La maison près de La Fontaine
126 pages
Français

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La maison près de La Fontaine , livre ebook

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Description

De nos jours, un couple de chômeurs mesquins, Thierry et Maryse, acquiert une demeure sur les côtes du Nord.
A la fin du XIVe siècle, Jan et Hubert, enfants flamands, débutent la création d’une gigantesque fresque dans la demeure où ils résident pour les vacances.
Aux Etats-Unis, dans le courant des années 1970, un jeune plagiaire de génie, Buston Keater, commence à substituer ses faux aux originaux des grands musées.
Par-delà les époques, quelles relations entretiennent tous ces personnages ? Quel lien secret les unit ? Avec ce roman, Philippe Démotier se plaît à entraîner son lecteur dans les dédales de l’histoire et à lui faire suivre la singulière histoire d’une œuvre d’art inconnue.
Mais si celle-ci n’était pas l’unique joyau méconnu de ce texte ?

Autour d’une immense toile perdue et à travers le temps, les destins et ambitions de personnages s’entrecroisent et se tissent. Philippe Démotier dit sa genèse, son oubli, sa réapparition et les convoitises, pas nécessairement esthétiques, dont elle est l’objet. Centre des attentions, elle voit graviter autour d’elle des êtres croqués avec tendresse ou ironie.
Animé par un esprit vif, ce roman n’en dénote pas moins une étonnante maîtrise, le narrateur se jouant effrontément de sa connivence avec le lecteur, afin de mieux le duper.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 septembre 2011
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748359916
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Bise attendrie à ma première lectrice, ma Mauricette.
Bises et mercis à mes incorruptibles et incorrigibles correcteurs, Bulles et Sin Bad Boy, de la Tir Na N’og Organization Trust.
Sans oublier la bise à mon Bouche-du-Rhônais G@rp, mon frère inconnu.

Et celle à mon épouse qui n’a pas du tout apprécié, non pas la bise, quoique, mais l’histoire.
J’aimerais dédicacer ce bouquin à l’auteur de ce livre, sans lequel j’aurais été bien dépourvu quand les bises furent venues.
À Jeannot
Première 1 ère époque

