Poivre et sel
90 pages
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Poivre et sel , livre ebook

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Description

« Un peu poète à ses moments perdus, il aimait jouer avec les mots, ou plutôt se faire encercler par eux en une ronde romantique, musicale et joyeuse. Il se souvint aussi d'avoir enterré au pied de l'arbre, en cachette sans le dire à Adeline, mais en espérant qu'elle la trouve, une boîte en plastique rouge comme sang contenant une jolie bague d'un prix abordable admirée à la devanture d'un bijoutier, et payée avec son argent de poche. Pourquoi ne la lui avait-il pas donnée de la main à la main ? Que craignait-il ? Peur de s'engager si vite ? Même si ce n'était alors qu'une réticence imperceptible ? À côté de la bague, il avait déposé un caillou en forme de cœur qu'il avait récolté sur la plage. Sans se soucier de l'étrange symbole qui pouvait résulter de cette proximité. Cœur de pierre. Le sien ? » Avec ce nouveau recueil de nouvelles, Madeleine Dehais poursuit ses chroniques faites d'innocence et d'amertume. Des tranches de vie faites de petits riens qui en disent pourtant beaucoup : c'est une balade touchante au cœur de l'âme de chacun, à l'aube ou au crépuscule de sa vie, lorsque tout reste à faire, à regretter ou à recommencer.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 avril 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342163803
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Poivre et sel
Madeleine Dehais
Publibook

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Publibook
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Poivre et sel
 
 
 
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet :
http://madeleine-dehais.publibook.com
 
