Mes premiers pas sur la terre des hommes
192 pages
Français

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Description

« Je n'arrêtais pas de pleurer, en effet, et la canicule brûlait de plus en plus mon corps, tout mon corps. Néné prit sans doute peur et réveilla aussitôt mon père, les soins qu'ils me prodiguèrent cette nuit ne me furent pas d'une grande utilité. Mon corps au fil des jours devenait inerte. Mes membres inférieurs, si remuants, naguère, devenaient peu à peu flasques et cessèrent bientôt de remuer ; mon cou cédait sous le poids de ma tête, devenue immensément lourde. Quelques jours plus tard je fus paralysé de tout le corps ! » En quelques heures, Boubacar Kolon Barry voit ses jambes et sa colonne vertébrale paralysées à cause d'une poliomyélite, une maladie infantile qui entraîne des séquelles irréversibles. Déçus par divers marabouts et guérisseurs vénaux incapables de remédier au mal de leur fils, ses parents décident de le confier aux soins d'une association, en Suisse, pour pratiquer une intervention chirurgicale. Ce récit autobiographique retrace le long combat de Boubacar Kolon Barry pour remarcher et réaliser ainsi ses premiers pas sur la terre des hommes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 juin 2017
Nombre de lectures 1
EAN13 9782342153873
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mes premiers pas sur la terre des hommes
Boubacar Barry
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


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175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Mes premiers pas sur la terre des hommes
 
 
 
À mon père, à ma mère, à madame Béatrice Dillier, à la Fondation Terre des hommes… à tous ceux qui m’ont aimé et soutenu dans ma tendre existence d’enfant handicapé.
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Pour un monde vidé de toute haine et de tout égoïsme… Pour un monde gorgé de fraternité et d’humanisme où tous les enfants de cette terre des hommes pourront vivre libres et heureux.
 

Oh ! Comme je t’aime, Néné 1
Quand le soleil pointe à l’horizon
 
        Et je croise ton regard, Néné,
 
Quand tu approches
 
Et j’entends tes pas sur le gravier, Néné,
 
Quand tu t’éloignes
 
        Et je contemple ta silhouette, Néné,
 
Oh ! Comme je t’aime, Néné.
 
Quand l’éclat de ton sourire illumine
 
Tout sous notre toit, Néné,
 
Quand le miel de ta voix
 
Berce mes oreilles, Néné,
 
Que le parfum de ton souffle
 
Enveloppe mon être, Néné,
 
Et que le velours de tes mains
 
Berce ma tête, Néné,
 
Oh ! Comme je t’aime, Néné.
 
Quand ton rire retentit
 
Et répand le bonheur dans notre maison, Néné,
 
Quand je venais d’être admis au baccalauréat
 
        Et que tu sursautas de joie, Néné,
 
Quand tes mains expertes lavent
 
Et repassent les habits de Bâba, Néné,
 
Et que tes délicieuses sauces embaument notre concession, Néné,
 
Oh ! Comme je t’aime, Néné.
 
Quand sous la morsure du froid de décembre,
 
Tôt le matin, tu nous chauffes du quinquéliba, Néné,
 
Quand, sous la canicule de mars, tu arpentes Almamya
 
        Sur le chemin de l’hôpital, Néné,
 
Quand tard dans la nuit tes patientes frappent à notre porte
 
Et interrompent ton sommeil, Néné,
 
Quand tu délivres la femme enceinte, Néné,

Et que dans tes bras, ton visage s’illumine
 
        Aux premiers vagissements du nouveau-né, Néné,
 
Femme du grand hôpital,
 
Femme des gardes interminables,
 
Oh ! Brave sempiyanké ,
 
Comme je t’aime, et ce pour l’éternité.
 
1
M es parents me l’ont dit, j’étais très jeune en ce temps-là. Je venais à peine d’effectuer mes premiers pas dans l’existence, tout gai, tout remuant, sous les regards amusés et complaisants de mon entourage, de tout mon entourage. Je courais ici et là dans la cour, renversant et cassant parfois tout sur mon passage. C’étaient les premiers pas d’un enfant tout gai, rempli d’énergie.
 