La plage est déserte et somnole nonchalamment sous ce matin de juillet. Le vol d’une mouette s’alourdit au cœur de la masse d’air déjà chaud. L’oiseau se rapproche dangereusement de la surface de la mer, dont les vaguelettes expirent d’un soupir frissonnant sur les pieds nus des lève-tôt. Des couteaux, vides de leurs mollusques, plantés dans le sol cotonneux et imbibé, se hérissent en autant de pièges anodins et faussement menaçants pour les petons humides. Dans quelques flaques résiduelles et salées, de petits crabes morts font la planche, vestiges du repas copieux d’étoiles de mer voraces. La marée descend, semblant céder la place aux cohortes qui ne tarderont pas à s’approprier le vaste espace sablonneux.
Maryse et Thierry sont bien. Ils savourent leur promenade aussi matinale qu’habituelle et solitaire. Quoi de plus beau que d’être seuls, à deux…
Aussi, à l’image de l’océan, libèrent-ils les lieux avant la ruée prochaine des estivants pâles et huilés, bientôt carbonisés ou vermillons, graillonnés de leurs hôtels, voitures et autres bus. Ce n’est pas que le couple n’aime pas les autres. Non  ! Il les hait  : ni plus, ni moins  ! Ces agglutinations de cons boursouflés, longilignes ou sculpturaux les insupportent. Ils dédaignent, ignorent, méprisent, évitent leur promiscuité collective, à grand renfort de risettes grimacées ou de nonchalance fabriquée. Deux faux jetons qui hypocritisent aussi bien que j’audiarde mal, mais gentiment, avec le sourire compatissant, comme tant d’autres autochtones qui se contiennent d’avouer sur le vif ce qu’ils pensent des envahisseurs estivaux et, plus généralement, de leurs prochains, pour mieux les critiquer, les éreinter, les désapprouver, les juger sévèrement, ensuite, entre eux, les locaux, les initiés, les zoiles[1]. De bien braves gens, en quelque sorte.
J’ai bien enfoncé le clou de leur mesquinerie de bazar, là, non  ? Il me semble aussi…
Un dernier regard commun du duo vers l’eau, le bras de l’un allongé sur l’épaule de l’autre, la main de l’une autour de la taille épaisse de l’autre, puis, les pas lents, synchronisés, ils abandonnent la place au populo, à regret.
Par définition, une fois envahie, la plage ne sera plus déserte et pleurera sous juillet. La faute à ces brêles  ! Aux suivants.
Le parcours du retour, comme celui de l’aller d’ailleurs, est quasi immuable  : l’identique éternel chemin pour rejoindre l’appartement.
À bientôt cinquante ans chacun, ils vivent encore dans une HLM et y résideront toujours. À demeure, si je puis dire. Non par choix, ni par goût, mais par nécessité qui fait l’oie, dans ces cages à poules, bien que ce qualificatif ne convienne pas à leur logement, relativement spacieux et bien conçu. S’il n’est pas coquet, c’est par manque de moyens et de goût. Maryse y maintient journellement une propreté irréprochable. On pourrait peut-être découvrir chez cette femme des faiblesses, des défauts, mais en aucun cas on ne pourrait lui reprocher un côté souillon. Elle met un point d’honneur à la bonne tenue de son intérieur, en cas de visite fortuite et pas désirée. On a beau être chômeur, on a sa fierté  !
Ce qui leur manque le plus  ? Deux choses. La première, un jardin pour se retrouver dehors, sans autre plafond que le ciel, sans autre ciel que les nuages, en étant chez soi quand même  ; la seconde, être débarrassés de la contiguïté des voisins, de leurs bruits de tous les jours, de leur présence dans l’ascenseur, de leur absence d’intérêt, de la continuelle fuite pour éviter d’être coincés dans un face-à-face redouté de tous.
Thierry et Maryse ne travaillent  pas  : lui, sur le sec depuis plus d’un an, est officiellement demandeur d’emploi mais espère glander le plus longtemps possible  ; elle, se débrouillant de quelques subsides toujours honnêtement mais chichement gagnés. Leur seul luxe  ? Un petit ras-de-cou que l’épouse tient de sa mère. Objet sacré, uniquement sorti dans les grandes occasions ou lors des intimes soirées de commémoration familiale. Bijou très original et d’une valeur estimée à quelques milliers d’euros. Mais qu’ils le possèdent ou pas, c’est la même chose. Il est convenu et accepté que, même dans des conditions extrêmes, et ils en ont connu quelques-unes, sa mise en vente est inenvisageable, quel que soit le besoin qui la motiverait. Aurait-on l’idée de monnayer son cœur  ? Au mieux le léguerait-on. Alors, pour ce qui est d’une petite maison, ils se contentent de celle que bâtissent leurs imaginations. Et, après bien des tractations, concessions, négociations, variations, revirements et âpres discussions  –  elle a été baptisée successivement des traditionnels «  Villa Mon désir  », «  Maison de nos rêves  », «  L’abri côtier  », avant sa variante moins usuelle, «  L’abri colle  » et le non moins rigolo mais subversif «  La brune aux masures  », en référence aux multiples placards de rangement qu’ils y agenceraient  –, ils se sont temporairement accordés  : elle s’appelle actuellement le «  Toit, émoi  ».