Aller au-delà…

Presque tous les mercredis, Christiane organisait un goûter entre femmes où se mêlaient, parfois avec une certaine réserve, quelques hommes. Des femmes de tous âges : mères, grands-mères, petits enfants avec un tiret ou sans, selon… Des cousines, des amies de longue date, des sœurs. Personne ne se faisait prier pour se rendre à cette réunion, sauf empêchement majeur ! Il y avait toujours plein de « bonnes choses » à grignoter ; retraitée depuis trois ou quatre ans, elle aimait réunir tout ce monde dans la villa qui donnait sur la baie. Elle en avait hérité de son père, gynécologue réputé qui dirigeait une clinique d’accouchements privés où elle avait pu exercer ses talents de sage-femme.
Aujourd’hui, c’était un après-midi de printemps quasi estival. Une grande table avait été installée sur la terrasse, garnie de jus de fruits, de friandises en tous genres, de petits-beurre Lu, Bretagne oblige ! De là on avait une vue époustouflante : on était aux premières loges pour suivre du regard la flânerie de quelques petits voiliers. Une ambiance de paix, de joie, presque d’éternité. Ce qui n’empêchait pas les langues de se délier. On entendait les rires de ces dames, jusqu’à la rue qui longeait la côte en contrebas. « Bien sûr, c’est mercredi », disaient certains d’un air entendu.
— Regardez cette mer si câline, dit soudain Aurélie, avec ces vagues qui s’amorcent au loin comme un léger ourlet blanc vite défait et refait. Mais il ne faut pas trop s’y fier ! La jetée qui borde le petit port de plaisance comme un bras tendu n’arrête pas les bateaux de pêche qui vont s’amarrer un plus loin le long des quais, mais elle offre l’inconvénient de retenir la boue. Quand la mer descend, on peut penser qu’à certains endroits c’est de la terre sèche. On met les pieds dedans et on s’enfonce, on s’enfonce. Ça m’est arrivé, enfin à Olivier, que sa mère m’avait confié pour l’après-midi. Il avait quatre ans à l’époque. Mais où est-il en ce moment ?
— Ne t’inquiète pas, il n’a pas le même âge : il joue à cache-cache avec tous les autres dans le jardin. Tu sais, on connaît la suite : tu as réussi à le sortir de cette boue.
— Oui, mais il en avait déjà jusqu’à la taille et il continuait à s’enfoncer. Quelle angoisse ! C’est pour ça que je ne peux pas m’empêcher d’en parler ; il y a laissé ses chaussures qui étaient toutes neuves. Un des marins qui nettoyait son catamaran, armé d’un long tuyau branché à une prise d’eau, a pris la peine de le doucher, vêtements compris, de la tête aux pieds.
Olivier venait de rentrer, et elle se tut. C’était un grand garçon d’une quinzaine d’années. Elle en avait vingt-huit à présent :
— Je suis sûr que tu racontes mes bêtises une fois de plus. Tes copines, elles connaissent tout ça par cœur ! N’empêche que c’est là que tu as rencontré Guillaume, ton cher ami.
— Époux ! rectifia-t-elle.
— Depuis peu, c’est pareil. Tiens, le voilà mon sauveur. Je l’ai rencontré toute à l’heure. Il vient te chercher pour t’emmener au tennis.
— Oui, dit celui-ci, mais je peux t’accorder une petite demi-heure, même un peu plus. J’aime beaucoup vous écouter les unes et les autres. Alors ne vous gênez pas pour moi ! Ça m’aide à aller parfois au-delà de ce que je ressens, et à mieux comprendre ma Julie chérie.
— Justement, tu vas le prouver : je n’ai pas envie d’aller faire du tennis.
— Comme tu veux, ce sera pour une autre fois.
Les conversations reprirent de plus belle.
Seule Aurélie, jolie femme d’une quarantaine d’années, secrétaire dans une étude de notaire ne s’en mêlait pas !
— Tu rêves… ou quoi ? lui dit Julie.
— Tu le sais : j’aurais aimé être hôtesse de l’air !
— Ce n’est pas un scoop, fit en riant une de ses cousines.
— Mais tu étais aussi trop petite, fit son mari avec une nuance de satisfaction quasi imperceptible.
— Oui mais maintenant “ils”, tu vois de qui je veux parler, sont moins difficiles. J’en ai vu, deux ou trois en service lors de notre dernier voyage qui était plus petites que moi !
— Et alors, tu as peut-être gagné au change. Tu vois tes enfants tous les jours et moi par-dessus le marché.
— Et moi, et moi, et moi, tu n’as que ce mot à la bouche, mon cher Jacques !
Allaient-ils se quereller devant tout ce beau monde ?
— Et moi, et moi, tu peux peut-être en dire autant.
Cette drôle de discussion avait sans doute plus de sens et était moins anodine qu’il ne le semblait !
— Il est bien vrai que nos vies se cherchent souvent avec maladresse dans la narration que nous en donnons… On en dit tellement plus que l’on ne pense !
— Eh bien on va laisser ces dames bavarder, et faire un petit tour dans le jardin.
