La Querelle religieuse
229 pages
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La Querelle religieuse , livre ebook

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Description

Si l’on veut garantir pleinement la liberté religieuse, il faut permettre aux croyants des différentes religions de pratiquer leur culte. Dans la société pluriculturelle qui est aujourd’hui la nôtre, où se mêlent dorénavant les traditions religieuses, le libre exercice des cultes se heurte à de nombreuses difficultés. Désormais, la République française ne peut ignorer le fait religieux. Ce livre retrace l’histoire des relations entre les Églises et l’État depuis le début de notre ère jusqu’à aujourd’hui. Il contribue ainsi à éclairer le débat actuel et fait le point sur les problèmes posés par la montée des intégrismes, notamment du phénomène sectaire. Daniel Amson est avocat au barreau de Paris et professeur à l’université de Lille.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 octobre 2004
Nombre de lectures 0
EAN13 9782738183903
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB, S EPTEMBRE  2004
15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
EAN : 978-2-7381-8390-3
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo
À Martine et Yves Sicard, dont la bienveillance et la fidélité nous aident à dissiper les ombres.
Laïcité et religion en France

La liberté de conscience est un aspect particulier de la liberté d’opinion. Elle y est incluse, en même temps qu’elle la dépasse.
Elle s’intègre, d’abord, dans le cadre, plus large, de la liberté d’opinion, puisqu’elle consiste, pour l’individu, à être libre d’adhérer, ou de ne pas adhérer, à une vérité révélée et, dans le premier cas, de choisir celle-ci sans pression ou entrave de quiconque. La liberté de conscience est bien, à cet égard, un prolongement naturel de la liberté d’opinion.
Mais la religion ne s’épuise pas toujours dans la simple croyance. Le plus souvent, en effet, l’adhésion de l’esprit à une vérité révélée donne naissance à une pratique, qui est l’un de ses éléments fondamentaux (peut-on observer la religion catholique sans avoir la possibilité d’aller à l’église ; la religion israélite sans avoir celle de respecter le « repos du septième jour », le sabbat ; la religion musulmane sans être en mesure d’effectuer les cinq prières quotidiennes qui forment l’essentiel de sa liturgie ?). Si l’on veut garantir pleinement la liberté religieuse, il faut, dès lors, permettre aux croyants des différentes confessions de pratiquer leur culte.
Or, si l’État garantit le libre exercice des cultes, il risque de se trouver confronté à des problèmes difficiles, sinon même insolubles. Comment assurer le fonctionnement satisfaisant des services publics – par exemple, celui de l’Éducation nationale – si, pour des raisons religieuses, une partie des élèves ne travaillent pas le vendredi, une autre le samedi et une troisième le dimanche ? Comment assurer le fonctionnement satisfaisant d’une cantine publique si, pour les mêmes raisons, les personnes qui y prennent leurs repas observent des prescriptions alimentaires différentes ?
Quel que soit son degré de libéralisme, un État, sauf s’il est réservé aux adeptes d’une seule religion 1 , ne peut, dès lors, garantir pleinement la liberté de pratique religieuse des citoyens.
Une conciliation est, par suite, nécessaire entre les impératifs de l’État – notamment, les principes de continuité du service public et de respect de l’égalité des citoyens – et les exigences des fidèles des diverses religions qui cohabitent sur son territoire. En réalité, une adaptation s’impose, en permanence, entre l’ordre public et la liberté de conscience.
Cette adaptation est d’autant plus difficile que les structures religieuses ne sont pas des organismes passifs. Toute Église cherche, dans le cadre de sa mission, à exercer une influence sur ses fidèles et, bien souvent, à accroître leur nombre. Par là même, elle entre en concurrence avec l’État, allant jusqu’à chercher à le dominer pour imposer sa règle, attitude qui conduit au cléricalisme . De là les rapports nécessairement complexes qui existent entre la religion et l’État dans une démocratie. En dehors même des contraintes liées aux exigences du service public, évoquées plus haut, l’État peut être tenté de dominer les Églises, pour qu’elles servent sa politique ou, plus simplement, de les ignorer, s’il voit en elles un ferment d’hostilité à ses principes (ce fut, longtemps, l’attitude de la République française).
Le refus par l’État de toute sujétion envers les Églises est l’expression de la laïcité . Mais cette position, intellectuellement confortable, ne saurait épuiser le débat. Si, en effet, l’État libéral ignore le fait religieux, il ne garantit pas aux citoyens le libre exercice du culte, qui est une composante de la démocratie. Pour assurer la liberté de conscience – mission essentielle de l’État libéral – les pouvoirs publics doivent sanctionner sa violation. Or, ils ne peuvent le faire sans intervenir dans un domaine qui, pour les tenants de la laïcité, échappe à leur compétence. Même laïque, la démocratie ne saurait, par suite, ignorer le fait religieux, et le débat qui a conduit à l’adoption de la loi du 15 mars 2004 sur « le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics », en a donné un nouveau et vibrant témoignage.
L’impossibilité d’adopter, en la matière, une solution radicale ; la charge affective qui s’attache aux mots ; le poids d’un passé riche en événements douloureux, toutes ces considérations ont rendu le problème de la laïcité en France particulièrement délicat.
Notre pays réagit, en effet, avec vigueur aux querelles religieuses, alors qu’il a montré, en diverses occasions, l’exemple du respect des identités. L’édit de Nantes de 1598 et la nomination de Sully, adepte de la religion réformée, comme Premier ministre, furent des actes de tolérance uniques en Europe. De même, l’émancipation des juifs à l’époque de la Révolution (avant 1789 pour ceux du Sud-Ouest, puisque David Gradis ne manqua son élection aux états généraux que de quelques voix) ouvrit un chemin sur lequel devaient, peu à peu, s’engager les pays libéraux. Le rôle majeur confié à Guizot sous la monarchie de Juillet et l’importance de celui de Crémieux après les proclamations de la République en 1848 et 1870 témoignèrent de la même ouverture (en Grande-Bretagne, Disraeli devint Premier ministre en 1868, mais un demi-siècle plus tôt son père avait demandé qu’on le rayât de la liste des fidèles du consistoire de Londres, alors que Crémieux fut élu président de celui de Paris en 1843).
Toutefois, il y eut moins d’un siècle entre l’édit de Nantes et sa révocation ; quelques années à peine entre la proclamation de la liberté de conscience de 1791 et l’interdiction de l’étude du Talmud en 1794 ; quelques mois seulement entre le départ de Léon Blum de la présidence du Conseil (10 avril 1938) et le premier statut des juifs du gouvernement de Vichy (3 octobre 1940). Comment ne pas observer, dès lors, que, dans le pays des droits de l’homme, le chemin de l’égalité religieuse ne fut jamais rectiligne ? D’une certaine manière, pour résumer les choses, il serait possible de dire que la France a souvent donné un exemple que les Français n’ont pas suivi…
L’équilibre des différences, objectif naturel des démocraties, est, par suite, perpétuellement instable sur le territoire de la République et le sentiment de sa précarité entraîne une méfiance, souvent injustifiée, à l’égard du pouvoir. Pour donner aux citoyens le sentiment qu’ils peuvent vivre leurs croyances en toute sécurité, les gouvernants doivent marcher « au millimètre », assurer la liberté de conscience que garantit la loi de 1905, tout en évitant que les excès des uns au regard de l’ordre public ne constituent une menace pour la tranquillité des autres.
Recherche délicate, qui impose de constants efforts d’adaptation, alors que les réactions passionnelles des intéressés conduisent à une tension des esprits permanente. La France est libérale, mais ses citoyens sont méfiants dans un domaine qui suppose la quiétude de l’âme. Néanmoins – sous réserve que des maladresses politiques ne ravivent pas les passions –, les succès de l’intégration républicaine, la remise en cause de l’antisémitisme chrétien et l’affaiblissement des pratiques cultuelles devraient permettre au pays des droits de l’homme d’assurer, dans le respect des symboles de son histoire, une cohabitation harmonieuse entre les divers cultes que professent ses citoyens.