Un jour pourtant, à califourchon sur son dos, solidement retenu par un pagne, Néné, cet après-midi-là, m’emmena chez l’une de ses copines, de ses nombreuses copines auxquelles elle allait rendre visite de temps en temps. Nous y restâmes – elle parlant avec son amie, moi courant avec les autres enfants de la cour – jusqu’en fin d’après-midi et ne regagnâmes notre demeure, ce jour-là, qu’à l’approche du crépuscule qui, progressivement, répandait son voile noir sur la petite localité de Founden.
Comme d’habitude, je m’endormis très tôt cette nuit encore – après avoir tiré goulûment du lait des seins de Néné –, de ce sommeil qui vous endort lorsque vous avez la joie et la paix du cœur. Mais subitement au milieu de la nuit, je fus secoué, le corps inondé de sueur, par une forte fièvre. Mes pleurs réveillèrent naturellement Néné qui me mit aussitôt le sein à la bouche, pour me calmer. Mais rien n’y fit, chose inhabituelle, car ce sein si bienfaisant, si soulageant les autres nuits, ne me calma guère cette nuit-là. Je n’arrêtais pas de pleurer, en effet, et la canicule brûlait de plus en plus mon corps, tout mon corps.
Néné prit sans doute peur et réveilla aussitôt mon père, les soins qu’ils me prodiguèrent cette nuit ne me furent pas d’une grande utilité. Mon corps au fil des jours devenait inerte. Mes membres inférieurs, si remuants, naguère, devenaient peu à peu flasques et cessèrent bientôt de remuer ; mon cou cédait sous le poids de ma tête, devenue immensément lourde.
Quelques jours plus tard je fus paralysé de tout le corps !
Je ne pouvais même plus m’asseoir, a fortiori me tenir debout. Mes crises répétées inquiétaient toute la maisonnée tout naturellement, Néné au premier chef, qui avait arrêté momentanément son travail, empêchée par mon état de santé qui ne s’améliorait pas et devenait de plus en plus critique.
Au fait, qu’arrivait-il à ce petit bout d’être humain qui venait à peine de faire ses premiers pas ?
Aurions-nous croisé, Néné et moi, sans le savoir, hier sur le chemin du retour de notre promenade, ces génies malfaiteurs qui, soutient-on dans notre société, ont parfois horreur de l’humain et qui à présent s’acharneraient sur ma pauvre personne ? Ou bien, fait plus ou moins vraisemblable, étaient-ce ces sorciers, ces êtres de la société humaine, différents des autres puisque détenteurs de pouvoirs maléfiques, qui me « dévoraient » ? Je ne sais point.
Toujours est-il que mon état de santé ne s’améliorait guère, et l’on décida alors de me porter à l’hôpital – aux moyens très limités chez nous à l’époque – où les médecins diagnostiquèrent malgré tout un début de poliomyélite. À Conakry où je fus également porté, les médecins ne purent, malheureusement, faire grand-chose.
Ce fut alors le début pour mes parents de la consultation de nombreux marabouts et autres guérisseurs qui, avec plus ou moins de sérieux, préparaient des « potions magiques » dont on devait me laver tout le corps ou qu’on devait me faire boire. Certains conseillaient tel ou tel sacrifice dont mes parents ne se faisaient guère prier pour l’offrir. Partout ou presque où ils entendaient parler d’un guérisseur, mes parents m’y envoyaient. C’est ainsi que Néné m’emmena à Kankan, ville située à plus de deux cents kilomètres de Dabola où un éminent guérisseur venait de faire son apparition. Voyage qu’elle gardera longtemps en mémoire d’ailleurs, notamment cette traversée périlleuse en pirogue du fleuve Milo 3 d’une jeune mère tenant son premier enfant – moi – dans les bras. C’est seulement à la suite de ce voyage que je pus me tenir sur mon séant et me traîner à quatre pattes.
La plupart du temps, guérisseurs et autres marabouts faisaient le déplacement jusque chez nous pour promettre leurs services à mes parents, qui les acceptaient tout naturellement. Ils étaient alors bien accueillis et passaient parfois plusieurs jours sous notre toit. Mon père leur promettait tout le bonheur qu’il était en mesure de leur procurer en cas de succès. Mais, animés de mauvaises intentions, nombre d’entre eux lui jouèrent des tours, de mauvais tours, disparaissant dès qu’ils avaient obtenu de lui une somme d’argent qu’ils réclamaient souvent d’ailleurs avant de commencer le « travail ». Persuadés finalement que rien ne pouvait plus me redonner l’usage de mes jambes, mes parents prirent alors la décision de rompre avec les guérisseurs – momentanément du moins – puisque les candidats ne cessaient d’affluer, et à tous ils demandaient désormais de faire leurs preuves avant de réclamer quoi que ce fut. Ils finissaient tous par disparaître sans obtenir ce dont ils étaient à la recherche : l’argent.
Plus tard, quand je serai plus grand, mon père me dit par une nuit sans électricité, éclairée par une lampe à pétrole pendant que nous veillions dans notre salon à Mamou : « Je me souviens avoir un jour compté une à une quarante bouteilles, chacune d’elles étiquetée du nom du marabout ayant préparé son contenu et la date de réception. Je les sortis toutes, vidai celles qui contenaient encore un liquide et jurai de ne plus avoir affaire à un marabout. Je m’en remis à Dieu puisque tu pouvais déjà t’asseoir et te déplacer à quatre pattes. »
2
J’ avais à peine trois ans quand mes grands-parents exprimèrent le désir de me garder sous leur toit, pour d’une part, alléger le poids de ma charge à mes deux parents – Néné et mon père étaient tous deux fonctionnaires de l’État – et d’autre part pour me prodiguer des soins : mon grand-père paternel, que nous, ses petits-enfants et même ses enfants, appelions affectueusement Bâ Billy, était d’une science peu égalée dans la contrée.
Je quittai donc très tôt mes parents pour me retrouver entre les mains de mes grands-parents paternels à Diafounah, où je vécus quatre années de mon enfance. Diafounah est l’un des multiples districts que compte Timbo, capitale historique du Fouta Djallon théocratique, point de départ de la propagation de la foi islamique en Guinée et dans toute l’Afrique occidentale.
À moins d’une heure de marche rapide de Timbo, « la grande ville », on y arrive après avoir dévalé une petite côte, une colline en fait, au fond de laquelle coulait et coule toujours (en saison des pluies maintenant) une eau claire et limpide, dans le lit du Diolâkéhoun. De l’autre côté, le grand village d’alors dressait fièrement ses paillotes. Derrière les concessions passait « la grand-route », le «  tarawo  », du nom des travaux forcés qui ont décimé tant de vies humaines en Afrique et qui, de ce fait, sont restés à jamais gravés dans les mémoires.
La concession de Bâ Billy était très vaste et faisait limite avec quatre autres aussi vastes qu’elle ou presque, elle était tout entourée d’une clôture de bois. On y accédait par une petite ouverture taillée à la mesure d’un homme. La même ouverture était pratiquée pour pouvoir communiquer avec les quatre autres concessions limitrophes. Les vergers regorgeant de légumes et autres cultures de potage en hivernage, une petite ouverture était nécessaire pour parer aux dégâts souvent causés p

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