La Naissance du sport en Chine
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Description

2008. La Chine accueille les Jeux Olympiques d’Eté, occasion de célébrer internationalement les valeurs sportives de compétition, de dépassement de soi, de fair-play. Un siècle plus tôt, il eût été inconcevable pour l’Etat mandarinal et la culture du corps qu’il dispensait d’organiser un tel événement. Dans une société rigidement structurée, codifiée, où la régulation du et des corps entrait en correspondance avec le céleste et le collectif, l’importation même des pratiques sportives européennes, assimilées au barbare et au chaotique, sous l’égide des missionnaires anglo-saxons, ne se fit d’ailleurs pas sans mal, ni sans résistance. L’histoire et le développement de cette pénétration, les mutations de la gymnique chinoise sous l’influence de divers acteurs et forces durant la première moitié du XXe siècle constituent ainsi le sujet du présent ouvrage. Un sujet abordé sous un angle socioculturel et symbolique afin d’en relever tous les enjeux... jusqu’aux politiques.

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Informations

Publié par
Date de parution 20 mars 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748380392
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Naissance du sport en Chine
Aurélien Boucher
Publibook

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La Naissance du sport en Chine
 
 
 
 
Introduction
 
 
 
Que la Chine soit aujourd’hui une grande nation sportive ne fait de doute pour personne. Les résultats de ses athlètes dans diverses disciplines depuis les années 1970, comme les Jeux Olympiques que ce pays a reçu pour charge d’organiser en 2008, en portent incontestablement témoignage. Toutefois, en Chine comme ailleurs, l’extension des pratiques sportives en tant que mode dominant et socialement valorisé d’exercice corporel ne s’est pas réalisée en un jour. Littéralement « importé » par une poignée d’individus marqués par les modèles éducatifs britanniques de la période victorienne ou par la culture entreprenariale nord-américaine, le sport moderne, au début du XX e siècle, s’est implanté en Chine en rencontrant de fortes résistances, sans commune mesure avec celles qui ont marqué, à la même période, le développement des activités sportives et de la compétition dans les différents pays européens. Ainsi, en 1914, dans un ouvrage intitulé L’Amérique à travers le regard d’un diplomate oriental , Wu Ting Fang, qui fut ambassadeur et ministre sous la dynastie Qing (1644-1911) puis sous la jeune république chinoise, pouvait-il écrire :
« Peut-être n’existe-t-il rien que font les Chinois qui ne diffère plus de ses amis occidentaux que le sport. Les Chinois ne comprendront jamais pourquoi on s’y rassemble par milliers juste pour voir un jeu. Nous ne sommes pas assez modernisés pour utiliser une demi-journée de notre temps à regarder les autres jouer. Je doute fort que le sport puisse un jour être réellement populaire aux yeux de mon peuple. Il est trop violent, et d’un point de vue oriental manque de dignité. » 1
Ce court extrait démontre que les promoteurs des sports se sont heurtés à une culture corporelle profondément contraire aux traits fondamentaux de l’activité sportive que sont la mise en compétition des corps, la limitation du recours à la violence et le fair-play. Le sport se trouve en fait confronté et mis en concurrence avec une culture corporelle indigène hétéroclite qui se réfère selon les régions, au taoïsme, au confucianisme et au bouddhisme. Dès lors s’engage une lutte sociale pour l’imposition de la manière légitime de gouverner les corps qui ne tourne pas immédiatement à l’avantage du mouvement sportif. Notre travail entend donc démontrer qu’un champ des pratiques corporelles est d’une part né de l’introduction de pratiques occidentales dans un ensemble de pratiques indigènes et, d’autre part, qu’il a occasionné une lutte pour la définition légitime du bon gouvernement des corps qui a abouti à la reconnaissance de pratiques indigènes homogénéisées et hybridées comme forme légitime de l’excellence corporelle.
En effet, si les promoteurs du modèle sportif n’ont pas réussi sur la période 1901-1949 à imposer leurs façons d’exercer les corps, celles-ci n’en ont pas moins eu des conséquences sur les manières indigènes de penser ceux-ci. L’organisation répétée dans des villes telles que Shanghai, Nanjing où la présence américaine et européenne était forte, d’événements sportifs tels que les Jeux d’Extrême-Orient, les jeux nationaux ou les meetings de provinciaux, a permis de faire progressivement accepter l’idée de la mise en compétition de la Chine sur la scène mondiale. L’activisme des agents du mouvement sportif, au premier rang desquels les membres de la Young Men’s Christian Association (YMCA), a également eu pour conséquence une hybridation des pratiques indigènes qui reposaient pour la plupart sur le perfectionnement individuel de l’être et sur la communion des individus avec le cosmos.
L’objet de ce travail consiste, dans un premier temps, à comprendre le développement du sport en Chine. Cela revient à démêler un ensemble complexe de luttes et de stratégies d’agents qui ne se limitent pas à une confrontation antinomique des cultures ou à une fusion des modes de pensée les corps. L’utilisation de la théorie des champs sociaux se présente ici comme une nécessité. Cette grille d’intelligibilité théorique permettra de rendre compte de l’état du rapport de forces entre les promoteurs des différentes méthodes éducatives et ainsi d’éclairer les stratégies de dénigrement, d’hybridation, d’encadrement.
