Le monothéisme est un humanisme
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Description

Et si le monothéisme n’était pas la vieille lune que l’on croit trop souvent ? Et s’il portait en lui une vision de l’homme pleine d’avenir ? "Sache devant qui tu te tiens !", disait le Talmud. Selon cet enseignement, c’est le rapport au Dieu unique qui donne son sens à l’humanité. Toutes les religions issues de la Bible partagent ainsi une vision du monde qui doit, selon Shmuel Trigano, devenir notre viatique pour affronter la crise généralisée que nous traversons. Shmuel Trigano enseigne la sociologie de la politique et de la religion à l’université Paris-X-Nanterre. Il a fondé le Collège des études juives de l’Alliance israélite universelle et la revue européenne d’études et de culture juives Pardès. Auteur de nombreux ouvrages dans le domaine de la philosophie politique, de la spiritualité et de l’histoire, il a notamment publié L’Idéal démocratique. À l’épreuve de la Shoa.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2000
Nombre de lectures 1
EAN13 9782738168375
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , A VRIL  2000 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN 978-2-7381-6837-5
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Sache devant qui tu te tiens !
Talmud Berakhot , 28 b.
AVANT-PROPOS
La question de l’homme

L’humanité vit un tournant critique de son histoire. Les cadres mentaux et moraux du monde moderne n’adhèrent plus à l’expérience concrète des hommes, sans que pour autant les modèles de la pensée que nous a légués la tradition suffisent à porter le poids de notre monde, au terme d’une de ses séquences temporelles les plus révolutionnaires. L’homme, tel que la modernité le pensa, va-t-il mourir, est-il déjà mort, comme Michel Foucault en fit le constat lancinant ? N’est-il déjà qu’un souvenir de lui-même ? La mort est sans doute inscrite au cœur de sa condition historique en un siècle où sa dignité a connu le plus terrible et le plus systématique des assauts à travers les immenses meurtres collectifs qui ont jalonné son histoire. Mais faire référence à la dignité de l’homme, c’est déjà supposer l’identité d’un visage, l’existence d’une norme… Or c’est justement ce qui est en jeu. Il faut poser aujourd’hui avec force la question de l’homme, de son identité, de son origine, de son avenir, même si elle peut sembler incongrue en un temps où l’on invoque à tout instant les « droits de l’homme ». Tout indique en effet la dissolution programmée de l’homme dans les processus techniques et politiques à l’œuvre aujourd’hui.
La crise ne relève pas du conflit des idéologies ou du décalage propre à une époque de transition. Elle met bien plus profondément en jeu l’humain dans ce qu’il a d’essentiel et demande à être appréhendée en fonction de la longue histoire de l’humanité. Une évolution absolument radicale bouleverse en effet sa condition immémoriale : l’homme perd ses limites et leur estompage désorganise et démembre l’identité qu’elles abritaient. Ce phénomène se déploie sur plusieurs scènes. La plus impressionnante est bien évidemment celle de la science. Les robots et les ordinateurs reproduisent des capacités humaines qui se détachent de plus en plus de l’action de l’individu, ouvrant la voie à une extériorisation de son être qui risque de le rendre étranger à lui-même, comme si les instruments de son invention pouvaient le déposséder de ses pouvoirs et, demain peut-être, de sa volonté. Le phénomène est encore plus marqué avec les progrès de la génétique et de la biologie. La fonction de reproduction de l’espèce humaine est elle-même sur le point d’échapper à l’action et à la conscience. L’homme pourrait ainsi non plus se reproduire mais être produit, en dehors de lui-même, sur la base de son « matériau » biologique, certes, mais indépendamment de son désir, de son identité aléatoire (les gènes qu’il reçoit) ou de sa volonté agissante. Il pourrait même, avec les techniques du clonage, se voir produit à l’identique, ce qui induirait dans la condition humaine une dimension radicalement nouvelle : l’individu ne serait plus un « événement ».
L’homme peut-il devenir le maître de ses origines sans détruire son humanité ? L’ambition prométhéenne de créer un « homme nouveau » qui fut l’âme des idéologies politiques modernes, ne risque-t-elle pas d’aboutir avec la nouvelle génétique ? Or, au sortir des catastrophes du XX e  siècle, nous savons qu’un tel projet n’était pas habité d’un rêve de libération mais de volonté de puissance. Nul ne voit comment contrôler le pouvoir des savants, futurs maîtres de la planète, auprès desquels les tyrans des régimes totalitaires feront figure d’artisans besogneux. Le pouvoir que leur confère leur savoir les conduira de façon irrésistible à profaner le saint des saints de l’identité humaine, à assécher la source absolue de la liberté qui en est l’attribut majeur.
Le secret de l’origine est en effet le gage de la liberté de l’homme dont l’essence même est d’être né. Même le géniteur ne peut maîtriser la nature de la vie dont il est l’acteur. Malgré la naissance que nous vivons passivement nous conservons, effectivement, grâce à ce secret, la capacité de nous déterminer, de vouloir, de nous opposer éventuellement à la condition dans laquelle nous sommes nés sans l’avoir choisie. En sera-t-il toujours de même dans un monde où l’on pourra programmer et manipuler l’origine des individus ?
La gratuité disparaîtrait d’un tel monde. C’est en effet à elle que renvoie l’inconnu et l’aléatoire de notre identité, que nous recevons comme un don. Toute l’ambivalence de notre condition, passive et active à la fois, s’y retrouve condensée. Recevoir un don vous oblige envers le donateur. C’est une privation de liberté et l’on comprend avec quelle force l’homme moderne, en quête d’une souveraineté absolue, a toujours tenté d’évacuer cette donnée irré ductible de toute existence. Mais le don peut être rendu et nous libérer de notre dette, de toute dette de l’origine. Que se passera-t-il si, à l’origine, il n’y a plus de don mais un exercice programmé du pouvoir ?

