La Paysanne du Danube
356 pages
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La Paysanne du Danube , livre ebook

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Description

Roumanie, 1895. Le village de Bozovici est terrassé par une violente tempête, noyant cette petite bourgade de l’est des Carpates sous un flot de boue diluvien. C’est au sein de cette atmosphère apocalyptique que vient au monde Ana-Maria, considérée par les villageois comme « l’enfant du malheur », ces derniers lui présageant une destinée aussi houleuse que le jour qui la vit naître. Le lecteur accompagnera donc cette fillette fragile au cœur des multiples cahots qui jalonneront son existence, jusqu’à ce qu’adulte, elle se trouve confrontée à la vision de la Grande guerre, conflit qui bouleversera à jamais les destinées.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2009
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748374186
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0105€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Paysanne du Danube
Félicia Truffier
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


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14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
La Paysanne du Danube
 
 
 
A Viviane Schaller
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Bozovici, là où tout a commencé. Notre maison à Bozovici.
Photographie de Jean-Marc Steinmetz
 
 
 
Là où tout a commencé
 
 
 
Le blizzard en provenance des Carpates faisait tournoyer la neige dans les rues désertes de notre village, Bozovici.
Appelé ainsi d’après le nom d’une plante qui pousse en abondance dans les environs, « boz » ou petit sureau ou encore yèbles ou hièble, à moins que son nom ne vienne de celui de son premier propriétaire, un certain Lazare de Bozovici ou Lazare Almajanul, ancien fondé de pouvoir du célèbre roi de la Renaissance, Mathieu Corvin, notre village, situé dans le Banat, au-dessus de la confluence des deux rivières la Nera et le Miniş, jouissait en général d’un climat très doux.
Mais cette année-là, tout comme d’ailleurs les autres qui vont suivre, faisait exception à la règle.
Apeurés et frigorifiés, nous étions tous blottis autour de l’énorme poêle en faïence blanche dont la lueur tremblotante éclairait la pièce, en dessinant sur les murs d’étranges ombres terrifiantes.
Malgré la douce chaleur qui nous envahissait dans cette vaste pièce de notre solide maison plus que centenaire, nous les enfants, Lyvia, ma sœur aînée de six ans, une fille nerveuse et très sensible, mon cousin Ouriel, le plus peureux de nous tous, sa sœur Valeria et moi, nous claquions des dents, car nos esprits d’enfants à imagination féconde nourrie par la pléthore de croyances populaires, étaient en permanence habités par toutes sortes d’êtres maléfiques qui nous paraissaient encore plus menaçants lorsque le vent qui hurlait dans les cheminées faisait grincer les platanes de la rue enneigée.
En ces moments de réelle angoisse, nos instincts et nos sensations étaient tellement aiguisés qu’il nous arrivait même d’entendre le subtil crépitement des flocons de neige se coller aux vitres gelées de notre maisonnée.
Il faut dire qu’à l’époque, dans nos campagnes, tout nous paraissait extrêmement effroyable et démesuré, car, d’après une croyance populaire très ancrée dans nos esprits, chaque élément de la nature était l’expression d’un génie qui pouvait être bon ou méchant, selon qu’il nous apportait du réconfort ou, au contraire, de la peur.
Et le mauvais temps était toujours l’œuvre du mauvais génie, tout comme le beau temps était engendré par le bon.
D’ailleurs, même de nos jours, on continue à utiliser en roumain l’expression « un soleil avec des dents », pour décrire les jours de grand froid ensoleillés.
On peut ainsi aisément imaginer une énorme tête ronde avec des dents pointues lançant méchamment vers la terre d’effroyables pics de glace.
À la vue de nos pauvres mines effrayées par tout cet acharnement du mauvais génie, ma mère se mettait au piano, et jouait quelques airs gais et entraînants, pour tenter de nous distraire et nous décrisper.
Mais, la seule personne qui arrivait réellement à nous faire oublier le terrifiant hurlement du vent, était mon père.
Afin de couvrir les terribles bruits venant de l’extérieur, il s’efforçait de lire à haute voix un livre passionnant ou, mieux encore, il nous racontait des histoires tellement effrayantes, à faire dresser les cheveux sur nos têtes d’enfants innocents, des histoires de voleurs de grand chemin qui égorgeaient les voyageurs pour les détrousser.
Et, lorsqu’il nous racontait, avec luxe de détails, les nombreuses atrocités commises par les Turcs sur les villageois, qu’ils appelaient avec mépris des « chiens », il n’y a pas si longtemps d’ailleurs, sous la domination ottomane, aux temps où nous dépendions tous de « la Porte », nos petits cœurs se serraient littéralement de peur.
C’est mon père qui nous avait appris pour la première fois, la manière horrible employée par les Ottomans pour punir tous ceux qui refusaient de se convertir à l’Islam ou qui se mettaient en travers de leur chemin, les faisant empaler ou écarteler.
Comme mon père possédait un vrai don de narrateur, sa façon de nous raconter chaque histoire, avec beaucoup de ferveur et de réalisme, nous marqua à tout jamais.
À commencer par l’histoire de ma venue au monde, qu’il ne manquait pas, à chaque fois, de qualifier de « tragique », et qui, pour lui, laissait forcément présager, en ce qui me concerne, une existence plus que mouvementée, et des malheurs en série.
Aujourd’hui, avec beaucoup de recul, je crois bien qu’il était même encore très en dessous de la vérité.
 
