Les Combats de Carnaval et Réformation
234 pages
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Description

Dans le siècle de la Réformation, des guerres de religion, et de la confessionnalisation, le carnaval n’est pas resté un élément anodin, en dehors des conflits et des recompositions qui se mettaient en place. L’investissement originel de cette fête par Luther et les siens n’a pourtant pas conduit à une alliance heureuse avec le protestantisme. Que s’est-il passé d’une borne à l’autre du siècle ? Dans quelle mesure la rupture religieuse s’est-elle accompagnée d’une rupture culturelle vis-à-vis du carnaval ? L’interdiction progressive du carnaval a-t-elle fait consensus, témoignant d’un ethos luthérien particulier ?


De pamphlets en traités, d’ordonnances religieuses en prédication, l’enquête menée ici révèle le questionnement continuel des clercs sur la nature du carnaval et en dit long sur sa complexité et le désarroi des contemporains : s’agit-il d’un rite agraire, d’une survivance des fêtes païennes, ou plutôt d’une coutume catholique ? Ce livre restitue ainsi un jalon manquant de l’histoire du carnaval et dessine une anthropologie du corps et du rire dans le monde protestant. À travers les questions du langage polémique, du rituel, ou de la discipline, il permet de réviser les relations complexes entre christianisme, rire et sérieux, mais aussi les opérations de différenciation entre confessions, et met au jour une période décisive avant que se fige le topos d’une fête païenne et révolutionnaire.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782889303885
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0165€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2021
Case postale 5
2002 Neuchâtel 2
Suisse
 
 
www.alphil.ch
 
Alphil Diffusion
commande@alphil.ch
 
 
ISBN papier : 978-2-88930-361-8
ISBN EPUB : 978-2-88930-388-5
 
 
 
Les Éditions Alphil bénéficient d’un soutien structurel de l’Office fédéral de la culture pour les années 2021-2024.
 
Publié avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique.
 
Cette publication a bénéficié du soutien de la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université de Neuchâtel.
 
Illustration de couverture : Détail de la figure 1 page 12.
Pierre Bruegel l’Ancien, Le combat de Carnaval et Carême , 1559.
Huile sur bois, 118 x 164,5 cm. Vienne, Kunsthistorisches Museum.
© Wikimedia Commons.
 
Responsable d’édition : Marie Manzoni


Remerciements
D errière ce qui a guidé ce travail, il y a toute une vie, commencée dans la Touraine de Rabelais et établie pour l’heure près de la Sorbonne «  source de toute sagesse  ». Famille, amis, professeurs de classes prépa et directeurs de thèse ont permis de faire germer ce qui résonne en moi. À eux, à mon mari, et à mes enfants, va toute ma gratitude.


Abréviations
ADB
Allgemeine deutsche Biographie , Berlin, Duncker und Humblot, 1967-1971.
AELF
Association épiscopale liturgique pour les pays francophones , Paris, en ligne.
Br.
D. Martin Luthers Werke : kritische Gesamtausgabe , Abt. Briefwechsel , Weimar, 1930-1985.
BPfKG
Blätter für pfälzische Kirchengeschichte und religiöse Volkskunde , Grünstadt, Emil Sommer, 1925-.
CR
Carolus Gottlieb Bretschneider (éd.), Corpus reformatorum , Halle : C.A. Schwetschke et Filium, 1834 et suiv.
DHS
Dictionnaire historique de la Suisse , en ligne.
DWB
Deutsches Wörterbuch von Jacob und Wilhelm Grimm , 16 vol., Leipzig, 1854-1961.
EKO
Die Evangelischen Kirchenordnungen des XVI. Jahrhunderts , Aalen, Allemagne, Scientia, 1955-.
HWDA
Handwörterbuch des deutschen Aberglaubens , Berlin : W. de Gruyter und C°, 1927-1942.
GNM
Germanisches National Museum , bibliothèque en ligne.
NDB
Neue Deutsche Biographie , Berlin, Duncker und Humblot, 1953-.
ODNB
Oxford Dictionary of National Biography , en ligne.
T.
D. Martin Luthers Werke : kritische Gesamtausgabe , Abt. 2 : Tischreden , Weimar, 1912-1919, ND 1967.
TRE
Theologische Realenzyklopädie , Berlin & New York : W. de Gruyter, 1976-.
WA
D. Martin Luthers Werke : kritische Gesamtausgabe , Weimar, 1883-.
ZGORh
Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins , Stuttgart : Kohlhammer, 1850 et suiv.


Traductions et transcription
E n dehors des traductions éditées en français, toutes les traductions de l’allemand, et les erreurs possibles qui subsistent, sont de mon fait.
Les citations de la Bible en français actuel sont tirées de l’AELF.
Nous avons choisi de franciser les noms propres dans le corps du texte, mais nous avons laissé en note l’orthographe allemande des auteurs lorsque les ouvrages sont cités en allemand.
Sauf exceptions signalées, les citations en italique sont accentuées par moi-même.
Les règles de transcription sont précisées en annexe.


Figure 1 - Pierre Bruegel l’Ancien, Le combat de Carnaval et Carême , 1559.
Huile sur bois, 118 x 164,5 cm. Vienne, Kunsthistorisches Museum.
© Wikimedia Commons.


