L Hypothèse pornocratique
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L'Hypothèse pornocratique , livre ebook

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Description

L’Hypothèse pornocratique est celle d’une instrumentalisation de la pornographie qui n’a fait que réactualiser, avec les moyens contemporains de l’industrie audiovisuelle et de la diffusion de ses programmes, les divertissements proposés dans l’empire romain décadent : panem et circenses. Cet essai a d’abord été un ensemble de notes et de documents référencés destinés à poser, dans le cadre de l’enseignement en « Théories des arts et esthétique » de l’auteur, la question de l’escamotage du sujet de la pornographie dans la plupart des programmes d’enseignement des écoles de cinéma et, plus largement, dans le domaine de l’audiovisuel, alors même que plusieurs établissements universitaires l’ont abordée dans le cadre général des « études de la culture ». On imagine en effet difficilement une option « pratique du cinéma pornographique » qui côtoierait celles qui sont proposées dans les cursus de ces écoles, car cela mettrait immédiatement en évidence la contradiction inhérente à leur projet de « création comme recherche ». Or il se trouve que cette proposition a été censurée et le cours annulé, et c’est la raison pour laquelle il a souhaité compléter cette première rédaction avec un commentaire argumenté qui aurait dû, sinon, résulter des échanges avec les étudiants.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 juillet 2021
Nombre de lectures 11
EAN13 9782342356465
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été édité par la Société des Écrivains,
Immeuble Le Cargo, 157 boulevard Mac Donald ‒ 75019 Paris
Tél. : 01 84 74 10 20 ‒ Fax : 01 41 684 594
www.societedesecrivains.com
client@societedesecrivains.com

Tous droits réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-342-35645-8

© Société des Écrivains, 2022
Du même auteur
Le festin de l’ange , Paris, Éditions L’Harmattan, 1999.
Art, informatique et mimétisme , Paris, Éditions L’Harmattan, 2002.
Inesthétiques musicales au XX e siècle , Paris, Éditions L’Harmattan, 2007.
Études sur la perception auditive , Paris, Éditions L’Harmattan, 2012.
Amouriner , Sampzon, Éditions Delatour, 2012.
Autour de l’esthétique expérimentale , Paris, Éditions L’Harmattan, 2020.
Critique de la raison impure - Platon et Artaud , Paris, Éditions L’Harmattan, 2021.
À Antoni qui m’a fait découvrir les écrits de Gabriel Matzneff, « l’esthétique apophatique » de sa thèse et le « réalisme modal » de David Lewis.
Il faut dire et penser que ce qui est est, car ce qui existe existe, et ce qui n’existe pas n’existe pas : je t’invite à méditer cela […] Tu ne forceras jamais ce qui n’existe pas à exister.
Traduction par Clément Rosset (Principes de sagesse et de folie) d’une sentence de Parménide