 
 
 
L’enfant de malheur
 
 
 
On était en juin 1895. Cette année-là, la sécheresse s’annonçait très tôt. Il n’était pas tombé la moindre goutte de pluie depuis le début du printemps.
Déjà, au début du mois de mai, la terre avait commencé à s’endurcir et était devenue dure comme du silex. Celle-ci s’était même mise à craqueler par endroits, en formant d’inquiétantes crevasses, parfois très profondes.
Les puits du village étaient tous sur le point de se tarir, et la rivière, qui servait entre autres, à abreuver le bétail, était complètement à sec.
Accablés par le sort qui s’abattait sur eux avec autant d’acharnement, et de plus en plus tristes à l’idée de traverser une nouvelle période de disette, les paysans, auraient volontairement donné toute une année de leur misérable vie pour éviter la sécheresse qui les menaçait tous.
Pour tenter de conjurer le sort, ils allumaient des cierges à l’église du village, devant les icônes des saints censés les protéger, dans l’espoir que quelqu’un là-haut les écouterait et aurait pitié d’eux.
Au milieu de toute cette détresse générale, le père Ghica tentait d’apporter un peu d’espoir à ses paroissiens, en consacrant des messes à saint Eloi, le patron du village.
Aussi, tous les dimanches, depuis le début de la sécheresse, juste après la grande messe, précédé de six enfants de cœur portant deux bannières à bout de bras, et suivi de ses fidèles, le père Ghica sortait avec un grand cierge allumé à la main par le grand portail de l’église, celui réservé aux hommes.
Sous le terrible soleil de plomb, il faisait trois fois le tour de l’église en piétinant sur son passage les ronces et les orties qui poussaient un peu partout, tout en prononçant de ferventes prières pour implorer Dieu de venir en aide aux malheureux villageois, afin de les délivrer tous du mal et d’un cruel destin.
Pour finir, il s’arrêtait devant le petit portail de l’église, celui réservé aux femmes, et disait une dernière prière, tandis que la foule se dispersait en silence, en scrutant d’un œil inquiet l’horizon, en direction des montagnes, dans l’espoir d’apercevoir le moindre signe annonciateur de pluie.
En vain. Le soleil continuait à déverser cruellement sur leurs têtes, d’impitoyables flots de chaleur.
Mais, juste au moment où les villageois commençaient à se résigner, le Ciel entendit enfin leurs prières, peut-être même un peu trop.
C’était le quatorze juin, un vendredi à midi. Tout à coup, la pluie commença à tomber avec une violence inouïe, une pluie torrentielle tellement forte qu’elle fit déborder le lit de la Nera, la rivière qui traversait notre commune.
Il s’agissait d’un cours d’eau relativement mince qui divisait la région en deux parties bien distinctes, le haut, avec ses collines verdoyantes, et le bas, où vivaient les villageois dans leurs maisons en terre battue rassemblées en cercle autour de l’église.
L’arrivée de la pluie avait été accueillie par tous comme une délivrance. Mais la joie des villageois fut de très courte durée, car le petit filet de boue qui s’était formé au début, se transforma rapidement en un torrent si énorme et tellement puissant, qu’il parvint en moins de dix minutes, à emporter presque tout sur son chemin, maisons, arbres et animaux.
 
De furieuses rafales de vent, accompagnées d’inquiétants éclairs, se rajoutaient à la chaude pluie très dense qui s’abattait avec force sur notre village.
Des maisons avec leurs toits en chaume, des cadavres de moutons, de cochons et de volailles, flottaient un peu partout dans une atmosphère terrifiante d’apocalypse.
En un rien de temps, le torrent de boue réussit à dévaler la pente pour finir sa course folle dans un fracas sinistre, en bas, sur la place de l’église, au beau milieu du village.
L’instant d’après, celui-ci fut pratiquement englouti par la boue. Le tocsin de l’église se mit à sonner, un son effrayant, qui leur donnait à tous la chair de poule.
Persuadés que la fin du monde était arrivée, les villageois restèrent d’abord comme paralysés devant toute cette masse de boue qui s’abattait tout à coup sur eux.
Ensuite, les hommes commencèrent à jurer et les femmes à pousser des cris perçants.
De leur côté, les chiens, attachés dans les cours intérieures, hurlaient à la mort.
Dans cette panique générale, chacun se hâta de sauver, par ordre de priorité, en premier le bétail, et ensuite les enfants et les vieillards.
Sur les charrettes chargées à bloc, poussées par les femmes, s’entassaient pêle-mêle, des truies avec leurs petits cochons accrochés à leurs mamelles, des couvertures bariolées, des sacs de farine, des poules, des canards, des oies, des dindons, des oreillers brodés et, chose incroyable, quelqu’un avait même réussi à décrocher de son âtre un chaudron avec sa crémaillère.
Devant, les hommes menaient à coups de bâtons le troupeau de bétail qui, affolé par tant d’agitation, avait du mal à avancer dans la bonne direction.
Personne n’avait le courage de regarder d

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