La Dialectique du beau et du laid dans  Le Poète assassiné  et  Calligrammes  de G. Apollinaire
202 pages
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La Dialectique du beau et du laid dans 'Le Poète assassiné' et 'Calligrammes' de G. Apollinaire , livre ebook

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Description

Tout d’abord, imposer entre soi et le monde une rupture, une brisure. Puis, de par cette position, porter un regard intact sur ce dernier et voir émerger de nouvelles valeurs. Enfin, s’employer à réunir ce qui était séparé, à fusionner ce qui était opposé. Ce mouvement en trois temps, G. Jacaret le repère au sein du "Poète assassiné" et de "Calligrammes" d’Apollinaire, et en fait le thème de la présente étude qui, avec minutie et précision, met à jour les mécanismes littéraires par lesquels le poète dessine les contours d’un univers réinventé.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 juillet 2012
Nombre de lectures 1
EAN13 9782748387858
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0105€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Dialectique du beau et du laid dans 'Le Poète assassiné' et 'Calligrammes' de G. Apollinaire
Gilberte Jacaret
Publibook

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La Dialectique du beau et du laid dans 'Le Poète assassiné' et 'Calligrammes' de G. Apollinaire
 
 
 
Thèse de doctorat 3 e cycle dirigée par le professeur M. Decaudin en décembre 1975 à l’université de la Sorbonne Nouvelle – Paris III
 
 
 
 
 
 
 
Le but de cette thèse est d’étudier la dialectique du beau et du laid dans deux œuvres de Guillaume Apollinaire : Le Poète assassiné et Calligrammes . Les trois mouvements de cette dialectique dégagent le sémantisme des images du langage apollinarien à travers une série d’analyses de textes.
 
Dans une première partie, le poète désacralise les valeurs conventionnelles du beau et du laid. C’est d’abord, la mort poétique : le poète brise ses liens avec le monde et part à l’aventure. C’est aussi, simultanément, le détachement de l’ironiste qui refuse l’immédiateté.
Certes, le poète est sensible à la laideur qui existe autour de lui et aux horreurs de la guerre. Cependant, l’ironie et l’humour sont des armes qui l’empêchent de subir les événements. Le poète ne craint pas la mort. Il lutte pour sauvegarder l’intégrité de son moi et pour pouvoir, même près du champ de bataille, continuer à créer. Cette libération le rend lucide. Il sait user de la satire pour s’attaquer à la mode, la religion, la politique, la guerre et l’art. Il joue sur les antithèses. Il construit le poème sur un paradoxe mais il en accepte, les deux propositions.
Dans ce monde figé, le poète remet tout en question. Les critères du beau et du laid doivent être changés. Il faut créer une nouvelle esthétique plus dynamique.
 
Le deuxième mouvement de cette dialectique va dévoiler de nouvelles valeurs. Le poète est arrivé au point zéro où un monde vierge s’offre à lui. Il est surpris. Il s’émerveille car son regard métamorphose le monde. Pour exprimer « les belles choses neuves », il use d’un langage « sans entrave », il écarte la « poésie pure ». Le mot sonne et donne, aux syntagmes, aux phrases, aux vers et aux images, de nouveaux rapports. La beauté devient « l’expression de l’univers, dans la mesure où il s’est humanisé dans la lumière ». Le poète ne se réfugie pas dans l’esthétisme. La beauté acquiert des qualités morales qui perfectionnent la collectivité et implique le vœu d’une réalité parfaite. Pour le poète, elle est aussi le produit de son imagination. Elle l’aide à exprimer les échanges entre son désir et le milieu objectif à travers des images qui suivent les schèmes ascensionnels. Le poète est conscient de créer un monde supplémentaire. Partout, il recherche le beau. S’il ne le trouve pas, il euphémise le laid à travers les schèmes de la descente, la litote, l’hyperbole, la métonymie, la métaphore, l’érotisme et l’art. Mais l’illusion n’est pas créée pour elle-même. C’est non pas un exercice de virtuose mais un « voyage en soi ». Il aspire à trouver son identité, à se construire une demeure même dans les boyaux de la tranchée, à échapper au sentiment du vide et à se sentir devenir un dieu dans un espace et un temps sans limite.
Le beau et le laid ne sont pas des contradictions.
 
Et c’est alors le troisième mouvement de cette dialectique : l’alliance des contraires. Sur le plan linguistique les éléments beaux et laids sont juxtaposés et coordonnés. Sur le plan spatial et temporel, ils sont liés. La simultanéité apparaît dans les ambivalences de l’androgyne et d’Éros – Thanatos. Sur le plan ontologique, ils fusionnent dans une sensation d’éternité qui donne à la vie une intensité et une épaisseur. Le bonheur apporte, avec les crépuscules, les promesses des aurores, et, au-delà des apparences, au-delà de la tranquillité des « aveugles », derrière les masques qui se promènent par bandes, la vérité, la pureté, l’unité, le murmure d’une source fécondante que le poète fait jaillir. Cette communion avec l’univers se fait aussi grâce à la fantaisie qui est, pour Apollinaire, « une forme supérieure de la prophétie ». Elle allie la féerie et la sorcellerie à l’observation de la nature, l’allégresse et la trivialité au lyrisme. Elle donne au mot « poisson subtil » toute sa souplesse, toute sa vie.
 
La dialectique du beau et du laid montre, dans ses trois parties, que la poésie est, pour Apollinaire, « une existence et une création verbale ».
 
