flirt un peu trop intrusif. Bref, cette année elle n’a pas le choix. C’est le bac ou fini les études. Elle s’accroche.
À la rentrée prochaine, si elle réussit, elle ira en fac de lettres. Elle souhaiterait enseigner. Le chemin est long, les concours difficiles. À une époque où le malaise des adolescents est si perceptible, où le manque de repères est grandissant, où l’expression la plus courante est la violence, ce n’est pas un choix facile, mais elle semble vraiment y tenir. Espérons qu’elle y arrivera.
Hélène se souvient de ses propres études, menées dans des conditions bien différentes. À dix-sept ans, enceinte de Grégoire, le choix posé par ses parents avait été : « Ou tu te fais avorter et tu continues tes études, ou tu pars gagner ta vie. » Finalement, elle n’avait fait ni l’un ni l’autre. Bertrand travaillait déjà et, malgré son petit salaire, il lui avait proposé de l’épouser et qu’elle continue ses études. Elle lui en était reconnaissante.
Elle n’avait jamais regretté son choix, n’envisageant pas un instant de perdre cet enfant, déjà imaginé et fait sien. En revanche, elle n’avait jamais pardonné à ses parents leur attitude. Aujourd’hui encore, leurs rapports étaient marqués d’un lointain ressentiment qui ne manquait pas d’occasions pour se manifester. Ils se voyaient peu et mal.
Ses parents, riches bourgeois, auraient pu l’aider à assumer cette erreur de jeunesse pense-t-elle encore. La vie aurait alors été bien différente. Bertrand aurait sûrement disparu de sa vie aussi vite qu’il y était rentré. Un gentil garçon, mais avec qui elle n’avait aucun point commun si ce n’était une certaine droiture et une envie de faire proprement les choses, quelles qu’elles soient. Pour Bertrand, c’était différent. Il l’avait aimée immédiatement, disait-il, et avec le temps s’était évertué à entretenir une flamme que lui seul ressentait.
Elle n’avait pas été malheureuse avec lui, non ; ces années s’étaient écoulées assez sereinement, sans émotions. Elle n’attendait rien. La vie se déroulait autour d’elle paisiblement, quelquefois moins, mais sans encombre. Mécanique. Sa vie était ailleurs, un ailleurs qu’elle avait découvert récemment.
 
Depuis deux ans, ils faisaient chambre à part. Leur maison spacieuse leur permettait cet agencement. Cela avait été la condition posée par Hélène devant le refus de Bertrand de la séparation franche.
Manifestement, il en souffrait, mais espérait encore un retournement de situation. Il était d’un tempérament obstiné. Leurs discussions ne menaient à rien, en général, lorsqu’ils abordaient le sujet. Il s’entêtait à lui répéter qu’il l’avait épousée pour le meilleur et pour le pire et qu’il ne divorcerait jamais. Elle lui répondait qu’elle partirait à la fin de l’année, une fois le bac de Florence passé. Depuis, elle comptait les mois qui la séparaient de Déné.
 
Les semaines se déroulaient sans heurt. Ils ne s’évitaient pas, mais se rencontraient peu, ayant des horaires très différents. Il se couchait tard et se levait tard. Son travail était éreintant ; entrepreneur dans le bâtiment, il courait d’un chantier à l’autre.
Sans cesse, les problèmes de personnel l’accablaient : quand ce n’était pas un couvreur qui le lâchait au moment de ren

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