Les insoumises de la Bible - 12 destins de femmes
106 pages
Français

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Les insoumises de la Bible - 12 destins de femmes , livre ebook

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Description

« C’est cette extraordinaire présence des personnages de la Bible, c’est cette plénitude éthique et ces mystérieuses possibilités de l’exégèse qui signifiaient pour moi originellement la transcendance. » Emmanuel Lévinas, Éthique et Infini, Dialogue avec Philippe Némo , Fayard, 1982. S OMMAIRE Titre Exergue Dieu ne pouvant être partout, il créa les femmes Lilith - La première femme insoumise Sarah - La prophétesse qui rit La femme de Loth - Celle qui regarde en arrière Les filles de Loth - Celles qui regardent devant Tamar - La loi du beau-frère Sipporah - L'unique épouse de Moïse Aksah - La troisième génération depuis l'Exode Déborah - « Réveille-toi ! Réveille-toi ! » Judith - Comment une femme fait perdre la tête à un redoutable guerrier Dalilah - Celle qui affaiblit le soleil Nasbeth - Un double adultère Bethsabée - « Tout commence toujours par un adultère » Esther - Il était une fois une reine… Glossaire Du même auteur Collection Copyright Dieu ne pouvant être partout, il créa les femmes Souvent anonymes, parfois décrites par des caractéristiques symboliques, les femmes mises en scène dans les récits bibliques font passer les hommes d’un état consensuel à un état de rupture. Le silence de leur nom les affranchit des critères conjugaux qui définissent les femmes. Les rôles assignés aux femmes et aux hommes dans une société patriarcale en mutation imprègnent la pensée des rédacteurs des textes bibliques.

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Informations

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Date de parution 12 mai 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9782810437030
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

« C’est cette extraordinaire présence des personnages de la Bible, c’est cette plénitude éthique et ces mystérieuses possibilités de l’exégèse qui signifiaient pour moi originellement la transcendance. »

Emmanuel Lévinas, Éthique et Infini, Dialogue avec Philippe Némo , Fayard, 1982.
S OMMAIRE
Titre
Exergue
Dieu ne pouvant être partout, il créa les femmes
Lilith - La première femme insoumise
Sarah - La prophétesse qui rit
La femme de Loth - Celle qui regarde en arrière
Les filles de Loth - Celles qui regardent devant
Tamar - La loi du beau-frère
Sipporah - L'unique épouse de Moïse
Aksah - La troisième génération depuis l'Exode
Déborah - « Réveille-toi ! Réveille-toi ! »
Judith - Comment une femme fait perdre la tête à un redoutable guerrier
Dalilah - Celle qui affaiblit le soleil
Nasbeth - Un double adultère
Bethsabée - « Tout commence toujours par un adultère »
Esther - Il était une fois une reine…
Glossaire
Du même auteur
Collection
Copyright
Dieu ne pouvant être partout, il créa les femmes

Souvent anonymes, parfois décrites par des caractéristiques symboliques, les femmes mises en scène dans les récits bibliques font passer les hommes d’un état consensuel à un état de rupture. Le silence de leur nom les affranchit des critères conjugaux qui définissent les femmes. Les rôles assignés aux femmes et aux hommes dans une société patriarcale en mutation imprègnent la pensée des rédacteurs des textes bibliques. Révélatrices des dysfonctionnements de leur société, les femmes sont très présentes dans ces récits. Des héroïnes, des prophétesses, des concubines, des prostituées, mais aussi des mères, des épouses ou des femmes fatales qui refusent l’existence qui les attend. Au-delà de ces rôles symboliques, les femmes bibliques révèlent les contradictions, les oppositions ou les doutes d’une société qui cherche à se réinventer et à refonder son monde sur une nouvelle terre, protégée par une nouvelle divinité. Elles apparaissent comme des seuils qu’il faut passer pour vivre le dessein du Dieu biblique pour l’humanité. Souvent privées de nom, telle la femme de Loth, l’anonymat les fait émerger du récit collectif, et ce sont elles qui définissent l’identité des autres. Parfois stériles, confrontées à des situations tragiques, certaines de ces femmes refusent de se soumettre aux lois de la société de leurs pères et prennent les choses en main, telle Judith qui agit là où les hommes de la cité ont renoncé à combattre les armées ennemies. D’autres revendiquent l’héritage reçu par leurs frères ou œuvrent pour la stricte application de la loi, à l’image de Tamar qui exige le respect de la loi dite « du beau-frère ».
Je suis donc parti à la rencontre de ces « insoumises » : douze femmes, souvent méconnues, mais au message universel, qui ont fait bouger les lignes de leur société et jeté les fondations de notre monde actuel.
«  Les palais seront envahis par les broussailles, ses forteresses par les orties et les chardons. Ils deviendront la demeure des chacals, le séjour des autruches. Là se rencontreront chats sauvages et chiens sauvages. Là aussi nichera la vipère, qui y déposera ses œufs. Là les satyres se donneront rendez-vous. Là encore se tapira Lilith. Elle y établira son gîte et trouvera une retraite tranquille. »