Introduction
Le carnaval au début du XVI e  siècle : une fête aux contours flous
Carnaval, juché sur son tonneau, menace Carême d’une brochette de tête de porc piquée. Carême, à l’air affligé, chasse le ventru malotru à coups de morue salée. C’est ainsi qu’en 1559 Pierre Bruegel saisit le face-à-face picaresque entre un temps de réjouissances, Carnaval, et un temps de pénitence imposé par l’Église romaine, Carême, avant qu’un parti ne l’emporte et que tout bascule. Au même moment, le Saint-Empire trouve une solution à l’éclatement religieux provoqué par l’opposition entre Luther et le pape, et entérine une situation d’équilibre entre la foi catholique et la foi protestante par la paix d’Augsbourg qui donne le choix de la confession au prince. Or, beaucoup d’historiens ont vu dans la représentation de Bruegel l’allégorie du combat confessionnel tout à la fois incessant et indéterminé : d’un côté l’austère Carême incarnerait la culture confessionnelle protestante 1 , de l’autre, le jovial et truculent Carnaval représenterait la culture confessionnelle catholique 2 . Toutefois, comme le rappelle Lyndal Roper, cette assignation semble problématique dans la mesure où le topos de la sévérité et de l’ascétisme protestants correspond à la rigueur aux calvinistes, mais très peu à la culture luthérienne qui se donne pour icône le «  stout Luther  » 3 . De plus, cela supposerait que dès le milieu du XVI e  siècle, alors que les Églises territoriales luthériennes commencent tout juste à se mettre en place, il aurait déjà été possible pour le peintre d’identifier une culture confessionnelle propre aux catholiques et différente de celle des luthériens. Enfin, du point de vue du rituel, l’identification porterait plutôt à rapprocher Carême du catholicisme, et non du luthéranisme qui a rapidement aboli cette pratique. Dans ce cas, Carnaval représenterait-il l’Église luthérienne ?
Ce tableau soulève ainsi tant la question du rapport pour le moins ambigu entre Carnaval et Carême, que, d’après certains historiens, la question de la différenciation complexe des deux confessions officielles de l’Empire dans la seconde partie du XVI e  siècle. Pour affiner l’identification des confessions au couple Carnaval-Carême, il est donc nécessaire de revenir d’une part sur les principaux apports de l’historiographie dans la définition du carnaval, et d’autre part sur les rapports du carnaval au « carême », c’est-à-dire aux deux confessions, puisqu’il peut incarner d’un côté le rituel catholique et de l’autre le topos de la culture confessionnelle protestante austère.
L’approche pionnière du folklore et de l’anthropologie historique du carnaval 4
C’est dans le contexte de l’exode rural et de l’industrialisation des sociétés au XIX e  siècle que des savants se mettent en quête des traditions et des cultures populaires, cherchant à collecter les reliquats d’un monde qu’ils estiment en voie de disparition. Les pratiques du peuple des campagnes sont considérées comme les plus authentiques, car la conception évolutionniste de ces savants considère le « retard » des campagnes comme le gage d’une proximité avec les origines ; campagnes dont les traditions sont censées plonger leurs racines dans le monde gréco-romain, celte ou germanique, dans des temps immémoriaux. C’est à ce titre que le carnaval est l’objet de nombre d’études folkloristes ( die Volkskunde en Allemagne). Interprétant à la lumière des récits païens antiques des coutumes telles que l’usage de masques ou le fait de battre des femmes avec des vessies de porc remplies d’air, les folkloristes font du carnaval la survivance d’une religion archaïque, un rite agraire de purification et de fécondité qui célèbre le retour du printemps. Cette approche a notamment été prolongée par Claude Gaignebet dans les années 1970 et 1980. Pour interpréter les pratiques, il ajoute cependant au répertoire antique les légendes de saints chrétiens. Il met ainsi l’accent sur une « dimension cosmique » du carnaval, dans le sens où beaucoup de symboles traiteraient du passage des âmes vers l’au-delà et des rapports entre vie et mort 5 . Ce faisant, les folkloristes établissent néanmoins la culture populaire comme un fonds propre, autonome, coupé tant du reste de la culture, et en particulier de la culture savante, que du développement historique. Qui plus est, même si cela n’est pas toujours explicité, cette conception du carnaval semble être liée à l’étude de la fête des campagnes et non des villes. Non seulement cette démarche produit une fracture artificielle entre les cultures populaire et savante, comme si les deux n’étaient pas liées par des circulations, des appropriations, comme si ces traditions étaient anhistoriques, mais en plus, l’historien anglais Edward P. Thompson montre bien comment ce regard taxinomique a séparé «  les survivances de leur contexte, et cessé de comprendre la coutume comme environnement et mentalité 6 , comment il a aussi perdu de vue les fonctions rationnelles de nombreuses coutumes dans les routines journalières et hebdomadaires du travail  » 7 . Enfin, pour une partie des savants européens, la discipline s’est teintée d’une coloration fortement nationaliste, dont nombre d’acteurs ont été proches de mouvements fascistes ou nazis et qui trouvaient dans les traditions populaires prétendument archaïques un soubassement de leurs thèses raciales, ce qui conduit à mettre fortement à distance les interprétations et conclusions proposées 8 .
Comme le rappelle S. Chappaz-Wirthner, c’est en réaction à cette approche qui laisse peu de place au ch

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