Le Temps des violettes
140 pages
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Le Temps des violettes , livre ebook

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Description

Le Temps des violettes. Le temps des heures précieuses vécues en famille, au quotidien. Les dernières années de paix avant que les deux guerres mondiales ne viennent créer ses désordres et ses deuils. Un récit qui déborde les souvenirs personnels de l’auteur, dévoilant l’existence des parents et des aïeux au détour de documents privés et intimes. Les méandres d’une histoire familiale qui remonte le temps généalogique et ressemble aux joies et peines de toutes les familles. Avec leurs fragilités : Ce « Temps des violettes » dont parle cet oncle, Louis, qui ne revint jamais du front.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 mars 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748380323
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Temps des violettes
Jacques-Adrien Perret
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


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14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Le Temps des violettes
 
 
 
à Cécile,
Yola et Igor : nos enfants
Théo, Lucas, Noé : nos petits-enfants
à mes sœurs et frères
à mes nièces et neveux
aux familles Perret et Grégoire
à nos amis
 
 
 
Avant-propos
 
 
 
C’est au curé de Gisors, comme nous le verrons plus loin, que je dois de revenir aujourd’hui sur l’évocation de mes souvenirs d’enfance. Je l’ai déjà fait, il y a quelques années, quand j’ai entrepris le récit 1 de ce que notre famille a vécu au cours des années et des semaines qui ont précédé et suivi le Débarquement en Normandie. Je ne m’étais pas trop attardé sur ces belles années d’avant-guerre où nos parents avaient eu la joie de voir grandir la plupart de mes frères et sœurs. Et c’est maintenant, de cette époque-là, dont je veux parler. De notre vie familiale au quotidien, à Caen et à Courseulles-sur-mer. Et, comme pour faire le basculement d’une génération à l’autre, l’idée m’est venue d’évoquer, avec les documents que j’avais à ma disposition, ce que furent aussi pour nos parents et grands-parents les dernières années de paix au Saut-Gautier ou à La Ferté-Macé. Ces lieux emblématiques des jeunes années de mes parents, avant que n’éclate la Première Guerre mondiale et ses conséquences pour chacune de nos deux familles.
Toutefois quand je parle de souvenirs, je parle surtout des miens. Ceux de mes frères et sœurs s’en rapprochent sans doute, mais quand nous évoquons ensemble les scènes de notre vie familiale, je vois que chacun tient à sa partition, même si l’on ne sait plus très bien s’il s’agit réellement de nos propres souvenirs. Et je n’ai rien dit du rang de fratrie que l’on peut avoir et qui change forcément les trajectoires de la mémoire, ni des petits-enfants qui ont aussi les leurs. A croire que la musique qui remonte des profondeurs de l’enfance n’est comparable à aucune autre. Voici donc la mienne.
Tout a donc commencé par l’achat de la table de cure du curé de Gisors, il y a plus de trente ans. Partant à la retraite, il avait mis ses meubles en vente. Et comme nous venions d’acheter une maison de campagne proche de cette ville, nous nous sommes intéressés à cette vente. Mais, grand a été l’étonnement de ce brave curé, quand il nous a vus faire cette acquisition. « Vous êtes bien jeunes encore, nous dit-il, pour avoir une si grande table. Vous avez combien d’enfants ? Savez-vous qu’à cette table on peut tenir jusqu’à seize, et qu’il y a trois rallonges. »
On le rassura vite en lui disant que nous avions l’habitude des grandes tablées, et que Cécile et moi étions, l’un comme l’autre, issus de familles nombreuses. Six de son côté et douze du mien.
— Douze, reprit-il, comme les douze apôtres ?
— Oui, sept filles et cinq garçons, et je suis le sixième de la bande.
Il n’en revenait pas ce vieux curé plein de bonhomie, qui regardait partir ses meubles comme des amis.
Douze enfants, douze apôtres ! C’est en tout cas ce chiffre (souvent avoué par ma mère) que se fixèrent nos parents pour planifier, le plus chrétiennement possible, la mise au monde de leur progéniture. Quant à faire de nous des apôtres, c’est une tout autre histoire.
Baptisés, nous l’avons tous été. Tous aussi nous avons fait nos premières communions. Pour le reste, disons, qu’à leur grande déception, en grandissant, ils nous virent de moins en moins nombreux à côté d’eux aux offices du dimanche…
Mais maintenant que cette table est en place dans notre maison de campagne à Labosse, je ne peux m’empêcher de voir surgir de temps à autre autour d’elle, mes onze frères et sœurs, comme si c’était hier, quand nous habitions Caen.
Cette table familiale, celle de notre enfance en vit, on peut le dire, de toutes les couleurs. Elle était dans notre salle à manger Henri IV comme une véritable cène où trônait mon père, tel un Pater familias de droit divin, ou presque. Ce qui ne lui aurait pas déplu.
 
