Métisses
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Métisses , livre ebook

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Description

Un petit village de pêcheurs au cœur de l’archipel des Comores. Les hommes font appel au sorcier pour les protéger des djins, les mauvais esprits... que ce soit avant de prendre la mer ou pour les aider à leur donner un fils. C’est le cas de Hassan, à qui sa compagne Eichata a déjà donné trois filles...Dans les profondeurs de la forêt camerounaise. Un chasseur blanc et son pisteur assistent avec effroi au rite de l’Issani, la danse de la mort des Bakassa...Cloué sur son fauteuil roulant, perdu entre passé et présent, l’Afrique et la France, un diplomate finit sa vie dans une maison de retraite, tandis que la surveillante attire les regards de tous les pensionnaires..

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 février 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748376555
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0064€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Métisses
Jean-Paul Gauch
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14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Métisses
 
 
 
Retrouvez l’auteur sur son site Internet :
http://www.jean-paul-gauch.com
 
 
 
Bienvenue
 
 
 
Nous sommes nombreux à passer une partie de notre vie à écrire sans jamais rien achever et encore moins publier.
 
Et pourtant quand tout aura été dit tout restera encore à dire. L’important ce n’est pas « le dit » mais « le dira »…
 
Nous sommes tous des « écriveurs » Il reste à devenir « écrivains ».
 
Mes idées sont des « Métisses » qui font du stop aux carrefours où l’Histoire les a posées : des îles.
 
Ces îles sont lointaines, coûteuses et sujettes à des accès d’incandescence qui me fascinent et qui restent mes « Carrefours de l’Histoire »
 
Ces Histoires sont dédiées à mes enfants qui me pardonneront de ne pas leur en avoir raconté quand ils étaient en âge de les entendre…
 
 
 
I – La Galawa
 
 
 
