L Essentiel pour partir, c est de s en aller
198 pages
Français

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L'Essentiel pour partir, c'est de s'en aller , livre ebook

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Description

Le Botter hollandais Johanna pour un tour de France par les canaux, le vieux voilier Daphné pour une virée au Portugal, au Maroc et aux Canaries, l’ex-péniche De Vier Gebroeders, de la Friesland à Aigues Mortes : tous ces voyages maritimes sont destinés aux passionnés de la mer, ou à ceux qui souhaitent se jeter à l’eau...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748374667
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0105€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L'Essentiel pour partir, c'est de s'en aller
Patrick Dupin
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Publibook
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Johanna
 
 
 
Adieu Paris, jamais plus ! Je viens de franchir un long virage de l’autoroute Sud qui surplombe la Capitale et un regard, qui jure d’être le dernier, embrasse une seconde cet horizon de pierres fumeuses et brumeuses qui fut mon nid, mon domaine, mon temple, mon cancer, ma nausée.
 
Je m’en vais, j’ai une envie furieuse de sentir de la lavande et une force, impérieuse et tranquille, me pousse vers le soleil. Mon Dieu, tout paraît si simple que mon départ procure un sentiment de banalité légèrement décevant.
Je laisse des Obélisques, des gares, des Buttes et des Batignolles, des amis, des êtres que je n’avais plus le temps de voir, d’apprécier, mais que j’aime et qui me manqueront.
Je ne veux plus faire de bilan, mon énergie m’entraîne vers le futur, vers un Sud qui doit être un paradis fait pour moi. La déception ne doit plus m’effleurer car tout ce qui peut m’arriver sera un pas vers le meilleur, un coup de gomme sur le mauvais, le vil, le sournois.
Le premier saut s’accomplit. L’élan fut long, soutenu, l’essor me rend léger et ardent. Mes yeux voient plus loin, mes oreilles perçoivent plus juste, tous mes sens se tendent vers le renouveau, l’inconnu, l’imprévu.
Lyon, Avignon, tiens ! pas de bouchons ? Ah oui, c’est vrai, je ne pars pas en vacances, c’est un jour de semaine. J’ai loué la voie Royale.
 
Il doit exister un autre monde. Sa découverte dépendra de ma curiosité et de mon désir de naître à nouveau. Ce n’est pas possible ! je vaux sûrement plus que ce que j’ai été jusqu’à maintenant.
Comment ai-je pu m’accepter si longtemps ? Manque de lucidité ? j’ai dit ; pas de bilan.
Un an plus tôt, une jeune femme avait fait les mêmes adieux à son Lyon natal et surpeuplé. Son Sud avait des attraits semblables au mien. Nous découvrirons nos affinités dans la recherche commune d’un mode de vie respectant notre sens de la liberté et de l’indépendance.
La mer approche. Pourquoi la mer ? Sans doute parce que mon grand-père était un Amiral Charentais, mais aussi parce qu’un rivage est une étape et un tremplin vers un autre commencement.
Ses nuances sont derrière l’horizon, l’œil regarde droit, loin, toujours plus loin. La mer, la montagne, la campagne, trilogie magique que mon amour infini de la nature englobe dans la même curiosité, la même caresse, la même richesse, le même viscère.
Le respect et l’admiration sont les deux piliers de l’amour vrai. Le respect parce qu’il efface l’intolérance et ouvre le dialogue ; l’admiration parce qu’elle est l’enthousiasme et l’étonnement sans lesquels l’homme ou l’enfant passent à côté de leur vie.
Comme le skieur, au-dessus d’une piste sinueuse et profonde, sent monter en lui la fureur de chausser ses skis, nous ressentons la frénésie de chevaucher les vagues. La mer, répondant à notre appel, voulut que nous trouvions et possédions l’outil marin qui comblait notre attente par le charme, l’intimité et l’envoûtement de la chose marine, la propriété limitée de l’objet et illimitée de l’espace.
Nous avions cherché à louer une petite maison, même une cabane, mais notre prospection acharnée, entravée par un budget ridicule, s’était révélée inefficace. L’ingratitude immobilière détourne heureusement notre énergie vers la location d’un bateau.
 
Nous confions notre lubie à Rémy (dit la Providence) qui sait tout de suite nous convaincre d’acheter plutôt que de louer.
Il connaît bien JOHANNA, ses rondeurs, ses dessous, son coté gitanesque. Il a sondé ses larges planches de chêne et leurs jointures. Il leur a accordé la mention bien. Il a pensé l’acquérir, mais il n’est pas prêt. Notre candeur alliée à notre détermination l’emportent sur son hésitation. Et puis, n’allons nous pas faire revivre une vieille coque, perpétuer sa passion des membrures, des barrots, des bauquières et serre-bouchains, de la corne des vieux gréements, du lourd coton ocré à senteur d’huile de lin des voiles somptueuses d’il n’y a pas si longtemps ?
 
