Les Sylviades
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Les Sylviades , livre ebook

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Description

Robert de Pierre-Perthuise est un ancien élève de l’École polytechnique et de l’École des mines, docteur ès sciences, officier de réserve, chevalier dans l’ordre national du Mérite, membre de la Société de Physique et de Chimie. À 35 ans, il entre chez International Chemia comme assistant scientifique à la direction du département des expertises industrielles. C’est un homme brillant, mais un homme laid et solitaire. Un jour, son directeur lui demande de représenter la compagnie au séminaire de la société Vulpex, dans le domaine des Sylviades. Sur place, il se voit, à sa grande colère, attribuer une hôtesse de compagnie. Après quelques énervements, Robert se découvre d’étranges affinités avec Gabrièle, et l’amour, aussi improbable soit-il, ne tarde pas à naître...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 décembre 2002
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748369533
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0112€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

À tous ceux qui ont lu ce récit et m’ont invité à le publier.
Introduction

Pour la plupart d’entre nous, l’existence suit un parcours linéaire, borné par des évènements prévisibles. Notre éducation et notre formation nous y préparent voire nous conditionnent. Cette prédictibilité rassurante constitue la trame d’une vie où chaque étape préparée est attendue comme une solennité convenue. C’est une vie tranquille, c’est une carrière professionnelle sans heurts. Or, il suffit d’un instant pour l’infléchir brusquement. Une vie devient alors un destin. Robert de Pierre-Perthuise, industriel, et Gabrièle Saguxuri, hôtesse de compagnie, virent leur existence basculer le mercredi 19 mai 1993. Cette singularité fut la rencontre de l’opposé. Les regards se croisent et plongent dans la profondeur d’un miroir où s’ouvre le chemin intérieur. Cette rencontre transforme le point de fuite en point de départ. Gabrièle et Robert, en quête l’un de l’autre, sans vraiment le savoir, seront en quête d’eux-mêmes.
Première partie
Premier chapitre

Robert regarda quelques instants la plaque d’aluminium brossé qui ornait la porte. On pouvait lire, en lettres noires, direction industrielle . Avec son majeur, c’était son habitude, presque un tic, il remit en place sa monture de lunettes et frappa deux coups secs.
— Entrez ! – Robert ouvrit la porte d’un geste ample et attendit. – Ah ! Pierre-Perthuise…
— Vous vouliez me voir. Ma secrétaire vient de me faire la commission.

Un homme, le visage empâté, balaya l’espace avec sa main droite, comme pour dissiper des fumées invisibles. Il montra un fauteuil d’un geste débonnaire.