Avaient-ils quelques comptes à régler ? Ils s’éclipsèrent la main dans la main sans en dire plus ; leurs différends ne devaient pas être trop graves.
À peine s’étaient-ils éloignés, que Catherine, la meilleure amie d’Aurélie, la maman de Jacinthe (il y en avait une parmi elles, aussi belle que la fleur), reprit d’un air inspiré :
— C’est vrai que les voyages, ça forme la jeunesse, mais pas seulement !
— Tu as toi aussi quelque chose à nous “dévoiler” ?
— Eh oui ! Il y a déjà deux ans, Alain et moi, comme vous le savez, nous sommes allés au Maroc en voyage organisé. Dans le jardin Majorelle à Marrakech, le guide a interpellé l’un des jardiniers qui arpentait l’allée, la bêche sur l’épaule. C’était un homme d’apparence malingre, mais sans doute plus vigoureux qu’il ne semblait. Le guide arrêta le groupe. “Azig, dit-il, si tu avais une épouse à choisir, tu prendrais laquelle ?”
»  C’est moi qu’il désigna, qui n’était ni la plus jeune, ni la plus belle. De la main, je lui désignai ma voisine.
»  Il fit “non” de la tête et me désigna à nouveau.
»  Alors, me mettant la main sur le cœur : “Moi ?”
»  Après quelques rires, nous reprîmes la marche et le jardinier la bêche qu’il avait déposée au pied d’un palmier. C’était un coup monté et sans doute habituel ! À quelques mètres, en me détournant, je le vis s’approcher d’un autre groupe et le même scénario dut se jouer. Bref, pas très flatteur d’avoir été distinguée par lui.
— Ce n’est pas mon avis, dit Alain, tu étais à son goût et tu l’es toujours autant pour moi.
— C’est pour cela que tu lui as remis quelques pièces pour le remercier ? Ça m’a vexée, tu sais !
— Tu t’en es rendu compte ? Mais je n’étais pas le seul à faire ce geste, crois-moi.
— Tu ne m’en as jamais parlé.
— Parce que tu ne t’exprimes pas, et j’en fais autant, c’est vrai.
— Voilà, fit Christiane, il faut un jour comme celui-là pour les explications de “textes”, si l’on peut dire !
Ils allèrent s’appuyer d’un commun accord au muret de la terrasse. Le soleil amorçait sa descente et cela donnait quelque chose de pathétique à l’atmosphère.
— Pendant qu’on y est, ce serait peut-être à mon tour de m’y “mettre”. Cette histoire remonte à plus de vingt-cinq ans, un quart de siècle déjà ! D’ailleurs, je ne me souviens plus du nom des protagonistes. Je ne trahirai donc pas le secret professionnel !
— C’est très amusant d’être parmi vous, dit Alain en se détournant, on en apprend des choses !
— Tout à fait vrai, jeune homme ! Vous n’êtes pas le premier à nous le dire ! Mais celle-ci est une histoire un peu triste. Je vous parle d’une femme mariée qui a déjà trois enfants. Elle a eu une aventure très courte avec un médecin congolais qui terminait ses études en France et qui venait de repartir dans son pays. Lorsqu’elle vint en consultation loin de son domicile parisien, elle se confia à moi. Enceinte de trois mois, craignant qu’à la naissance ne se révèle son infidélité, elle avait fini par tout avouer à son mari. La réaction de celui-ci fut brutale : “Je ne veux pas de cet enfant.— Il est trop tard ; je veux le ou la garder… — Fais comme tu veux mais je ne l’élèverai pas. Va te cacher ici ou là en prétextant des problèmes de santé. En tout cas dans une ville où personne ne nous connaît. Un petit métis, je n’en veux pas. Tu choisis : lui, elle, ou tes trois filles, sinon je me séparerai de toi et garderai les trois petites.”
— Quel raciste ! fit la dénommée Jacinthe, qui terminait des études d’infirmière.
— Oui, c’est dégoûtant de réagir comme ça ! dit sa sœur qui quant à elle poursuivait des études de biologie.
— Le grand jour arriva. Elle s’était résolue à un accouchement sous X. Et encore je ne vous ai pas tout dit : devinez ! Personne n’ose s’exprimer ?
— On veut connaître la suite.
— J’en ai déjà trop dit. Eh bien tant pis. L’enfant qui était né était blanc, blanc de blanc. C’était le fils du mari ! Des tests ADN auxquels il accepta de se soumettre l’ont prouvé. Cela ne changea pas son attitude. Il ne voulut pas le reconnaître. Trop de rancœur, presque de haine s’était accumulée en lui. Le couple quitta la France. Leur était-il possible de fuir un tel drame ou de le nier ? J’en doute. La jeune femme avait laissé une lettre, un pli fermé dans lequel elle expliquait, je suppose, les raisons de son accouchement sous X. Disait-elle toute la vérité ? Peut-être pas. En tout cas mesdemoiselles, c’est pour cela qu’il ne faut pas aller trop vite en besogne et tout dire à son époux. On ne sait jamais. Pardonnez ma franchise !
— Ça me donne envie de pleurer, dit Jacinthe.
— Je vous avais prévenus.
Tout pâle, le mari de Julie se leva :
— Tu viens faire un tour de côte ?
— Décidém

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