L Islam et la Science
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L'Islam et la Science , livre ebook

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Description

Faouzia Charfi nous propose dans ce nouveau livre de revisiter l’histoire des sciences en pays d’islam. Une histoire commencée sous le signe de l’ouverture à l’autre avec le vaste mouvement de traduction des textes anciens inauguré par le calife Al-Mansur au viiie siècle. Une histoire qui a bifurqué dès le xie siècle, quand la science s’est vue assujettie à des fins pratiques et religieuses. Le mouvement réformiste musulman au xixe siècle aurait pu rebattre les cartes mais il a échoué, faisant le lit du projet ambigu d’islamisation de la connaissance. Faouzia Charfi plaide ici pour une véritable séparation de la science et du religieux. Un message qui s’adresse particulièrement aux jeunes générations, trop souvent séduites par un islam de pacotille surfant sur la vague des technosciences. Faouzia Charfi est physicienne et professeure à l’Université de Tunis. Personnalité politique de premier plan en Tunisie, elle est l’auteure de La Science voilée et de Sacrées questions…, tous deux publiés chez Odile Jacob. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 septembre 2021
Nombre de lectures 6
EAN13 9782738156730
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , SEPTEMBRE  2021 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-5673-0
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Composition numérique réalisée par Facompo
À la mémoire de Mohamed Charfi. À Samia, Fatma, Leila.
Introduction

« L’insertion islamique dans les temps modernes a accouché d’une modernité ambivalente, entre tradition revisitée et modernité éclectique ; on a affaire à un islam blasé qui n’apprend que ce qu’il sait déjà, ruminant le dehors sans pouvoir le digérer 1 . »
Hamadi R EDISSI , L’Exception islamique .