Livre d’Isaïe , 34, 1-15.

 
Lilith
La première femme insoumise

La première femme, qui fut créée avant Ève et en même temps qu’Adam, inaugure sans doute la première plainte pour sexisme hostile contre le premier homme. Selon la Genèse, Dieu créa l’humanité à son image, féminin-masculin : « homme et femme, Il les créa » tous les deux bénis 1 . Lilith et Adam ont été modelés à partir de la même glaise. Mais le désir d’indépendance de Lilith, sa revendication d’une place égale dans le dessein divin pour l’humanité font peser sur Adam une menace insupportable. La première femme serait donc aussi la première victime de sexisme.
 
À l’image de nombreuses femmes victimes aujourd’hui de sexisme, c’est à Lilith qu’il revient d’être la première à quitter le jardin d’Éden pour se réfugier aux bords d’un marécage nauséabond, entourée de chats sauvages, de hyènes et de serpents. Elle, qui est capable d’introduire la vie dans le monde, sera bientôt accusée de porter entre ses cuisses les portes de l’enfer, de faire mourir les femmes en couches et de dévorer les nouveau-nés. Voici donc la femme libre assimilée à une démone, un esprit malfaisant, un vampire qui se nourrit de chair masculine, précédée d’un parfum de soufre.
 
Le nom Lilith n’est pas dérivé de l’hébreu Laïlah, qui désigne « la nuit », mais du sumérien Lil, qui désigne « le vent », souffle de tous les maux. Démone de la mythologie akkadienne, trois millénaires avant l’ère présente, prostituée sacrée de la déesse sumérienne Inini, celle qui deviendra l’Ishtar des Babyloniens et l’Isis des Égyptiens, Lilith, ravisseur femelle de la lumière, ange déchu tombé sur terre, n’est citée qu’une fois dans la Bible par le prophète Isaïe : « Les chats sauvages rencontreront les hyènes, le satyre appellera le satyre, là encore se tapira Lilith 2 . » Le livre de Job en fait un nom commun, faisant de Lilith la personnification de la frayeur des ténèbres. Reine des épouvantes, première-née de la mort, elle n’a ni enfants ni postérité et, telle la peste, frappe sans pitié et sans distinction innocents et coupables 3 . La voici redevenue la terrible « déesse aux serpents », la démone mésopotamienne qui a inspiré la Lilith biblique prophétisée par Isaïe 4 . La tradition chrétienne est muette à son sujet. La tradition juive en fait le contre-exemple de la femme biblique, décrivant Lilith comme une femme ensanglantée dont Adam se serait écarté.
1 . Genèse, I, 27-28.
2 . Isaïe , XXXIV, 14.
3 . Job, XVIII, 3-21.
4 .  Livre d’Isaïe 34, Le jugement contre Édom.
«  Nous sommes égaux parce que nous venons tous les deux de la terre 1 . »