1 - Dans cette hypothèse même, le conflit reste latent entre la religion et l’État. Comment assurer, en effet, la continuité des services publics – en particulier de celui de la Défense nationale – si les citoyens qui doivent assurer son fonctionnement ne travaillent pas tel ou tel jour ?
Première partie
Le « roi très chrétien » n’accepte qu’avec réticence l’autorité du Saint-Siège
Chapitre premier
Catholicisme, répudiation et interdit

Jésus, le premier, avait fondé une Église distincte de l’État et posé le principe de la séparation des domaines spirituel et temporel. En témoigne l’évangile selon Matthieu, dans lequel il est écrit que les Pharisiens envoyèrent leurs disciples à Jésus, « accompagnés des Hérodiens, pour lui dire : “Maître, nous savons que tu es franc et que tu enseignes la voie de Dieu avec franchise […], car tu ne regardes pas au rang des personnes […]. Est-il permis ou non de payer l’impôt à César ?” Mais Jésus, connaissant leur perversité, riposta : “Hypocrites ! Pourquoi me tendez-vous un piège ? Faites-moi voir l’argent de l’impôt […]. De qui est l’effigie que voici ?
— De César”, répondent-ils.
Alors il leur dit : “Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.”
À ces mots ils furent tout surpris et, le laissant, ils s’en allèrent I  ».
Cette parabole célèbre pose bien, d’une certaine manière, le problème de la laïcité. Jésus énonce, en effet, que, puisque les Hérodiens acceptent pratiquement l’autorité et les bienfaits du pouvoir romain, dont la monnaie est le symbole, ils peuvent, et sont même tenus, de lui rendre l’hommage de leur obéissance et de leurs biens. Et ce, sans préjudice de ce qu’ils doivent, par ailleurs, à l’autorité supérieure de Dieu.
Mais César refusa de reconnaître son incompétence en matière spirituel

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