Espace structuré et structurant 2 , le champ des pratiques corporelles nous permet également d’envisager les traits caractéristiques des agents comme des systèmes de dispositions qui rendent intelligible leur engagement dans la lutte. À travers les trajectoires idéales-typiques des agents sociaux, de leurs œuvres et de leurs écrits, ce sont des postures sociales qu’il faut étudier afin de rendre compte des traits d’union possibles et des points de friction entre les cultures corporelles. Cette investigation nous conduit à revisiter certaines classifications du sens commun, dont celles de « sports traditionnels », de « sport rouge » ou de sport « nationaliste », mobilisées dans les études de Fan Hong, A.D. Morris ou encore Dong-Jhy Hwang. Nous verrons que le positionnement des agents tient plus à leurs formations supérieures en Angleterre et aux États-Unis pour les promoteurs des sports, et au Japon ou en Allemagne pour les promoteurs des gymnastiques et des arts martiaux « sportifiés », qu’à la découverte spontanée d’une essence « moderne » de l’activité physique. Ces idéaux-types nous permettront par la suite de « rendre raison » aux agents 3 . En ce sens, il s’agira d’identifier et d’expliquer les stratégies élaborées par eux, en référence à la structure de l’espace des pratiques corporelles, mais aussi grâce à l’étude des représentations indigènes. L’étude des discours accompagnera donc une analyse des textes de loi et des programmes d’éducation corporelle, afin de déterminer en quels termes l’éducation physique fait débat. Enfin, notre étude montrera que la lutte pour la définition légitime du « bon gouvernement » des corps 4 va au-delà de la simple volonté de « moderniser » la Chine.
Elle implique donc à la fois des profits symboliques et économiques dans la mesure où les promoteurs des sports, ceux des pratiques dites « anciennes » et ceux des gymnastiques, essaient, à travers leur engagement, d’imposer leur culture, mais aussi d’investir l’État. La lutte pour l’imposition d’une méthode d’éducation des corps dépasse donc des limites de terrains.
Comme l’écrit Morris :
« Peut-être que ma plus importante avancée a été de découvrir à quel point l’éducation physique a été non seulement un élément utile à la création d’un État moderne et du citoyen, mais aussi un élément vital de cette transformation elle-même. » 5
À travers les valeurs de désintéressement, de compétition libre et non faussée, le mouvement sportif essaie par exemple d’inculquer l’esprit capitaliste. Les promoteurs des gymnastiques proches du Japon vont quant à eux défendre l’idée que la culture chinoise peut s’adapter au monde « moderne » en métissant ses pratiques.
En marge de son hypothèse centrale, l’analyse entend aussi montrer que le système centralisé et étatique d’encadrement des corps trouve son origine dans les modes indigènes de penser l’État et non dans une éventuelle essence « communiste » ou « nationaliste » du système des sports. En effet, l’influence de l’Union soviétique sur la structuration du sport en Chine est venue a posteriori d’une action proprement locale, d’agents sociaux plus influencés par une éducation confucéenne puis par une formation supérieure au Japon que par une supposée doctrine « communiste » du sport. La structuration du sport sur le mode du service public prend en fait racine dans le contexte de contestation de l’omniprésence des nations européennes, des États-Unis et du Japon sur le territoire et dans les affaires de la Chine. L’analyse des propos indigènes recueillis à partir de 1915, date des manifestations contre les vingt et une demandes du Japon, montre que le monopole d’État sur la manipulation des corps, érigé en 1929 avec la loi nationale sur la pratique physique ( Guomin tiyu Fa) , est rendu possible par un contexte de tensions exacerbées entre la Chine et les puissances étrangères.
Par ailleurs, l’examen des conditions d’émergence du sport rouge et l’étude de ses partisans montreront que l’activité physique, telle que l’entrevoient les communistes, ne diffère que très peu de celle défendue par les nationalistes au pouvoir. L’analyse des activités des patronages « communistes » prouve en effet que les activités proposées aux ouvriers puis aux paysans sont basées sur les mêmes méthodes d’éducation corporelle. Les communistes comme les nationalistes dispensent une culture construite autour des activités à connotation militaire, comme les gymnastiques et les arts martiaux hybridés et sportifiés. Cette analogie des méthodes d’éducation des corps entre communistes et nationalistes se prolonge également dans l’utilisation des sports comme moyen secondaire de la construction du citoyen/soldat. Notre travail entend donc infirmer les prénotions habituellement véhiculées sur le sport communiste que certains auteurs dénoncent comme autoritaire, centralisé et radicalement opposé au sport « démocratique » et « libérateur » des pays capitalistes. Cette fausse identité du sport communiste sera d’autant plus facile à déconstruire que la YMCA, principal agent de développement des sports en Chine inspire les communistes pour la formation et l’organisation des premiers patronages dans la p

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