 
 
I. Caen… Courseulles tout le monde descend
 
 
 
A table les enfants
C’est ma mère, généralement, qui brandissait cet appel en ajoutant : « Vous savez bien que votre père n’aime pas attendre ». Un appel dont les plus grands d’entre nous propageaient au besoin l’écho dans toute la maison. Chacun, alors, descendait quatre à quatre les escaliers ou rentrait en vitesse du jardin pour se trouver devant son rond de serviette. Et gare à celui ou celle qui n’était pas à sa place. « Tu ne sais donc pas ce que c’est que l’heure ? proclamait mon père. C’est pourtant la moindre des politesses ». Et puis venait le traditionnel bénédicité : « Bénissez-nous Seigneur, bénissez ce repas, ceux qui l’ont préparé, et donnez du pain à ce qui n’en ont pas. » Ce qui pouvait être aussitôt suivi de : « Va te laver les mains, il n’y a que chez les pourceaux qu’on ose se présenter à table de cette manière ».
Notre Paternel (c’est ainsi qu’entre nous, les enfants, nous l’appelions) ne faisait jamais dans le détail. Le repas commençait sous son œil vigilant de père nourricier qui ne manquait jamais de nous dire, autant de fois que nécessaire (et souvent beaucoup plus…) : « Si je ne mets pas la main aux fourneaux, c’est moi qui mets la main au portefeuille. Sachez vous en souvenir. » Tandis que ma mère, à peine assise, repartait à la cuisine pour s’entendre dire : « Tu n’as donc pas d’enfants, ils peuvent se déplacer, ils ne sont pas vissés sur leur chaise. Et si je t’ai acheté un beau timbre en argent, ma chère femme, c’est pour sonner ta bonne et te faire servir. »
Et le repas commençait sous l’œil exercé de mon père qui n’était pas par hasard inspecteur d’assurances. Mais je pense qu’il était là dans sa véritable nature ou celle, sait-on jamais, qui lui vint par mimétisme ayant toujours eu, lui aussi, d’après ce que l’on en sut plus tard, « un père sur le dos… »
A table, il parlait volontiers de ses affaires ou du jardin auquel, il faut le reconnaître, il passait beaucoup de temps et nous aussi, trop souvent à notre goût, sous sa haute direction. Mais c’est principalement à nos repas qu’il régnait en maître. Le verbe ! c’était lui, avec en contrepoint de temps à autre quelques mots de ma mère qui s’occupait surtout de mener sa petite troupe jusqu’à la fin du repas, avec l’espoir d’y parvenir sans incidents majeurs. Puis venait une série de remarques dont voici quelques ritournelles, la première dans sa bouche ne manquant pas de sel :
« A table, on ne parle pas, on mange.
On ne mange pas, en regardant son assiette, les mains sous la table.
Si tu as une serviette, ce n’est pas pour la mettre sous tes pieds.
Si tu veux te moucher, va dans le vestibule.
Au lieu de jacasser en cachette, tu ferais mieux de manger.
Prends le temps de mâcher au lieu de te goinfrer.
Arrête de faire la mijaurée ! Pense à ceux qui n’ont rien.
Tu veux mon doigt aussi pour le mettre dans ton nez.
Le dessert, c’est seulement pour ceux qui finissent leur assiette.
Ah ! les toilettes, tu ne pouvais pas prendre tes précautions, avant.
On ne parle pas la bouche pleine.
Une assiette, ça se termine. On la sauce avec son pain
Si tu quittes ta place, maintenant, ton repas est fini. »
 
Pour ma part, c’est ce que je faisais le plus souvent. J’avais du mal à rester assis longtemps et j’allais finir mon repas à la cuisine avec Georgette notre première bonne, ou Marie pour me faire chouchouter. Mais il ne faut pas croire que mon père était un tyran. En vieux soldat de la guerre de 14-18, s’il avait compris que la discipline était la force des armées, il avait dû en déduire qu’avec son bataillon d’enfants, il ne pouvait en être autrement. Ma mère de son côté, quand elle le trouvait trop sévère, se contentait de soupirer ou de dire dans un souffle des « Ah ! Joseph », ce prénom de père nourricier lui allant à merveille. Mais il avait un tel talent de conteur pour parler de ses affaires ou de la politique (un sujet qu’il aimait bien aussi) que nous, les enfants, nous l’écoutions bouche bée avec de temps à autre de véritables fous rires, quand il parlait de son « ami Pétard » ou qu’il faisait de drôles de phrases, comme par exemple : « C’est alors, n’est-ce pas, que cet homme que je comptais bien assurer, n’est-ce pas, s’est enfin déboutonné pour m’expliquer son curriculum vitae ». Ou, à propos de quelqu’un d’autre : « Tu comprends, ma chère Agnès, (c’était le prénom de notre mère) il saura un jour de quel bois je me chauffe. Ce n’est pas aux vieux singes, n’est-ce pas, que l’on apprend à faire des grimaces. Je ne suis pas né de la dernière couvée ! » etc. Avec toujours ça et là des « n’est-ce pas » qui lui servaient de ponctuation oratoire.
 
Ainsi étions-nous là comme des enfants sages, muets comme des carpes, car mon père avait décidé, une fois pour toutes, qu’il n’était pas question de nous laisser parler à table. D’où cette réplique, quand l’envie de parler nous reprenait le plus naturellement du monde : « Tu te tais. A ton âge, j’écoutais ». Une décision qu’il ne put, heureusement, nous imposer trop longtemps, les aînés se chargeant de conquérir petit à petit leur droit à la parole. Resta cependant, quelque temps encore, l’obligation de nous taire au moment des informations, quand il acheta sa première TSF, un « Ducretet-Thomson ».
Voici donc comment à table régnait ce père toujours habillé en complet-cravate et faux col en celluloïd, avec un petit gilet duquel pendait sa chaîne de montre. Mais il n’en avait pas moins, à certains moments, des sollicitudes touchantes quand il disait, par e

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