Oui ! Il y a une vie après l alcool...
68 pages
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Oui ! Il y a une vie après l'alcool... , livre ebook

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Description

Etienne C. a vécu une jeunesse heureuse, dans une famille modeste et unie, avec son frère et ses quatre sœurs. Le premier traumatisme a lieu quand disparaît une de ses sœurs, puis quand il est envoyé dans une pension pour continuer sa scolarité. L’éloignement et le manque d’amour le marquent à jamais...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2003
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748370973
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Bonjour, je m’appelle Etienne et je suis malade alcoolique abstinent. Je vais tenter de vous raconter l’histoire de mes deux vies, la première triste, pauvre et décevante qui faillit bien prendre fin prématurément, et la deuxième qui me comble aujourd’hui de bonheur, moi et mon entourage proche ou plus éloigné. Puisse ce modeste récit apporter l’espoir d’une issue à leur maladie ou à celle dont souffre une personne de leur entourage, à tous ceux et celles qui en sont frappés ou qui en subissent les conséquences. Je suis allé, d’une certaine manière, assez loin dans la dégradation physique due à l’alcool, d’autres malades ont un témoignage moins dur ou au contraire infiniment plus tragique. Le seul point commun entre nous est la maladie que nous avons su reconnaître et dont nous nous rétablissons jour après jour, en acceptant l’aide d’autres malades rétablis, qui seuls sont à même de comprendre les souffrances que nous nous décidons à partager en toute confiance et amitié.
J’ai vécu une jeunesse heureuse, dans une famille unie, avec mon frère et mes quatre sœurs. Mon père, Maréchal-ferrant, travaillait seul au début, puis avec un salarié. Je me rappelle de cette douce époque, l’odeur âcre et irritante que dégageaient les épaisses volutes de fumée provoquées par la pose du fer rougi à la forge sur le sabot des chevaux ou des vaches que leurs propriétaires amenaient au ferrage. Mais le plus spectaculaire était l’opération consistant à « parer » les pieds des bœufs, utilisés à l’époque pour l’exploitation des forêts de sapins, ressource importante de notre région. Là, pas question de faire tenir le pied par le propriétaire ou le commis, l’animal étant trop lourd et trop fort pour que l’on puisse espérer le maintenir pendant l’opération. On avait alors recours au « travail », solide bâti dans lequel l’animal était suspendu par des sangles passées derrière ses antérieurs et devant ses cuisses. L’opération de ferrage pouvait alors se dérouler dans une relative sécurité. Une autre activité gravée dans ma mémoire est celle du cerclage des roues. Ces roues de charrettes étaient alors fabriquées en bois, et devaient être cerclées de fer pour résister aux lourdes charges et aux ornières des chemins forestiers. La technique consistait, une fois la roue construite, à chauffer le cerclage à la forge, jusqu’à ce qu’il soit rouge, et à l’appliquer d’un seul coup sur toute la circonférence. La partie délicate de l’opération résidait dans l’arrosage en un temps très précis du fer rougi, sur tout le pourtour, avec des seaux d’eau pour éviter qu’il ne mette le feu au bois. De plus, le fait de refroidir brusquement le cercle le faisait tendre dans d’innombrables craquements autour de la roue, la rendant ainsi plus résistante en achevant l’emboîtement des rayons sur le moyeu et le pourtour. Souvenirs tendres de cueillette des mûres ou des framboises des bois, et de la douceur d’un foyer, avec une vie quotidienne faite de choses simples et agréables, malgré le givre et la glace qui couvraient les fenêtres de notre chambre au petit matin. Malgré également le manque de confort pour les choses élémentaires. La douche par exemple était constituée d’une bassine au fond de laquelle mon père avait soudé une pomme d’arrosoir. Nous remplissions ce bac avec des seaux d’eau jusqu’à obtenir la température désirée. Ensuite, grâce à un système de poulie, on montait l’ensemble à bonne hauteur, et il ne restait plus alors qu’à faire couler l’eau par un système de tirette semblable à celui des chasses d’eau à réservoir mural haut. L’eau s’écoulait à nos pieds par un siphon de sol. Souvenir des jeudis après-midi passés à jouer dans la cellule familiale avec mes frères et sœurs, avant un goûter partagé dans les rires et la joie d’être ensemble. Souvenir d’une école maternelle chaude comme un nid, dirigée par une religieuse qui nous aimait comme ses enfants et nous inculquait jour après jour les valeurs de respect des autres, de l’aide aux petits copains en difficulté. Bref, souvenirs d’une vie insouciante et heureuse, puis un triste jour…
La pluie…C’est tout ce qu’il nous reste de cet été agonisant. Elle s’écrase inlassablement contre les vitres de la grande salle d’étude où nous sommes rassemblés en ce jour de rentrée. Elle ne cingle même pas les fenêtres, elle y ruisselle mollement, comme arrivée au terme de son voyage, au fond de ce repli du monde, loin de tout. Les "frères Jacques" chantent : "à la Saint Médard, mon Dieu qu’il a plu", une chanson qui s’accorde vraiment à l’ambiance cafardeuse et triste, mais qui n’atteint pas son objectif probable qui doit plutôt être de nous remonter le moral. Il pleut, et le monde est en train de s’écrouler autour de moi, par pans entiers, en silence, comme cette eau qui n’en finit pas de ruisseler sur les carreaux et de s’écraser sur le toit de la verrière couvrant la cour intérieure, et que l’on devine derrière les fenêtres. Au-delà, il n’y a que le noir des forêts de sapins qui entourent le bâtiment. Il pleut et je vis une lente descente vers un abîme de solitude sans fond, qui préfigure déjà ce que je vivrai quelque trente ans plus tard. Il ne m’a pas fallu chercher longtemps les causes de la maladie qui rongera ma vie, durant de longues années. Je suis persuadé qu’elles se trouvent au fond de ce gouffre de mal-être, de ce sentiment d’être oublié de tous, de cette impression surtout d’avoir raté mon premier projet d’avenir, si tant est que j’en aie eu un propre à cet âge là. Le fait d’être déraciné et coupé de la famille que j’aime tant, y participent sans doute également. Je dois être plus sensible que mes condisciples à cette impression de solitude, à ce sentiment surtout de ne pouvoir rien faire pour modifier cette situation que je découvre tout-à-coup avec la soudaineté d’un coup de tonnerre à la fin d’une belle journée.