Le Traité théologico-politique de Spinoza 2 , publié de manière anonyme à Amsterdam en 1670, entend montrer que « la liberté de philosopher non seulement peut être accordée sans dommage pour la piété et la paix de la République, mais aussi qu’on ne peut l’ôter sans ôter en même temps la paix de la République et la piété ». Une thèse remarquable sur la liberté de philosopher que « l’autorité excessive et le zèle indiscret des prédicants » tente de supprimer et à laquelle s’opposent « les préjugés des théologiens ». De quels préjugés parle Spinoza ? « Ceux qui transforment les hommes d’êtres rationnels en bêtes brutes, empêchent chacun d’user librement de son jugement et de distinguer le vrai du faux et paraissent inventés exprès pour éteindre tout à fait la lumière de l’entendement 3 . » La réponse est claire. La liberté de pensée est absente lorsque le religieux n’accepte que les savoirs assurant ses fondements et ne reconnaît comme seule vérité que celle de la révélation* 4 . Au nom de cette vérité, il éteint « la lumière de l’entendement » et mutile la connaissance scientifique. Au nom de cette vérité, il porte atteinte à la liberté d’expression au point de condamner à mort des intellectuels, des enseignants, des hommes libres.
Juin 1992, l’écrivain Faraj Fouda, considéré par les oulémas* de l’Université d’Al-Azhar comme un apostat, parce que laïc, est assassiné au Caire. Juin 1993, l’écrivain et journaliste algérien Tahar Djaout meurt à Alger : il est l’un des premiers intellectuels victimes de la décennie noire en Algérie. Le cortège funèbre des intelligences, victimes de l’extrémisme religieux n’en finit pas. Il m’habite et me révolte.
Que faire face au terrorisme islamiste ? Que faire face à l’insoutenable horreur de la décapitation de Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie dans un collège français, le 16 octobre 2020 ? Comment agir pour contrer l’obscurantisme islamiste qui tue ceux qui ne font qu’exercer leur liberté d’expression ? Tous ceux qui adhèrent au référentiel émancipateur pour la liberté de conscience et pour la liberté d’expression sont impliqués, où qu’ils soient et quelles que soient leurs convictions religieuses, par ces crimes atroces. La tâche est délicate, complexe. Elle demande qu’on se saisisse en toute urgence de ce qui se joue là. Certes, de nombreux travaux de recherches sont consacrés aux différents aspects de la « radicalisation », aux différentes versions de l’islamisme et à ses capacités de séduction auprès de jeunes musulmans dans ce début du XXI e  siècle. Ils donnent des indications précieuses pour comprendre les terrifiantes dérives actuelles liées à certaines conceptions religieuses. Cependant, ces explications gagnent à être complétées par des analyses qui puisent dans l’histoire les fondements d’une interprétation cohérente de l’évolution des sociétés musulmanes et évitent le piège de l’essentialisme ainsi que celui d’une approche réductrice. Car il ne s’agit pas seulement ici de l’islam politique. Il s’agit également de la vitalité retrouvée de la tradition orthodoxe islamique, de son emprise sur les sociétés musulmanes contemporaines. Il n’y a pas un mur étanche entre la vision islamiste et la conception traditionaliste de l’islam qui est celle de l’islam officiel dans de nombreux pays majoritairement musulmans. Toutes les deux sont attachées à la référence charaïque*. Toutes les deux sont opposées à l’idée d’opérer une séparation claire entre le politique et le religieux : « Entre l’islam traditionnel et officiel, d’une part, et les intégristes, d’autre part, s’il y a une différence de comportement, il n’y en a aucune sur le plan de l’analyse, de la théorie, du fondement. Dès lors se créent nécessairement entre eux des liens et des passerelles 5  », soulignait le juriste Mohamed Charfi en 1998. Ces liens et passerelles s’opposent à toute tentative de changement, à une sortie du système normatif qui bloque le passage à la modernité, c’est-à-dire en particulier, la rationalisation des représentations du monde en matière scientifique et politique, la reconnaissance des libertés individuelles qui va de pair avec celle de la privatisation du religieux.
L’évolution récente des pays du monde musulman y compris les plus modernes, comme la Tunisie et la Turquie, montre que les forces de la tradition, y compris les plus rétrogrades, ont réussi à se maintenir, voire à s’imposer là où elles commençaient à perdre du terrain.
Ainsi, on constate le recul de l’enseignement des sciences pour des raisons religieuses.
En Turquie, le ministère de l’Éducation a décidé en juin 2017 une réforme des programmes scolaires qui se veut en accord avec les valeurs islamo-turques et qui vise à « offrir aux enfants une bien meilleure éducation ». Sans surprise, un des changements concerne les cours de biologie avec une réduction de l’horaire consacré à cet enseignement au profit de l’éducation religieuse et la suppression de l’enseignement de la théorie de l’évolution de Darwin des manuels des collèges et lycées 6 . Cette théorie est jugée controversée et trop difficile à comprendre pour les élèves et ne sera introduite qu’au niveau universitaire. Le chef du Conseil de l’éducation, Alparslan Durmus a justifié cette décision en déclarant que certains « sujets polémiques » ont été mis de côté « parce que nous savons qu’il est impossible pour nos étudiants d’avoir les connaissances scientifiques ou les éléments nécessaires pour les appréhender ». Il ajoute que les programmes scolaires tourneront le dos à « une vision eurocentrée, par exemple dans les cours d’histoire ». Quelques mois auparavant, le vice-premier ministre Numan Kurtulmus s’était exprimé dans le même sens, considérant la théorie de l’évolution comme « scientifiquement obsolète et pourrie » en concluant qu’« il n’y a pas de règle disant qu’il faut absolument l’enseigner ». Pour le syndicat d’enseignants Egitim-Sen, c’est un pas en arrière, une décision négative pour le pays. Selon des personnalités politiques de l’opposition, il s’agit pour le gouvernement AKP 7 , de rapprocher la Turquie des pays islamistes dirigés par la charia*, de « retirer complètement l’éducation laïque et scientifique pour éviter d’avoir une génération qui réfléchit, questionne » et de « créer un appareil idéologique avec des jeunes qui pensent comme eux ».
La réforme des programmes n’est pas une surprise au vu de la politique actuelle des dirigeants turcs opposés à l’éducation laïque et scientifique, héritage de la république moderne d’Atatürk, et décidés à la faire oublier avant le centième anniversaire de son avènement en 2023. La Turquie d’Atatürk avait mis en place un système d’éducation nationale moderne qui avait introduit au début des années 1930 des notions sur l’évolution puis, après le « choc » du lancement du Spoutnik en 1957, des cours de biologie sur la théorie de l’évolution qui n’avaient pas subi de changement notable jusqu’en 1985 8 .
La mise sous tutelle du système éducatif dans un objectif idéologique n’est pas une particularité de la Turquie et constitue un instrument redoutable pour conditionner les enfants, victimes des enjeux politiques et de programmes rétrogrades. Comme on vient de le voir, la réforme des programmes scolaires a immédiatement fait réagir le syndicat d’enseignants Egitim-Sen qui, comme d’autres composantes de la société turque, résiste à l’opération islamo-nationaliste imposée par le président de la Turquie Erdo ğ an et son parti, l’AKP. Cependant, il arrive aussi que ce type de changements motivés par les tendances conservatrices d’un pays ne provoque pas de réactions dans les milieux enseignants, probablement acquis à cette orientation rétrograde.
Ainsi, en Tunisie, la réforme éducative de 2002 avait-elle été conçue en partie pour réduire certains aspects jugés trop modernes de la réforme de 1991. L’une des décisions les plus significatives en faveur du retour en arrière était la modification des programmes de biologie. L’enseignement de l’évolution biologique a été réduit pour la section sciences de la vie et de la Terre. Il a été supprimé pour les autres futurs bacheliers, en particulier ceux de la section mathématiques, section la plus sélective et la plus recherchée pour les études scientifiques et les filières d’ingénieurs. Cette suppression est passée inaperçue et subsiste depuis dans l’indifférence générale.
Le recul de l’enseignement des sciences en Turquie et en Tunisie y est un signe révélateur du retour de la tradition alors qu’elles se distinguaient nettement des autres pays d’islam de la région, qu’il s’agisse du statut des femmes ou d’une conception moderne en matière d’éducation. L’autorité politique s’y démarque de plus en plus des choix émancipateurs faits par Atatürk après l’abolition du califat ottoman et par Bourguiba dès l

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