Spectres des Lumières : du frissonnement au frisson
208 pages
Français

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Spectres des Lumières : du frissonnement au frisson , livre ebook

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Description

La littérature gothique est ancienne. En effet, elle émerge parallèlement au mouvement des Lumières, peut se percevoir comme son envers, s’épanouit en Angleterre et essaime à travers toute l’Europe. Ainsi, alors que le XVIIIe siècle veut assurer le triomphe de la raison, du progrès et des avancées scientifiques et politiques, le gothique opère, dubitatif, « effrayé », un retour vers le passé, s’attache aux ruines, aux atmosphères nocturnes, et donne corps aux créatures les plus terrifiantes. Depuis ses origines, ce courant esthétique et littéraire est donc indissociable des notions de pulsions, d’inconscient, d’émotions, de folie. Ce constat initial guide alors l’essai critique d’Elizabeth Durot-Boucé, spécialiste de la littérature gothique anglo-saxonne, qui dévoile, d’une analyse des thèmes récurrents à une approche psychanalytique de ces romans, leur caractère « archaïque » et cathartique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 février 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748376548
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0105€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Spectres des Lumières : du frissonnement au frisson
Elizabeth Boucé
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


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14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Spectres des Lumières : du frissonnement au frisson
 
 
 
à ma mère
 
 
 
Remerciements
 
 
 
Sans Maurice Lévy, Michèle Plaisant et Serge Soupel, cet ouvrage n’aurait jamais vu le jour : ils ont accompagné sa longue gestation et ses progrès, d’une sympathie sans faille. Ils se sont intéressés à ce travail dès ses débuts et en ont suivi les étapes pas à pas. Avec sa bienveillance et sa générosité habituelles, Serge Soupel a accepté, une fois de plus, la lourde charge de la relecture. Ce livre doit beaucoup à leurs conseils et à leurs critiques, mais plus encore à leur amitié.
Pierre Morère, par sa sollicitude amicale, n’a pas peu contribué à l’avancement de ce travail et je lui sais un gré infini de la belle préface qu’il m’a fait l’honneur et l’amitié de rédiger.
Comme toujours, tel un phare dans ce voyage au cœur des ténèbres gothiques, l’exemple de Paul-Gabriel Boucé m’a guidée et le souvenir bien vivace de ses conseils avisés et bienveillants m’a éclairée dans les moments de doute. Car, pour citer Maturin, dans Melmoth the Wanderer  : « Behold, there are those near to thee, who though they no longer have a tongue to speak, speak to thee with that eloquence which is stronger than all the eloquence of living tongues. »
Je tiens également à exprimer ma gratitude au personnel si dévoué et agréable de la Bibliothèque de l’Institut du Monde Anglophone de la Sorbonne Nouvelle, de la Bibliothèque Nationale de France et de la Cambridge University Library. Je n’aurais garde d’oublier non plus ce que je dois, du point de vue matériel, à Wolfson College, Cambridge, pour son hospitalité chaleureuse, au cours de mes divers séjours hivernaux, printaniers et estivaux.
 
 
 
 
 
 
Spectre, fantôme ou diable, je veux voir ce que c’est.
 
Molière, Don Juan
 
 
 
Préface
 
 
 