Généalogie et extensions
Dans le contexte des événements qui sont survenus dans plusieurs domaines où s’exercent des pouvoirs et diverses formes de domination, en particulier dans le milieu cinématographique, il importe d’en faire un examen critique détaché des contingences qui les ont révélés et qui ont alimenté des débats qui n’ont pas toujours été objectivement fondés, que ce soit dans une perspective philosophique, historique, ethnologique, sociologique ou esthétique. Pour commencer, il faut rappeler les définitions des termes à partir desquels la notion de « pornocratie » a pu être forgée et son évolution.
Le terme « porno » vient du grec ancien πόρνος ( pornos au masculin) ou πόρνη ( porné au féminin). Les termes pornos et porné sont des noms dérivés du verbe pernemi (vendre). Il désignait à l’origine ceux qui vendaient leurs corps, notamment les prostitués.
Dans la mythologie grecque, Κράτος (Krátos) était une divinité personnifiant la puissance, le pouvoir, la vigueur ou la solidité. Le suffixe « cratie », κρατία en grec ancien, en est dérivé.
L’assemblage de ces deux termes désignait principalement, à l’origine, un état social où dominaient les courtisanes. Par la suite, il a été associé, dans l’historiographie traditionnelle, à une période particulière de la papauté (de 904 à 963), qualifiée de « pornocratie pontificale » par le cardinal Baronius au XVI e siècle, puis par les historiens allemands du XVIII e siècle, avec l’expression Römisches Hurenregiment, signifiant littéralement « gouvernement romain des putains ». Il faut noter que ce gouvernement n’était pas exercé directement, mais par influence, et on peut à cet égard en référer à un ouvrage d’Antonin Artaud, qui est une fiction basée sur une documentation de la période décadente de l’Empire romain qu’il avait fait établir par une tierce personne 1 .
Par ailleurs, les suffixes « cratie » et « archie » (du grec άρχω , commander) appliqués à l’entité qui exerce effectivement le gouvernement sont complémentaires. C’est dans ce rapprochement que la notion de pornocratie a pu déployer sa signification première en direction d’un exercice effectif du pouvoir. Mais alors, il est nécessaire de ne plus s’en tenir aux notions de « pouvoir » et de « gouvernement » de manière abstraite en les complétant par des attributs, dans une forme grammaticalement licite. En effet, on peut dire « pouvoir de (ou du) » mais non « pouvoir par » ; mais on peut aussi bien dire « gouvernement de (ou du) » que « gouvernement par, ou, par délégation de (ou du) ». Il en résulte l’expression développée suivante : gouvernement de ‒ l’entité qui est gouvernée ‒ par ‒ l’entité qui l’exerce effectivement ‒ éventuellement influencée par ‒ l’entité qui détient le pouvoir ou, par délégation, en son nom (c’est le système de la « représentation »).
Par exemple, ce schéma peut se traduire en gouvernement du peuple (et en son nom) par le président de la République (et ses ministres) qui le représente par le pouvoir qui lui est conféré dans le système de l’élection au suffrage universel ‒ c’est la formule (théorique) de la démocratie dans sa version française. Dans le cas de la pornocratie, on pourrait dire : gouvernement du peuple par des ministres influencés par des courtisanes. Et il y aurait d’autres déclinaisons du schéma à développer pour chaque système de gouvernement.
En témoigne un article de Pierre-Joseph Proudhon exprimant une critique des femmes libres, de George Sand par exemple, dans De la justice dans la Révolution et dans l’Église, où il se montre particulièrement conservateur, estimant que la vraie place de la femme n’est pas à l’usine mais au foyer, tout comme les révolutionnaires de 1789 2 . Il envisage la pornocratie en ces termes : « L’égalité politique des deux sexes, c’est-à-dire l’assimilation de la femme à l’homme dans les fonctions publiques est un des sophismes que repousse non point seulement la logique mais encore la conscience humaine et la nature des choses […] Le ménage et la famille, voilà le sanctuaire de la femme ( Le Peuple , 12 avril 1849) ». Ici, il s’agit bien d’envisager le risque d’un gouvernement effectif du peuple par des femmes, sachant qu’il est bien conscient de leur pouvoir qu’il prend pourtant grand soin de ne pas définir autrement que par l’emploi du préfixe « porno ». Il finira par rédiger un ouvrage 3 pour répondre aux critiques qui lui furent adressées et argumenter sa position.
Ces schémas ont connu une nouvelle « complication » par l’adjonction de la notion de « pornographie », employée aux XVIII e et XIX e siècles dans les études concernant la prostitution et aussi pour définir les « représentations complaisantes de sujets, de détails obscènes dans des œuvres artistiques » : picturales, littéraires, photographiques puis cinématographiques. Là encore, c’est un mot qui provient du grec ancien πορνογράφος (pornográphos) , le terme γράφω (gráphô) signifiant « peindre », « écrire » ou « décrire ». Il est actuellement couramment associé aux films qui se caractérisent par une représentation d’actes sexuels ayant pour objectif d’exciter le spectateur, c’est-à-dire concrètement de l’amener à jouir. Une industrie de la pornographie est apparue grâce à l’utilisation des cassettes vidéo, des DVD, et plus récemment du réseau Internet. Il faudrait donc encore compléter la formule proposée pour définir la pornocratie : gouvernement du peuple par des ministres, influencés par des courtisanes, ou par l’instrumentalisation de la pornographie… ou les deux.
Notons qu’elle ne fait qu’adapter celle des gouvernements de l’Empire romain, notamment dans sa période décadente ‒ panem et circenses , (du pain et des jeux) étant l’expression utilisée par Juvénal dans ses Satires composées entre 90 et 127 ‒, qui pratiquaient aussi une forme de distraction pornographique avec l’institution de la prostitution. Le mixage actuel des différentes modalités de la formule pornocratique a été rendu nécessaire en raison d’une double contrainte. En effet, si les papes des X e et XI e siècles pouvaient se réserver la jouissance de courtisanes en acceptant la perversion que ce fantasme engendrait dans leur gouvernement et ses conséquences, cela n’était plus possible dans le siècle des Lumières, qui avait fait émerger la revendication d’un exercice direct du pouvoir par les femmes comme l’avait bien perçu Proudhon, ni dans le système capitaliste, dont la perpétuation repose sur la consommation de masse et le fordisme qui a permis à chacun de jouir du produit de son propre travail, non sans en prélever au passage la plus-value 4 .
Pierre Klossowski avait posé une équation « conséquentialiste » entre l’instrument ‒ ou la perversion ‒ et l’objet ‒ ou le fantasme : « l’instrument est aussi indissociable de l’objet qu’il présuppose, fabrique, explore, que la perversion l’est du fantasme qu’elle engendre. Tous deux contraignent à l’usage de leur produit. Qui veut l’objet veut l’instrument 5 . » Mais à présent, on peut constater que la relation est devenue bidirectionnelle et que c’est un modèle cybernétique qui l’organise avec, en particulier, le principe de rétroaction qui constitue et l’objet et l’instrument dans un circuit fermé, en sorte qu’ils ne sont plus seulement indissociables comme la cause et l’effet, mais strictement indiscernables dans aucun régime de causalité.
Pour qu’elle soit émise dans le contexte contemporain, l’hypothèse pornocratique suppose donc le regroupement d’un certain nombre de conditions préalables, et nécessaires. Parmi ces conditions, celle qui retiendra l’attention de l’examen critique proposé dans le cadre du cours intitulé « Théories des arts et esthétique » est le régime des images qui s’inscrit dans une économie, une industrie et une culture du divertissement.




1 . Antonin Artaud, Héliogabale ou l’Anarchiste couronné [1934], Paris, Éditions Gallimard, 1979.

2 . Voir : Geneviève Fraisse, Les Deux gouvernements : la famille et la Cité , Paris, Éditions Gallimard, Collection « Folio essais », 2001.

3 . Pierre-Joseph Proudhon, La Pornocratie ou Les Femmes dans les temps modernes , Paris, Librairie Internationale A. Lacroix et C e , 1875.

4 . Voir à ce sujet : Pierre Musso, La Religion industrielle - Monastère, manufacture, usine - Une généalogie de l’entreprise , Paris, Librairie Arthème Fayard, 2017.

5 . Pierre Klossowski, La Monnaie vivante , Paris, Joëlle Losfeld, 1994.
Documents
Les quelques éléments de la partie introductive à « l’hypothèse pornocratique » laissent entrevoir un nombre considérable de sources qui permettraient de l’étudier, même en les restreignant à sa composante esthétique et sensible. La sélection

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