 
 
Introduction
 
 
 
«  So foul and fair a day, I have not seen  »
Shakespeare, Macbeth , Acte I, scène III.
 
 
C’est en lisant, dans les Anecdotiques du 16 décembre 1916, l’anecdote de guerre où « le peintre A. D… avait obtenu d’aller prendre, dans la zone des armées, des vues pittoresques des ruines de la guerre. » 1 , que j’ai été frappée par cette « double vue » d’Apollinaire qui coordonne le beau et le laid, voire l’horrible.
Certes, il faut établir une différence entre le front, où tous les dégâts serrent le cœur, et les villages, où « tous ces décombres ont déjà l’aspect grandiose des ruines antiques. » 2
 
Apollinaire opère consciemment une merveilleuse transfiguration. Les ruines sont horribles dans leur signification mais « on est forcé d’en admirer la beauté, que dis-je, la pureté. » 3
 
Apollinaire éprouve alors, avec le peintre, un sentiment mêlé de haine et de respect artistique. Comme nous le verrons, le sentiment moral et la sensation esthétique vont souvent de pair pour notre poète.
Simultanément à leur « valeur artistique », les ruines ont une force : elles permettent de reconstruire du neuf et de perfectionner les moyens de communication – routes, chemins de fer – qui servaient aux armées combattantes. À l’esthétique s’ajoute la raison moralisatrice. La guerre incite les hommes au progrès et à la reconstruction. Au mal s’ajoute le bien.
Comme le signale le Professeur M. Décaudin, 4 « un parallélisme entre l’attachement au passé et le goût de la nouveauté parcourt l’œuvre d’Apollinaire ». Dans ce passage des Anecdotiques , « La victoire a la douceur du miel, les ruines sont vivantes » 5 . Le peintre les « dessine fiévreusement, avec joie. » 6
On a accusé Apollinaire de ne pas ressentir l’horreur de la vie. Or, il me semble que le beau et le laid, voire l’horrible se complètent dans cette œuvre où la vie et la mort sont liées. Si nous suivons le peintre A. D… après l’exécution de son tableau, nous lisons :
« Il marcha… se tourna et contempla les ruines qui lui avaient paru si prospères. Il en aperçut toute la tristesse, toute l’horreur. Il ne vit plus les baraquements ni le petit chemin de fer. L’église était sans toit et sans clocher, l’usine sans cheminée ; du château et des maisons il ne restait que des pans de murs. Il regarda tout cela longtemps, son cœur se serra et il se mit à pleurer. » 7
Après avoir observé le spectacle des hommes, il confond, dans un même objet, la joie et la tristesse. Après avoir vu la prospérité de ce spectacle, il en ressent tout à coup l’horreur. Joie de l’artiste. Pleur de l’homme. Beauté des ruines. Horreur de leur signification. Beauté de la guerre. Horreur de la guerre. La beauté et l’horreur se retrouvent, se complètent simultanément. «  Fair is foul and foul is fair  » marmonnent les sorcières de Shakespeare. Et cela ensorcelle, enchante, suspend le regard du poète.
Dans Que vlo ve   ? 8 , une femme danse devant l’accomplissement d’un crime sadique :
« Que vlo ve ? Et le babo continuaient à se tirer des pintes de sang en l’honneur de la chancesse qui dansait maintenant la maclotte vis-à-vis de Guyame, tandis que la bouillotte chantait plus fort… »
Dans Un matin 9 , l’horrible drame commence par « un matin d’été » et se termine devant une vue « admirable ». Dans Le Poète assassiné , l’oiseau du Bénin, pensant à Tristouse Ballerinette, dit à Croniamantal :
« J’ai vu ta femme, te dis-je. Elle est la laideur et la beauté ; elle est comme tout ce que nous aimons aujourd’hui. » 10
La « liaison » 11 de la laideur et de la beauté va faire aimer tout qui est nouveau. Ami des peintres cubistes et de Picasso – l’oiseau du Bénin –, Apollinaire veut, lui aussi, être moderne.
Mais comment se formera « cette liaison » ? Tristouse Ballerinette se promène avec une « corde à jouer ». Comment va-t-elle s’en servir ?
On a souvent parlé des contradictions d’Apollinaire 12 . Or, toutes ces structures antithétiques relevées chez lui s’assument et deviennent des simultanéités. M. Décaudin écrit à ce propos :
« L’idée de simultanéité… lui semblait contenir la possibilité totale de la pensée en permettant de lire d’un seul regard l’ensemble d’un poème… » 13
L’une d’elle est celle du beau et du laid. Sa dialectique me semble contribuer à la compréhension de l’œuvre d’Apollinaire.
Je voudrais l’analyser dans deux œuvres : Le poète assassiné et Calligrammes . J’y embrasserai à la fois le sémantisme des images et le langage apollinarien.
Par des analyses de textes, parfois empruntées à la méthode sémiologique pour les poèmes courts, j’essaierai de montrer comment Apollinaire désacralise les idées conventionnelles de beauté et de laideur, comment il dévoile de nouvelles valeurs, et enfin comment s’opéreront l’alliance de ces contraires et la fusion du poète avec le monde.
Que signifie cette fusion ? Comment se réalisera-t-elle dans l’existence du poète ? Comment s’exprimera-t-elle dans son œuvre ?
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Première partie. Désacralisation des valeurs actuelles du beau et du laid
 
 
« Tout habillé de bleu quand il a l’âme noire

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