Incompatibilité d’humeur originelle
Avant Ève, Adam connut Lilith. La première femme fut créée en même temps que lui et non à partir de lui, mais à côté de lui. Femme primordiale, première compagne d’Adam, première femme fatale, Lilith refusera de lui être soumise. Fils unique, Adam est convaincu d’être supérieur à Lilith, alors qu’elle revendique l’égalité dans leur couple. La querelle est d’abord d’ordre sexuel. Lilith refuse de voir son corps déformé par les grossesses et ne cherche ni à croître ni à se multiplier, comme l’exige leur créateur. Puis, elle est accusée d’épuiser Adam, de se nourrir de sa semence et enfin, insatiable, d’aller chercher satisfaction en s’accouplant avec des incubes, ces démons nocturnes qui prennent l’apparence humaine pour séduire les femmes dans leurs rêves.
– Je ne me coucherai pas sous toi, mais seulement au-dessus de toi. Tu es faite pour être dessous, parce que je te suis supérieur ! argumente Adam.
– Je ne me coucherai pas sous toi, mais sur toi. Nous sommes égaux, nous avons été créés de la même terre 2 , insiste Lilith.
 
L’exigence de la part de Lilith d’une égalité spatiale, y compris durant un rapport sexuel, a près de deux millénaires d’avance sur notre société contemporaine. Cette revendication d’une égalité ou, pire, d’une supériorité sociale de la femme est inconcevable dans la société patriarcale juive ou chrétienne du Moyen Âge. Le Talmud vient d’ailleurs au secours d’Adam, précisant que si, durant les rapports sexuels, le visage de l’homme doit être tourné vers la terre et celui de la femme vers le ciel, c’est parce que chacun doit regarder vers l’endroit d’où il a été créé 3 .
 
Devant son entêtement, Lilith perd tout désir pour Adam. Dans ces conditions, elle refuse de lui offrir son corps. Selon l’ Alphabet de Ben Sira , Lilith prononça le Nom secret de Dieu – preuve de sa connaissance immanente du monde – pour quitter à tire-d’aile le jardin d’Éden. Abandonné à sa solitude, Adam, déconfit, se plaint à Yahvé : « La femme que tu m’as donnée s’est enfuie ! » se lamente-t-il. Lui qui critiquait tant sa compagne réalise en la voyant s’envoler qu’il aurait bien aimé la garder tout de même et ne faire à nouveau avec elle qu’une seule chair. Mais c’est trop tard, Lilith a retrouvé sa liberté et n’est pas prête à y renoncer.
 
« Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il lui faut une aide qui lui soit assortie 4 . »
 
Selon les commentaires du Zohar. Le livre de la splendeur , le Dieu biblique aurait alors décidé de créer une nouvelle femme à partir de la chair d’Adam. Ce sera l’occasion de rappeler les vertus et les défauts fondamentaux associés aux femmes :
 
« Je ne la créerai pas à partir du crâne d’Adam, elle serait vaniteuse, ni à partir de l’œil, elle serait curieuse, ni à partir de l’oreille elle serait indiscrète, ni à partir de la bouche elle serait médisante, ni à partir du cœur elle serait jalouse, ni à partir de la main elle serait chapardeuse, ni à partir du pied elle serait coureuse. Je la créerai à partir d’un endroit de l’homme qui est caché et reste couvert, même lorsqu’il se tient nu ! Et pour chacun des membres qu’Il créa, Il dit à la femme : “Sois pudique, sois pudique !” 5  »
La pudeur devient la vertu cardinale des femmes. Un véritable carcan qui implique l’invisibilité des femmes, leur enfermement à l’écart du monde masculin, et le contrôle par les hommes du corps féminin.
 
Yahvé aurait donc prélevé une côte d’Adam, façonné une femme, puis l’aurait emmenée à lui 6 . La femme est nommée Ishah (« femme »), puisqu’elle fut tirée de Ish (l’« homme »). Notons néanmoins que l’hébreu tséla utilisé dans ce récit ne se traduit pas par « côte », mais par « côté ». Ève n’aurait donc pas été créée à partir de la côte d’Adam, mais à côté de lui. Adam et Ève ont été créés l’un à côté de l’autre dans une union et une égalité fondamentale. Le Dieu biblique donna pour nom « Hawwah » (Ève) à la compagne d’Adam « parce qu’elle sera la mère de tous les vivants 7  ».
 
La création de l’humain, c’est la création du coupl

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