— Pfeu ! Oui… j’avais oublié… foutus contrats ! Ils me cassent les pieds avec ça. On vous emmerdait comme ça dans l’Administration ?
— Nous avons tous des moments de contrariété, monsieur, dans le privé comme dans le service public. Vous souhaitez me voir pour le dossier cepramer  ? Je pense le signer ce soir.
— Non, non… le président m’a téléphoné ce matin… Asseyez-vous… La société Vulpex organise son séminaire dans le Massif Central, pour le pont de l’Ascension… Drôle d’idée, mon vieux, enfin c’est du dernier chic. L’année dernière c’était à Nice, en juin… Le thème retenu pour 1993 porte sur la synthèse des alcaloïdes. Cette question pourrait vous intéresser, je crois ? Enfin… j’ai pensé à vous, mon petit.
Le gros homme se leva et posa la main sur l’épaule de Robert, il parlait toujours de cette manière hachée, comme s’il était essoufflé. À ce contact, le jeune ingénieur éprouva un instant de répulsion intense, il faillit tressaillir mais réussit à se maîtriser. Il pensa : “Cet homme cultive une familiarité de mauvais goût.” Le directeur industriel était l’un des personnages les plus puissants du site, comme les autres directeurs généraux , il tenait son pouvoir directement du directoire ; le département des expertises lui était rattaché. Toutefois, la rumeur d’une modification de l’organigramme courait. Robert avait entendu dire que les expertises pourraient, dans un avenir incertain, dépendre également du directoire. Les yeux de Dulibe avaient quitté le visage qui le mettait mal à l’aise pour venir s’immobiliser sur la boutonnière du costume de laine peignée. Un fil bleu roi retenait son attention. La première fois qu’il avait rencontré Robert, il avait cru que c’était un brin de tissu déposé chez le teinturier. Cependant, son œil exercé l’avait immédiatement détrompé. Aussi, chaque fois qu’il croisait Robert, il ne pouvait s’empêcher de baisser quelques instants le regard. Maintenant, il s’était habitué à cette décoration mais, dans les premiers temps, il aurait volontiers fait remarquer à Robert que le port de la blouse était obligatoire. Le coton blanc ne pouvant supporter ce trait d’azur.
— Je vous remercie d’avoir pensé à moi, monsieur. Mais ai-je le profil requis ? Si c’est un séminaire de spécialistes, je ne serai pas à ma place.
Dulibe éclata de rire bruyamment :
— Non, Pierre-Perthuise, rassurez-vous ! C’est une gâterie qui vous est faite. Tradition oblige, vous connaissez ça, mon cher… la Tra-di-tion ! Nous avons un contrat avec Vulpex et ils veulent nous faire plaisir ; ainsi, chaque année pour leur séminaire, ils nous proposent une place.
— Bien sûr, je pense qu’il serait désobligeant de ne pas être représenté.
— On nous paye deux jours à l’œil ! Écoutez ça… Le jeune homme fit la moue. Dulibe ouvrit un tiroir et sortit un dépliant. Voilà, tenez ! Il tendit à Robert une feuille sur laquelle figurait le nom des intervenants déjà inscrits ; dans la liste, le jeune homme lut : Armand Coussin, membre de l’Institut, École polytechnique, “ Effets de la quinidine et de l’hydroquinidine ”. Voilà, écoutez ça, mon vieux, hum… jeudi 20 et vendredi 21 mai. Le séminaire comporte six communications par jour ; le matin de neuf à douze heures et l’après-midi de quatorze à dix-huit heures. Hum ! On déjeune entre congressistes. Je lis : terrine de lapin en croûte… et son concassé de légumes , fichtre ! Tavel 1982  ! Charlotte de ris de veau et… deux jours dans un palace, oui môsieur, vous irez dans une chaîne Auberges et Châteaux, cinq étoiles, vraiment… ils ne s’emmerdent pas.
— Monsieur, je vous en prie !
— Je vous choque ? Je vous trouve raide, Pierre-Perthuise… La fréquentation de lieux agréables ne vous fera pas de mal. Nous sommes tous victimes de notre éducation. N’est-ce pas ? Moi comme vous… notre milieu a déteint sur nous.
— Permettez-moi d’avoir un avis contraire, monsieur.
— Bon, répondez-moi, vous y allez ?
— Oui, monsieur, pour le professeur Coussin.
— Cousin ?
— Coussin, Armand Coussin, de l’Académie des Sciences. Il a été l’un de mes directeurs de thèse à l’École polytechnique.
— Ah ! Bof ! Écoutez, vous y allez bien pour qui vous voulez… Moi je vous envoie là-bas pour vous distraire… oui… vous distraire, jeune homme, et parce que vous êtes… hum… l’un de mes cadres les plus brillants et que notre société doit être représentée…

Dulibe épongea son cou avec son mouchoir. Il transpirait beaucoup.

