Le Comportement de douleur
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Description

Ce que nous appelons couramment douleur représente en réalité seulement l’aspect sensoriel et émotif d’un robuste système comportemental de défense, commun à tous les êtres vivants, appelé nociception, qui leur permet de faire face aux agents externes ou internes capables de les blesser. Des terminaisons libres détectent dans divers tissus les stimuli susceptibles d’endommager l’organisme et déclenchent les réponses adaptatives (évitement, retrait, fuite, lutte) à même de mettre fin aux agressions et même de les prévenir. On comprend de mieux en mieux les mécanismes physiologiques d’intégration à l’origine de ces compétences comportementales. On sait, par exemple, que tout au long du trajet nerveux qui conduit les informations nociceptives de la périphérie au centre sont localisées des structures capables de bloquer partiellement la transmission des messages et de réduire ainsi l’intensité des sensations douloureuses : c’est ce qu’on appelle le système de contrôle interne. Mais les êtres humains ont su mettre au point de nombreuses méthodes de contrôle externe de la douleur. Pendant longtemps, ils ont utilisé les propriétés analgésiques de certaines plantes dont la plus célèbre est le pavot, Papaver somniferum, qui contient l’opium. Mais nous avons aujourd’hui à notre disposition, à côté des traitements pharmacologiques, un riche éventail d’autres techniques, comme l’électrothérapie, la relaxation ou encore l’hypnose qui nous aident à mieux supporter nos douleurs et à réduire nos souffrances.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2006
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748372854
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0071€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Comportement de douleur
René Misslin
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


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14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
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Le Comportement de douleur
 
 
 
 
La photo de couverture  : Un macaque de Tonkean passe un de ses doigts sur une blessure au cou (la photo est extraite de la collection personnelle du Dr Bernard Thierry, primatologue à l'Université Louis Pasteur de Strasbourg).
 
 
 
En hommage à tous ceux qui contribuent à soulager nos douleurs
 
 
 
Introduction
 
 
 
La nature a eu un triple but dans la distribution des nerfs : elle a voulu donner la sensibilité aux organes de perception, le mouvement aux organes de locomotion, à tous les autres la faculté de reconnaître les lésions qu’ils éprouvent .
 
Galien
 
 
Bien que la douleur soit une expérience à laquelle tous les êtres humains sont exposés tout au long de leur existence, il faut attendre le XIXème siècle pour que nous commencions à comprendre de façon décisive les mécanismes neurobiologiques impliqués dans sa genèse. Certes, l’usage du pavot à opium dans le but de calmer les douleurs est attesté depuis la haute Antiquité en Mésopotamie comme en Egypte. Aussi n’est-il pas étonnant que c’est généralement à l’opium que l’on pense quand Homère raconte au chant IV de l’Odyssée que la belle Hélène verse dans le vin de ses hôtes une drogue ( pharmakon ) qu’une Egyptienne lui a procurée. Le poète décrit les effets de cette drogue en un vers étonnant de précision et de concision : cette drogue, calmant la douleur, la colère, dissolvait tous les maux . Au premier siècle de notre ère, le médecin grec, Dioscoride, chirurgien de l’armée de Néron, fonction qui lui permit de beaucoup voyager à travers l’Italie, la Gaule, l’Espagne et l’Afrique du Nord, a compilé dans son ouvrage Matière médicale ( De Materia Medica ) les connaissances botaniques acquises par ses lectures et sans doute aussi au cours de ses voyages, car il fournit une liste de près de 900 substances, notamment des extraits de plantes, susceptibles d’entrer dans la composition de remèdes. Parmi elles figurent les plantes traditionnelles qui calment les douleurs : pavot, coquelicot, laitue, belladone, jusquiame et morelle 1 . Son livre fera autorité dans tout le monde gréco-romain, puis durant le Moyen-Age, jusqu’à la Renaissance. L’étonnante longévité du succès de cet ouvrage révèle cependant la lenteur des progrès accomplis par la médecine durant ces interminables siècles. Ce n’est qu’en 1806 qu’un pharmacien d’Eimbeck (royaume de Hanovre), Sertürner, isola le principe actif de l’opium et l’appela morphium , ou morphine  ; mais il faudra attendre encore presque deux siècles pour que des équipes américaines de recherche découvrent, dans les années 1970, que l’action analgésique de la morphine est due au fait que la substance se lie à des récepteurs spécifiques du système nerveux central.
 