Le grand magma
L’identité humaine est ébranlée parce qu’elle a perdu les limites qui lui donnaient sa contenance. La déstabilisation des cadres pratiques de l’identité individuelle dans les sociétés contemporaines sont les signes avant-coureurs les plus sûrs de la massification qui en découle inévitablement : du grand magma à venir.
N’est-ce pas ce qui est en jeu dans la « mondialisation » dont on nous annonce l’avènement ? Le monde unifié et unique, le « village global » qui se met en place à travers les circuits de l’information et de l’économie, semble ne nous promettre d’unité humaine que dans la destruction. Les besoins du marché (et de ses seigneurs) vouent au désert des régions entières, des groupes humains, des professions, de façon inodore, presque surréaliste, pulvérisant leurs identités et l’équilibre de leur rapport au monde. Une société est exploitée pour mieux abaisser l’autre, mais c’est à l’autre bout du monde que se tiennent les responsables, par ailleurs totalement inconscients ! La tyrannie est si loin de ceux qui la subissent, si abstraite, qu’elle ne peut même plus être combattue. Pire ! elle se travestit sous les habits de la réalité objective et de la « loi du marché »… Dans cette arène chaotique, les États font entendre de sinistres craquements. De toutes parts, au Nord comme au Sud, les individus et les groupes humains ne se satisfont plus des cadres nationaux de leur identité collective. Le pluralisme avancé des sociétés démocratiques rend caduque la forme d’État-nation héritée du XIX e  siècle : groupes, régions, sexualités se rebellent contre le modèle unique de l’identité ou tout simplement s’en désintéressent. Les États impériaux, comme l’Union soviétique, succombent face à la renaissance des nations soumises depuis longtemps. Demain la Chine ? Les États-Unis ? L’Inde ? Les peuples sont pris dans un grand maelström qui les pulvérise. Aucune société n’est plus sûre de son identité ni de sa capacité à transmettre ce qu’elle est.
Cette évolution n’est pas uniquement imputable à la mondialisation. Elle pourrait bien provenir également des développements inhérents à l’éthique démocratique qui oppose de plus en plus le primat de l’individu et du désir à la légitimité de l’identité, qu’elle soit collective ou individuelle. Les identités sexuelles classiques ont de moins en moins de réalité au regard des théoriciens progressistes du droit ; l’identité nationale n’a plus de consistance au regard des revendications sectorielles ou de l’ouverture cosmopolitique. Le fait d’appartenir à une identité nationale ou collective et de souhaiter la transmettre est, bien au contraire, vu comme le signe même de la régression et du fascisme dans le regard des avocats des droits de l’homme. Les courants migratoires qui s’amplifient, du Sud vers le Nord, accentuent le mélange des peuples et la complexité de leur identification.
Vivrait-on la fin des peuples ? Va-t-on vers l’extinction des langues nationales du fait de l’usage obligatoire du sabir anglophone dans le réseau mondial de la communication ? Vers l’effacement des cultures singulières devant les standards de consommation internationaux ? L’humanité, qui jusqu’ici a été composée de peuples et n’a pu être vécue qu’à travers des peuples, est malade, comme un bateau ivre à la dérive…
Le désordre qui découle de cette tourmente plonge les peuples dans un chaos, potentiellement générateur de guerre et de violence. Cette maladie de l’humanité historique, celle des peuples, porte bien sûr en elle le souvenir de la Shoa, de l’ère des génocides, de l’éradication complète de peuples entiers par des États devenus fous mais disposant des moyens de destruction massifs et des ressources de la raison moderne. Nous sortons d’un siècle abominable, hanté par les charniers et les champs de décombres au travers desquels il a progressé. Le visage humain, l’idée d’humanité y ont subi un assaut qui fut peut-être fatal. Comment, en effet, continuer à croire en l’idée de l’homme au regard de ce paysage désolé ? L’humanité a été non seulement avilie, dans le sort des victimes, mais elle a montré la bestialité perverse et monstrueuse dont elle était capable, du côté des bourreaux. Sur un air de Mozart et dans la langue de Goethe, on le sait, mais aussi dans toutes les autres langues et sous les ors d

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