Il n’y a pas de lumières sans ombres, et le XVIIIe siècle n’échappe pas à la règle. Ce siècle, dit des Lumières et de la raison , fut aussi celui de l’emprise de plus en plus prégnante du sensible, du subjectif et du rêve. En Angleterre, Locke consacre la rupture avec le rationalisme cartésien quand il affirme le primat des perceptions dans la construction de la personne et dans l’appréhension du monde. Cependant, l’adéquation qu’il établit entre perception et conscience d’une part et appréhension réelle du monde extérieur d’autre part ne laisse guère de place au mystérieux et à l’imaginaire. Un pas majeur est franchi avec Hume qui réduit la perception à la seule vérité de la personne dès lors que, théoriquement, rien ne prouve que ce qu’elle ressent est identique à ce qu’éprouvent ses semblables. Seul demeure le common sense , garant pragmatique de similitudes entre les êtres et dénominateur commun probable, mais incertain, susceptible de cimenter le corps social. Avec Hume, non seulement le vécu de l’individu se trouve enfermé dans sa seule identité, mais il laisse aussi apparaître tous ses mystères, ses espoirs, ses angoisses et jusqu’à des comportements qu’il ne parvient pas à s’expliquer lui-même. Partant, la vérité absolue, telle que la Raison est censée la découvrir, s’effrite devant un multiple évanescent, à la fois libérateur et terrifiant. Le multiple certes affranchit l’individu d’un rationalisme desséchant, mais il lui fait en même temps entrevoir des abysses insondables, sources de désarroi. Il s’ensuit que le défi de l’irrationnel interpelle le philosophe qui ne peut que constater son impuissance à expliquer les complexités du réel, et qu’il devient en même temps un fonds inépuisable d’inspiration pour la littérature.
Autant Locke et Hume rompent avec le cartésianisme, autant, parallèlement, le genre gothique abandonne le classicisme, délaisse les lumières de la raison pour explorer les méandres de l’obscur. L’engouement des antiquaires pour les vestiges du passé que l’on va jusqu’à reconstruire, ainsi qu’en attestent les poèmes de Chatterton et d’Ossian, est à la fois le signe de la nostalgie d’un âge d’or médiéval et d’une insatisfaction profonde, d’une aspiration vers un ailleurs, d’un mal de vivre que Locke nomme uneasiness et qui montre bien que le XVIIIe siècle fut aussi une époque d’incertitudes lancinantes. La littérature gothique constitue le miroir par excellence de ces angoisses obsédantes : elle permet d’échapper au discours raisonné ; elle découvre la faculté de suggérer, d’évoquer les cauchemars, de peindre des paysages aussi menaçants que grandioses, des forteresses hallucinantes enveloppées de mystère, de dépasser l’étroitesse du signifiant pour nous plonger dans un signifié de ténèbres, un ailleurs que la raison ignore mais qui pourtant ne cesse de nous hanter. La littérature gothique décrit l’inconscient avant que l’on ne soit capable de l’expliquer, voire de le nommer. Elle renvoie le lecteur vers les ombres de ses origines, vers le temps de la Chute, vers son animalité, vers cet état de nature que décrit Hobbes et que le contrat social n’a fait qu’occulter sans pouvoir le chasser à jamais. On comprend dès lors que des poètes puisent leur inspiration dans les profondeurs de la nuit, qu’ils éprouvent une fascination pour les cimetières et qu’ils recherchent la familiarité de la mort, mus autant par une épouvante morbide que par le désir inavouable de tenter d’apprivoiser l’idée insupportable de son caractère inéluctable. À cet égard, on peut se demander si la culture protestante dans les pays anglo-saxons n’a pas constitué dès ses origines un terreau favorable à l’épanouissement de la littérature gothique d’abord, fantastique ensuite. Les tourments de la conscience que ne peut alléger la thérapie de la confession place l’individu autant face à Dieu que face au Mal. Voilà donc que l’Absolu, divin ou maléfique, que la raison ne parvenait pas à circonscrire, envahit l’être impuissant à le comprendre et encore moins à le maîtriser. Paradoxalement, les Lumières aveuglent tandis que les ténèbres éclairent sans pour autant rassurer. Les voies de la connaissance passent par la cécité ; elles opèrent également un renversement des autres perceptions en les détournant du monde extérieur pour les orienter vers les profondeurs de l’âme. D’autres renversements interviennent encore : là où la raison invite à la modération, l’obscur ouvre les portes de l’excès. L’enthousiasme, que le XVIIIe siècle assimile à la folie, effraye autant qu’il fascine ; il fait s’effondrer les chemins balisés du rationnel et on ne parvient pas à déterminer s’il exprime les forces débridées du vivant ou celles, toujours immanentes, de la mort. Il exalte autant les poètes qu’il s’apparente aux puissances démoniaques. Permet-il une osmose spontanée avec l’Absolu ou est-il la manifestation d’une régression vers la bestialité ? La traduction esthétique de ces sentiments contraires dans la littérature gothique se retrouve dans l’appréhension du sublime qui peut autant inspirer la plénitude d’une félicité que les tourments de l’effroi. Or, le sublime est cette catégorie esthétique que découvre le XVIIIe siècle et qui parvient à son apogée à l’époque romantique.
Dans le gothique comme dans le fantastique, la nature perd le charme des douceurs de la pastorale du XVIIIe siècle. Elle est cette wilderness semée d’embûches, source d’épreuves sans fin. Elle n’est plus cette exaltation du bon sauvage , nostalgie de l’Eden. Chez Fenimore Cooper, le dernier des Mohicans signale une époque révolue. Les aventuriers conquérants qui se risquent dans les contrées sauvages de l’ouest américain affrontent les lois de la jungle auxquelles ils finissent eux-mêmes par s’identifier. Plus près de nous, et sans pour autant verser dans le gothique ou dans le fantastique, T.S. Eliot évoque cette terre gaste qui est le lieu indéfinissable du destin des hollow men de notre temps, comme si la conjugaison du progrès et de l’exploration de notre inconscient avait abouti à nous vider de notre propre substance.
Les littératures gothique et fantastique s’inscrivent parfaitement dans la sensibilité de leur temps, et leur pérennité jusqu’à l’époque actuelle consacre leur caractère universel. Les écrits de Walpole, de Lewis, d’Ann Radcliffe, de Mary Shelley, de Maturin, de Stephen King et de Brown, pour ne citer que les plus célèbres, non seulement explorent les recoins obscurs de l’âme humaine, mais ils dévoilent aussi les ressorts de l’angoisse et de la peur dans le plaisir esthétique. Ils créent, comme l’explique Élizabeth Durot-Boucé, une esthétique de l’incertitude , de l’ entre-deux , ce marais enveloppé de grisaille qui se situe aux confins du conscient et de l’inconscient, ce seuil tragique où l’être aborde avec effroi les abysses de ses propres mystères. Le labyrinthe et ses avatars (comme la forêt), admirablement décrit par Bachelard, et que l’on retrouve, implicitement ou explicitement, dans presque tous les écrits gothiques et fantastiques, illustre le voyage initiatique qui mène à la découverte angoissante de l’être par lui-même. Le labyrinthe est autant lieu de perdition que d’illumination. On ne peut accéder à la lumière, à l’instar du schéma biblique, sans avoir à affronter les tourments d’une vallée de larmes. Au cours des épreuves qu’il traverse, le héros perd un temps son identité tout comme sa faculté de distinguer l’animé de l’inanimé, tribut à payer pour une éventuelle renaissance. Châteaux nimbés de brume, couloirs lugubres, rochers, broussailles et landes sinistres isolent l’in

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