Une autre difficulté de taille attend celui qui désire se familiariser avec les études sur la douleur, car il n’existe à vrai dire pas de définition qui fasse l’unanimité. Alors même que chacun de nous en a une connaissance instinctive, pourrait-on dire, dès lors qu’il s’agit de lui trouver une expression langagière, des difficultés insurmontables semblent se présenter. On peut songer ici à ce que Saint-Augustin écrivait à propos du temps : nous savons ce qu’il en est aussi longtemps qu’on ne nous demande pas de le définir, mais si l’on nous demande d’en fournir une définition, nous ne savons plus quoi dire. Le mode d’existence sensori-moteur et affectif de la douleur paraît incommensurable avec le mode d’expression logique (du grec logos , parole, discours) et discursif. L’étreinte perçue du monde est rebelle à la verbalisation… La pensée verbale décolle, elle se trouve comme en état de lévitation au-dessus de ce que le vécu éprouve de façon immédiatement certaine 2 . Virginia Woolf note aussi, avec sa perspicacité habituelle, cette espèce de fossé infranchissable qui existe entre le vécu de la douleur et son expression langagière : Lorsqu’elle tombe amoureuse, n’importe quelle écolière peut faire appel à Shakespeare ou à Keats pour s’exprimer ; mais qu’une personne souffrante tente de décrire un mal de tête à son médecin et le langage lui fait aussitôt défaut 3 . Dans le cas de la douleur, on se heurte, comme on va le voir, à une difficulté supplémentaire qui hante depuis des siècles la pensée occidentale, à savoir la question de l’âme des bêtes . La définition officielle de la douleur, selon l’ International Association for the Study of Pain ( IASP ) est la suivante : Expérience désagréable émotionnelle et sensorielle associée à un dommage tissulaire présent ou potentiel ou décrite par le patient en de tels termes . D’emblée de jeu, on s’aperçoit qu’une pareille définition ne peut s’appliquer qu’à des êtres humains, capables d’inscrire la douleur dans le registre langagier et donc de la coder symboliquement. Mais qu’en est-il des individus qui n’ont pas accès au langage comme les jeunes enfants ou certaines personnes présentant des déficits intellectuels ? Pour ce qui est des nouveau-nés, par exemple, on peut noter que la circoncision, qui est l’opération la plus fréquente aux Etats-Unis puisqu’elle concerne 1,2 million d’enfants, se fait encore aujourd’hui, dans la majorité des cas, sans moyen antalgique ou anesthésique. Or, en Europe, la même opération, pratiquée plus tardivement il est vrai, est considérée comme aussi douloureuse que l’ablation des amygdales. Quant à la question fort embarrassante de l’expérience douloureuse chez les animaux, elle est tout simplement passée sous silence ! Aussi trouve-t-on dans la revue Pain éditée par l’IASP une nouvelle définition de la douleur proposée par Anand et Craig en 2000 : La perception de la douleur (associée ou non à un dommage tissulaire) est une qualité inhérente à la vie, présente chez tous les organismes vivants viables… Les altérations comportementales dues à la douleur représentent des équivalents précoces d’expression verbale, ils ne doivent pas être sous-estimés 4 . Comme on peut le constater, on est passé d’un point de vue restrictif, parce qu’anthropomorphe, à une définition ouverte à la totalité des êtres vivants. Cependant, il ne s’agit pas seulement d’un élargissement du champ d’application de la première définition. En effet, en faisant de la perception de la douleur une aptitude générale de la vie, il va de soi que les critères d’usage langagier du concept de douleur s’avèrent insuffisants : ce ne sont plus seulement les signes conventionnels de notre grammaire des émotions auxquels on se réfère, mais aussi et surtout les manifestations comportementales qui signalent qu’un organisme est sous le coup d’une épreuve douloureuse. Tandis que dans la première définition, ce sont les aspects conscients et, comme nous le disons volontiers aujourd’hui, psychologiques , mentaux ou cognitifs de la douleur qui occupent le devant de la scène expressive, la seconde définition met l’accent sur les manifestations organiques, communes à tous les êtres vivants : il s’agit incontestablement d’une conception pour ainsi dire vitaliste . Ce changement de perspective est loin d’être anodin comme nous allons tenter de le montrer à présent.
 
Il existe, en effet, au sein de notre culture moderne, un dualisme très prégnant qui distingue, pour ne pas dire oppose, deux mondes, celui de la nature d’une part et de l’autre la multitude des cultures humaines fondées chacune sur des particularités idiosyncratiques comme la langue, les rites, les mythes, les croyances, la religion, les coutumes, les techniques, les traditions, bref ce que Wittgenstein a appelé les formes de vie . De ce point de vue, l’Homme est pour ainsi dire séparé de la nature qu’il exploite, domine et asservit. Descartes a exprimé cela de la façon la plus nette dans la dernière partie de son Discours de la méthode quand il assigne aux sciences le rôle de nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature . Ce programme de domination de la nature par l’Homme est tout à fait cohérent avec l’autre aspect du dualisme cartésien, celui de l’âme et du corps. Il ne s’agit pas seulement, pour Descartes, de distinguer chez l’être humain différentes compétences fonctionnelles, comme l’avait fait, par exemple, Aristote. Pour Descartes, l’Homme, à l’exclusion des autres êtres vivants, est constitué de deux substances complètement étrangères l’une à l’autre, la substance corporelle, matérielle, étendue et mortelle et la substance psychique, immatérielle, sans étendue et immortelle. On pense irrésistiblement au dualisme radical que Platon expose dans le Phédon et que contestait Aristote le vitaliste. Dans l’optique cartésienne, les animaux deviennent des systèmes physiques et mécaniques dépourvus de sensibilité et donc étrangers à la douleur. L’âme cartésienne est une entité intellectuelle et cognitive, dont le rôle est de nous permettre d’imposer à notre nature corporelle, grâce à la volonté consciente et spirituelle, la maîtrise de tout ce qui pourrait nous rapprocher des bêtes (appétits, affects, passions) : de même qu’en décryptant les lois de la nature nous pouvons la dominer et échapper à son emprise, de la même façon nous pouvons échapper à la servitude de nos passions corporelles en exerçant les facultés de notre âme. Bien entendu, Descartes avait conscience des énormes difficultés conceptuelles que soulevait pareil dualisme. Il exprime, par exemple, dans ses Méditations métaphysiques ( sixième partie ) la perplexité que lui inspire

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