Il n’a pas à nous expliquer. Nous sommes mûrs pour la grande jouissance. Nos yeux pétillent de convoitise et notre angoisse dure jusqu’au moment béni où nous sommes sûrs et certains de l’acquérir. Nous ne pouvons passer à coté, nous ne pourrions nous en remettre.
Décidés un jeudi, au cours du déjeuner, nous sommes à bord de JOHANNA, un voilier de onze mètres, le lendemain soir, un vendredi treize, sans aucun doute.
Nous flottons tous les deux. Nous ne cessons de palper ces pièces de chêne et d’acajou dont l’assemblage si précis et fonctionnel nous fascine.
Nous ne sommes reliés à la terre que par deux cordages que nous pouvons larguer selon notre bon plaisir. Nous avons la faculté de coucher dehors, sur le pont de bois, pour sentir la caresse de la douce brise bienfaisante, ou à l’intérieur que nous transformons selon notre conception du confort.
En premier lieu, suppression de deux couchettes pour faire un très grand lit dans l’espace avant qui n’autorise pas la station debout, nous incitant donc à nous allonger.
Cette disposition permet de dégager le « Carré » qui, le plus souvent, n’a aucun rapport avec cette figure géométrique. Mais c’est le lieu sacré où l’on peut s’asseoir ou plutôt s’enfoncer, le dos contre les solides membrures, là où les formes secrètes du voilier dévoilent leur intimité, où l’on découvre, ébahi, qu’il n’y a pas une ligne droite. Chaque planche a été façonnée, courbée, anoblie. Le bois s’est plié aux lois de rigidité et d’équilibre que l’artisan, charpentier de marine, lui a imposé pour créer l’outil de mer.
Celui-ci atteint une diversité de formes infinie que l’on pourrait penser en contradiction avec le fait, apparemment simple, que tout bateau est destiné à flotter.
Mais, telles les espèces vivantes qui se modifient sans cesse en fonction de leur environnement et de la lutte pour leur survie, les voiliers subissent la même influence de leur lieu de naissance et de l’utilisation à laquelle on les destine.
Ainsi, JOHANNA eut-elle la bonne fortune de naître dans une mer intérieure peu profonde, le Zuyderzee, en pays Batave.
Cette particularité lui impose ses formes rondes, même dodues, procurant un grand volume intérieur et une flottabilité élevée. Un fond absolument plat lui permet de s’échouer parfaitement droite et stable sur les fonds de sable ou de vase découverts par les marées. Un tirant d’eau de 70 centimètres lui laisse le loisir et le plaisir d’aller partout où un enfant de dix ans a pied.
Ces caractéristiques ne sont réunies aussi harmonieu­sement que dans notre BOTTER et nous sommes rapidement conquis par le mode de navigation si personnel des HOLLANDAIS qui en découle.
L’aspect, la silhouette d’un BOTTER ne peut laisser indifférent. Ses dérives latérales comme son grand gouvernail extérieur ne rappellent rien sinon quelques navires perdus dans les peintures de Rembrandt.
Les formes n’ont pas changé depuis des siècles car il n’a pas été nécessaire de toucher pour améliorer. Le galbe de la coque permet, paraît-il, au BOTTER de ne pas rester prisonnier des glaces lorsque celles-ci prennent les canaux, ce qui arrive tous les hivers en Hollande. En effet, la pression s’exerçant latéralement n’a pas d’emprise verticale et, au lieu d’écraser, repousse vers le haut. Nous ne l’avons pas expérimenté, mais nous le croyons fermement car ce coté pratique et fonctionnel entre dans la magie qui entoure notre bateau du plat pays.
Un seul mât de pin lourd et plein, surmonté d’une flamme piratesque et vivante domine notre maison. Ce mât jouit de la faculté de pivoter sur sa base et peut ainsi être couché facilement lorsque des ponts barrent la route. En Hollande, les habitués passionnés des BOTTERS ne se donnent même pas la peine d’affaler les voiles. Un système approprié de palans, une main-d’œuvre enthousiaste et bien rodée permettent, au dernier moment, de faire pencher le mât sur l’arrière à la demande et à la hauteur désirée pour se glisser sous un pont sans perte de vitesse. On ne touche ni aux drisses ni aux écoutes.
Imaginez-vous sur un pont surplombant un canal ou une rivière ; une grosse barque, toutes voiles dehors, fonce sur vous et la panique vous saisit ; Non, jamais ce fou de voilier ne passera ! Et puis, miracle, juste au moment du choc inévitable, tout s’escamote en silence. De l’autre coté réapparaissent le mât et la voile gonflée comme avant. Encore une preuve de la malice de cet objet dont la douceur des mouvements et la maniabilité contrastent avec sa lourdeur apparente et réconfortante.
Bateau de rivière, de canal, de lagune ? Oui, par sa vocation et son adaptation à ces voies navigables ; mais aussi bateau de mer, de mer bien salée, par sa solidité et sa flotabilité hors des normes communes.
 
Nous avons compris que la navigation côtière et journalière ne posera pas de problèmes à condition d’être attentifs aux bulletins de la Météo et de nous réserver quelques ports ou criques de dégagement.
 
 
Précautions bien élémentaires, prises par certains, ignorées par d’autres. Nous refusons tous risques, nous respirons le parfum de l’aventure sans nous en saouler, nous voulons que cela dure, nous sentons confusément que les premières vagues nous testent, que l’examen peut se terminer par un beau diplôme ou par un échec sans pitié.
Nous n’avons pas réalisé, dès le début, les énormes possibilités et les capacités de notre habitat mais la confiance mutuelle s’établissant, nous sommes impatients de les découvrir, d’en tir

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