Elle est là, dans les limbes, et pourtant à portée de main, de mots, d’invention. Ils y seraient deux, heureux. Il y ferait beau, toujours, et il serait bon d’y attendre la mort, surtout les jours sans visite des petits-enfants ou autres enquiquineurs moins envahissants.
La compensation actuelle de leur manque de jardin, c’est donc la balade pédestre matinale. Quelquefois, comme pour repousser le moment de réintégrer la fournaise familiale, dans laquelle le courant d’air, s’il ne suffit pas à tuer la torpeur de l’atmosphère cuisante, enrhume facilement, ils s’autorisent un détour , une entorse aux habitudes, une aventure  : ils bifurquent vers des chemins de retour presque moins connus. Comme aujourd’hui où ils décident, quasiment à l’unanimité moins une voix, de s’embringuer vers le singulier, pour eux  : une déviation. Leur façon de s’inventer des risques, de l’inopiné. D’improviser, en quelque sorte. Il est beaucoup question, de nos jours, de préadolescents, de pré-adultes. Ici, nous sommes en présence de pré-vieux.
«  Tiens, t’as vu  ? La maison sur le coin est à vendre  !
—  Une vieille baraque comme ça avec une façade pas refaite, aux pierres nues, ça peut aller chercher dans les combien à ton avis  ?
—  J’en sais rien  ! Et je m’en fous. On pourrait pas se l’offrir, alors…
—  Elle va vite trouver preneur. Elle est jolie, moi je trouve. Y a même une p’tite cour, on dirait.
—  On n’a les moyens ni pour celle-ci, ni pour une autre. Alors, si c’est pour la frime, autant flasher sur une baraque super huppée et ne pas s’arrêter à des bicoques moyennes.
—  T’as raison. Elle est moche.  »
Maintenant, on connaît leurs voix. Petite précision quand même  : l’aiguë, c’est celle de Maryse, la très aiguë, celle de Thierry. Je plaisante. Maryse a un timbre très grave.
L’habitation forme l’angle du pâté de maisons. Enfin, pas tout à fait un angle droit, comme il est habituel de le concevoir, car ce dernier est coupé deux mètres avant l’arête traditionnelle par un pan oblique sur lequel une fenêtre est percée. Elle est composée de quatre carreaux bordés de bois de cadrage. Des rideaux sales protègent l’intimité de la pièce qu’ils décorent. Une fine plaque de métal allongée, similaire à celle d’une immatriculation  –  et d’ailleurs, n’en est-ce pas une  ?  –, annonce effectivement, en lettres argentées sur fond rouge vermillon  : «  À VENDRE  ». Elle a été coincée en biais sur l’un des carreaux inférieurs et ne passe pas inaperçue, mais c’est sûrement le but recherché.
Quartier calme, commerces de proximité, dont un supermarché à moins d’un kilomètre, des écoles, des banques et tout le reste à portée de main. Tiens, suffit que je décrive un quartier calme pour qu’une ambulance et une voiture de pompiers, toutes sirènes et gyrophares déployés, passent en trombe et en fanfare sur l’avenue, au bout de la rue, à environ cinquante mètres.
«  Les futurs proprios vont devoir raquer un max pour l’obtenir  », se réjouit Thierry, alors même qu’il n’y a pas là matière à satisfaire quelque mesquinerie que ce soit. Simplement se rassurer en se martelant qu’il n’y a pas que son couple qui est démuni.
«  Et si c’était que ça, reprend Maryse, mais il va y en avoir pour bonbon en travaux de réfection.
—  Bof, la toiture a l’air bonne. Une couche de cache-misère sur les murs extérieurs, des rideaux propres, et c’est reparti pour une génération.
—  Elle est pas toute neuve, cette baraque.
—  Sa construction doit pas remonter beaucoup plus loin que la deuxième guerre. À l’époque, plus grand-chose ne tenait debout à Dunkerque.
—  Ouais, mais ici, c’est un peu en retrait, non  ? Tu crois qu’elle a souffert autant que le centre, la périphérie  ?
—  Sais pas.
—  Qu’est-ce que t’as prévu à manger pour ce midi  ?  »
Retour sur terre. Thierry ne sait quoi répondre. Il verra de quels restes il dispose dans le réfrigérateur.
La marche continue. Le couple progresse en digressant et palpite en papotant. L’habitation à céder est dans leur dos, déjà plus dans leur discussion, et presque hors de leur esprit. Elle est rendue au rang des informations dont on a pris acte, qu’on est prêt à oublier, mais qu’on ressortira si, au détour d’une conversation, un proche vient à exprimer ses perspectives prochaines d’achat immobilier.
Pour l’heure, il est grand temps de s’orienter vers des chemins plus coutumiers et rassurants.
Ils n’ont rencontré personne qu’ils connaissent. Quelle belle matinée  ! Et quelle épopée  !

* * *

La plage est

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