Parvenu à une centaine de mètres de la plage Hassan ralentit l’allure et se laissa porter par les rouleaux. Il suffisait de tenir le cap droit sur le rivage pour éviter que la pirogue se mette en travers. Apparemment c’était un jeu d’enfant. En réalité il fallait déployer beaucoup d’énergie et d’adresse pour maintenir le bateau en ligne, à la pagaie, tout en se faufilant entre les rochers dont seules les têtes affleuraient, à condition de passer au bon moment. Quelques minutes plus tard et on ne verrait plus rien, la marée recouvrant très rapidement les roches noires aux arêtes tranchantes. Alors il n’y aurait d’autres ressources que l’instinct et aussi – surtout peut-être – une longue pratique. Et pas seulement sa propre pratique mais celle de son père, de son grand père, de ses oncles et de tous les autres pêcheurs du village qui, bien avant lui, avaient franchi cette passe et y avaient, tout comme lui, parfois fracassé leur embarcation. Rien n’avait changé d’ailleurs sauf qu’il devenait de plus en plus difficile de trouver l’arbre à pirogue, le "Galawa". Contrairement aux hommes qui se transmettaient leur expérience de génération en génération, depuis des siècles, la forêt ne transmettait rien du tout. Les rejetons des superbes arbres à pain dont les anciens creusaient les fûts au couteau s’étaient étiolés et il fallait aujourd’hui couvrir des kilomètres pour dénicher un tronc à pirogue digne de ce nom. D’ailleurs il y avait de moins en moins de pêcheurs en Galawa. A la pirogue traditionnelle à un ou deux balanciers, entièrement réalisée à la main selon des pratiques ancestrales, les jeunes préféraient les coques de résine synthétique équipées de ces moteurs japonais qui faisaient tant de bruit que les poissons devaient les entendre arriver à l’autre bout du Canal du Mozambique. On les appelait "Japawa". Elles étaient si chères qu’il fallait se grouper pour les acheter et s’endetter aussi pour de longues années. Mais même si on lui en avait fait cadeau Hassan n’en aurait pas voulu.
D’un coup de poignet il remit la Galawa en ligne pour profiter d’un dernier rouleau. La pirogue fit un bond en avant, dressée comme un cheval piqué au flanc, accéléra sa course dans un jaillissement d’écume et vint se poser sur le sable avec les derniers ourlets de la vague. Au moment précis où la coque raclait la plage Hassan avait sauté pour accompagner le mouvement qui la mettrait au sec en s’arc-boutant sous le bras du balancier, jarret tendu, épaule nouée. Profitant d’un nouveau rouleau, il poussa l’embarcation un peu plus haut sur le rivage pour la mettre hors de portée du reflux. Puis il entreprit de la vider à l’aide d’une vieille boîte de conserve qui ne quittait jamais le bord. C’était, avec la pagaie, deux ou trois lignes, une grosse pierre entourée de chiffons et une cordelette tout ce qui lui était nécessaire pour aller à la pèche. Il emportait aussi sa machette, mais celle-là ne le quittait jamais qu’il soit à terre ou en mer. Les requins ne manquaient pas dans ces parages de l’archipel des Comores et les vieux racontaient que parfois ils attaquaient les pêcheurs solitaires. Et Hassan allait toujours seul en mer. Un jour, il emmènerait son fils. Quand sa femme lui en aurait donné un. Pour l’instant elle n’avait mis au monde que des filles. Trois. Il allait essayer encore et si c’était une quatrième fille, il prendrait une autre femme et il en changerait autant de fois qu’il serait nécessaire pour avoir un descendant mâle.
Un nuage effaça la lune, d’un seul coup de brume, ne laissant que quelques traînées incandescentes qui disparaissaient d’ailleurs rapidement, soigneusement occultées à leur tour. On ne distinguait plus que les lignes de partage entre le sable et la mer en bas, entre le sable et la falaise plus haut : une longue bande laiteuse entre la surface glauque de l’eau et la masse impénétrable du rocher. Nullement gêné par l’obscurité Hassan continua d’écoper. Il allait bien falloir qu’il se décide à préparer une autre pirogue. Celle-ci embarquait de plus en plus d’eau. Dieu sait pourtant s’il prenait soin de colmater les fissures, mais les bouchons d’étoupe de maïs ne suffisaient plus et pas davantage les morceaux de boîtes de coca cloués sur la coque. Le bois rongé par le sel avait fait son temps. D’ailleurs elle était trop petite pour deux, alors s’il voulait emmener son fils…
Il ramassa la rame et la cordelette le long de laquelle, enfilée par les ouïes, frétillaient une douzaine de poissons de petite taille. Juste de quoi donner du goût à la soupe que préparerait sa femme pour les enfants. Lui se contenterait d’un peu de riz, comme d’habitude, d’une ou deux bananes et de lait de coco. Sa femme ? Il ne savait pas. Elle ne prenait jamais rien devant lui. Sans doute parce qu’il n’avait rien donné pour « voir ses dents », quand il l’avait épousée, ainsi que l’exigeait la tradition. Sans ce « cadeau » supplémentaire l’épouse prenait ses repas à part et son mari n’avait pas le droit de la voir manger… Mais qu’est-ce qu’il aurait bien pu offrir de plus que les deux cabris, la grande marmite émaillée et le shiromani… 1 Il ne possédait rien d’autre à part le modeste faré (paillote traditionnelle) qu’il avait bâti sur le rocher en bordure de plage, une douzaine de bananiers, un petit champ pour le maïs et le manioc. Eichata disposait de sa propre maison, construite en dur, où elle élevait ses enfants et le recevait quand il lui plaisait de lui rendre visite et de passer la nuit avec elle. Ce jour-là elle lui préparait à manger. Les autres jours, il se débrouillait tout seul, gardant quelquefois un poisson quand la pêche avait été bonne. Sinon il lui laissait tout et elle en disposait à sa guise. Elle pouvait le vendre ou l’échanger ou bien en faire cadeau à qui elle voulait, pourvu que les enfants ne meurent pas de faim. C’est ainsi que vivaient les pêcheurs au village mais ils n’étaient plus très nombreux. Une demi-douzaine tout au plus. Les autres étaient morts et les cases effondrées de la plage témoignaient que personne n’avait pris leur relève. Aujourd’hui les jeunes voulaient aller à l’école et comme il n’y avait plus d’instituteur au village, ils partaient en ville où d’ailleurs ils n’allaient pas à l’école non plus parce qu’il n’y avait pas assez de place pour tout le monde et encore moins pour des enfants de pêcheurs… Leurs familles étaient trop pauvres pour payer les inscriptions et aussi et surtout pour "cadeauter" les fonctionnaires qui s’occupaient des inscriptions. Alors ils traînaient quelque part chez un oncle ou un cousin en attendant que la chance et Allah leur viennent en aide.
Pour le fils d’Hassan, ce serait différent. D’abord il n’avait besoin de personne pour l’élever. Est-ce que ce n’était pas son propre père qui lui avait appris tout ce qu’il savait ? A son tour il lui enseignerait les prières du Coran et ils les réciteraient ensemble à la mosquée et puis il lui apprendrait la mer. Pas seulement la pêche, mais la mer. Pas celle que tout le monde peut voir et que les gens trouvent belle ou effrayante ou bleue ou grise ou même verte. Non il lui apprendrait l’autre mer, celle des pêcheurs. Celle que l’on rejoint la nuit sur la pointe des pagaies pour la contempler assoupie sous la caresse de la brise, comme on rejoint la femme du voisin en prenant bien garde de ne réveiller personne. Celle qui, sous le halo d’une lune complice, vous dévoile ses charmes et vous offre ses nudités. Celle qui, dans un déferlement d’apocalypse, s’accouple avec le vent, se creuse et se gonfle et explose sous ses coups de boutoir avant de s’échouer sur le sable, vaincue mais les flancs lourds de futures tempêtes, et de s’y endormir le temps d’une marée. Celle des matins calmes où elle se fait miroir quand le soleil étire ses premiers rayons. Celle des lunes blanches où elle devient paillettes et argent en fusion. Celle où viennent s’abîmer les étoiles prises de vertige. Celle où les appels des marins disparus remontent des grands fonds pour éclater dans une infinité de bulles pétillantes. Celle des djinns , quand les mauvais génies se cachent dans les rouleaux et s’agrippent aux pagaies pour faire chavirer les pirogues. Ce jour-là mieux vaut rester au large et attendre. Attendre que les oiseaux plongeurs reprennent leur chasse, une fois les djinns partis. Cela peut durer des heures ou des jours. On racontait même qu’une fois un pêcheur avait été englouti après des jours et des nuits passés à attendre que les mauvais génies libèrent le chenal, à la vue de tout le village témoin impuissant de son agonie, venu l

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