Nous sommes en 1964 et j’aurai 11 ans à la fin de ce mois de septembre. Non loin de la rangée de pupitres où je suis assis, les sanglots d’un gosse encore plus jeune que moi rejoignent ceux qui commencent à gonfler au fond de ma gorge. Il rentre en "7°" c’est-à-dire en "CE2" et il n’a, lui, que 10 ans. Il vient d’une ferme située à quelques kilomètres de là. Ses parents ont sans doute jugé plus pratique de l’inscrire dans cet établissement, les frais de déplacement et de scolarité se trouvant réduits. En fait, il ne tiendra pas le coup, et le directeur devra appeler ses parents pour qu’ils viennent le rechercher, après plusieurs jours de pleurs inconsolables.
Je me rends compte que je me suis fait "piéger" et que l’idée que je m’étais faite de la pension était en réalité à des lieues de ce que je découvre. Piégé, je l’étais non par la faute de mes parents, qui avaient agi pour des raisons qui étaient les leurs, mais par ma propre imagination et par l’idée que je m’étais faite de cette nouvelle vie. Moi qui sortais d’un cocon familial doux et uni, d’une fratrie de 5 enfants, dont j’étais le cadet, je me rendais compte tout à coup que j’allais en être séparé jusqu’aux courtes vacances de Toussaint, soit 2 mois entiers, 8 semaines, 8 dimanches, 60 jours…une éternité. Si un mot peut résumer les sentiments qui se bousculaient dans ma tête à cet instant, mélangés aux paroles débiles et irritantes de la musique de fond qui ne cessaient de tourbillonner comme pour anesthésier mon désarroi, c’est le mot : DESESPOIR.


Un désespoir avec lequel j’avais rendez-vous tous les soirs dans le silence du dortoir où 60 gamins de mon âge dormaient ou tentaient de dormir, et où je sanglotais tout seul, ne sachant à quoi raccrocher ma vie et l’espoir d’un avenir moins dur à supporter. Est-ce de ce trop-plein de larmes que vient le fait que j’aie du mal aujourd’hui à m’exprimer de cette manière et que je n’ai pas pu pleurer lors du décès de mes parents, survenu à quelques mois d’intervalle alors que j’avais 45 ans ? Ou alors est-ce un sentiment confus d’avoir été sacrifié à un idéal ? Peut-être aussi l’impression d’avoir été abandonné, d’être moins aimé que mes frères et sœurs ? Cela provient-il d’une sorte de dessèchement du cœur dû à l’absence de cette affection dont on a tant besoin à cet âge critique pour se construire harmonieusement ? Est-ce, en recherchant plus loin, comme je le découvrirai des années plus tard, une culpabilité, le sentiment d’avoir quelque chose à racheter ? Ce mal-être provient-il d’une impression de ne pas être comme les autres, d’être différent ; Est-ce le fait de savoir que j’ai été conçu pour que mon frère aîné ne soit pas « élevé seul au milieu de quatre filles » ? Peut-être ai-je souffert de l’ascendant que ce frère prenait sur moi, diminuant ma valeur à mes propres yeux, malgré des résultats scolaires meilleurs que les siens ? Adeptes de Freud et de Lacan, la réponse vous appartient peut-être…Pour moi, à cet instant, j’étais le plus malheureux et le plus désespéré des enfants, avec l’impression d’être prisonnier comme une mouche qui se heurte aux parois du verre sous lequel elle s’est fait prendre.


Cette pension était en fait d’un genre particulier, puisque c’était le petit séminaire, centre de formation des éventuels futurs prêtres. J’y étais arrivé suite à plusieurs concours de circonstances. Il y avait tout d’abord un très fort enracinement de toute ma famille dans la pratique religieuse, (chaque génération de la famille de mon père avait donné un ou plusieurs prêtres à l’Eglise, et mon père comptait parmi ses 11 frères et sœurs, deux prêtres, dont un missionnaire, et une religieuse). S’étaient tout naturellement enracinées sur ce terreau fertile, les "manœuvres" du prêtre de la paroisse auprès de mes parents, conjuguées à celles du frère "recruteur" de l’école Lassalienne que je fréquentais depuis le primaire. Ajoutons à cela les études supérieures de mes trois sœurs, qui pesaient lourd dans le budget de la famille, (mon père travaillant seul comme maréchal-ferrant et la scolarité du séminaire étant modérée) et un embryon de vocation vers une fonction qui re

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