— Je vous apporterai mon sujet de communication demain, monsieur.
— Très bien ! Hum ! De toute façon, je vous fais confiance, petit.
Robert se leva d’un coup et salua le directeur industriel.
— Bonsoir, monsieur. Merci d’avoir pensé à moi.
— Bonsoir, Pierre-Perthuise. Vous garderez toujours cette raideur militaire ?
Sans répondre, Robert referma la porte derrière lui. Dulibe, en voyant sortir le jeune homme, regretta presque de l’avoir provoqué mais cette attitude était plus forte que lui ; Dulibe ne pouvait pas s’empêcher d’aiguillonner ses interlocuteurs pour observer leurs réactions. Deux raisons avaient conduit le directeur industriel à choisir Robert pour représenter International Chemia au séminaire de Vulpex. L’une tombait sous le sens, Robert était le plus compétent des cadres de la direction industrielle ; l’autre raison était moins avouable, Dulibe envoyait Robert là-bas en toute connaissance de cause, il voulait tester le jeune homme, non pas lui faire subir une sorte d’épreuve probatoire destinée à vérifier les capacités de réaction de ses cadres – comme ces stages extrêmes qui vont du saut à l’élastique au jeu de rôle le plus déstabilisant –, en fait, Dulibe voulait réaliser une expérience in vivo pour analyser le comportement de cet homme dont la personnalité et l’ascendance le dérangeaient et, peut-être, le fascinaient. Aux yeux de Dulibe, Robert était un être étrange qui appartenait à une autre catégorie que les classifications habituelles. Georges Dulibe aurait éclaté de rire si on lui avait révélé, à l’instant où Robert quittait son bureau, que, tel un démiurge aveugle, sa décision allait changer deux destins. L’existence est faite de ces coups de dés dont les résonances peuvent conduire des esprits insuffisamment prémunis à penser qu’il existe un fatum implacable qui détermine le bonheur ou le malheur.
Il était presque vingt heures, Robert croisa dans le couloir un jeune collègue qui portait un dossier sous le bras.
— Tu es encore là, Robert ?
— Je sors de chez Dulibe.
— Tu as des ennuis ?
— Non, plutôt une bonne nouvelle. Il m’envoie à un congrès pour le pont de l’Ascension.
— Oui, bien sûr. C’est le parcours initiatique !
— Que dites-vous ?
— C’est organisé par Vulpex  ?
— Oui… vous connaissez ce type de rencontre ?
— Tu verras… Le vieux t’a à la bonne s’il t’envoie là-bas. C’est génial ! Chaque année, Vulpex organise un séminaire qui tourne autour de ses activités. Scientifiquement c’est très correct. L’Alma Mater est de la fête, parfois même des Nobels ! Et sur le plan intendance c’est génial… Tu verras, il te filera l’Érato.
— Mais… j’ai ma voiture.
— Non, mon ami, la maison tient à sa réputation. Tu auras l’Érato. Tu pars donc la semaine prochaine ?
— Absolument, nous sommes mercredi, je vais travailler un peu ma communication. Je vais présenter le sujet demain au patron.
— Alors, salut Robert, et profites-en bien ! Je pars demain à l’usine de Rouen. Au fait, pourrais-tu me faire un petit topo sur l’effet tunnel ?
— Bien sûr. Mettons jeudi dans quinze jours.
— Parfait.
— Je suppose que vous avez quelques éléments de mécanique quantique ?
— Heu… vaguement.
— Bon, je vais tâcher de vous faire quelque chose d’assez complet mais il faudrait que vous jetiez un œil sur vos cours de mécanique quantique.
— Je vais essayer.
— Bon voyage à Rouen.
— Le jeune homme fit un clin d’œil complice et lança :
— Bon séminaire.
Robert descendit en sifflotant un escalier qui s’ouvrait au fond du couloir, traversa deux laboratoires seulement éclairés par les veilleuses et arriva à son bureau. Une lumière filtrait sous la porte. Il entra. Une jeune femme, grêle, les cheveux bruns et crépus, tirés en arrière et bloqués par une barrette en nacre, rangeait un dossier. Juliette gardait une constante bonne humeur. Était-ce un héritage ramené de sa lointaine Guadeloupe ? Souvent, alors que la grisaille de l’hiver ankylosait les cœurs, Robert lui faisait remarquer

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