Hommage à la France
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Description

« Toi, mon pays d'outre-terre, tu m'as donné la grâce de ces instants inachevés, et le désir de toi. J'ai vu bien des pays et paysages, mais aucun comme toi, qui donne l'esprit de la lettre, qui fasse sortir l'essence des vieilles pierres et le secret des grimoires oubliés. Avec tes anciennes chansons, À la claire fontaine, Aux marches du palais, tu nous mènes sans te dévoiler, sans jamais te découvrir. Comme la poésie, tu réveilles le langage intime du cœur, sans livrer le secret, sans révéler le chemin de la quête. » Écrire à un pays comme on le ferait à un être aimé, lui dire qu'il ne cesse de nous enchanter, voire de nous fasciner. Que tout en lui est source de joies, de découvertes, de souvenirs. Que chacune de ses facettes nous intrigue. Ainsi procède Claire Guillon au fil de cette lettre ouverte adressée à la France, qui y exprime comme une amitié amoureuse pour cette terre riche d'histoire, de musique et de littérature.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 juin 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342162165
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Hommage à la France
Claire Guillon
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Publibook
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Hommage à la France
 
À Pierre Guillon, mon père, mort le 13 septembre 1966 à son retour de Polynésie.
 
 
 
 
Pourquoi les fougères de l’âme et les sombres allées du temps s’unissent-elles, en moi, à tes forêts de ténèbres, à leur sève amère, à tes terres, à tes rives, ô souvenir, ô mémoire, où est notre demeure ?
Pourquoi ton nom porte-t-il le secret, caché dans la gangue obscure dont notre esprit n’épuise pas le sens ?
Pourquoi reste-t-il dans les pages de Flaubert ou de Proust le parfum du lilas et la douceur mauve des glycines au printemps ?
Pourquoi s’envole-t-il avec l’oiseau de nos mémoires, hirondelle des jours meilleurs, martinet des soirs d’été, rouge-gorge de l’espérance, rossignol de nos nuits perdues ?
Pourquoi hante-t-il les jardins d’antan, où le chèvrefeuille s’enlace au coudrier, Tristan à Yseut, le Grand Meaulnes à ses rêves, ô mort, ô ma mémoire, où est notre demeure ?
Pourquoi, enfin, ouvre-t-il un son frappé d’allitérations puissantes, élargi d’un cœur éclatant, adouci d’une finale lumineuse, rêveuse, sur la mer ?
Je ne saurais répondre, je ne saurais le dire, ni même y réfléchir. L’instinct, en moi, va d’emblée à ta ferveur, celle de la terre et des signes, des arts, de l’Histoire, de ta langue et ta littérature si belles, confondues en ton nom seul.
Je ne veux, pour l’heure, te nommer, toi que je connais par l’air et aussi par la mer, par tes portes de lumière.
J’ai dû venir à toi, t’approcher lentement, contourner tes mystères sans te saisir : toi qui déplies tes paysages d’harmonica, et vibres de fantaisie sur nos vertiges, toi qui n’en fais qu’à ta guise. Toi qui te joues de nous.
Il m’a fallu aller vers toi, venir de si loin à ta rencontre, et, telle l’antilope des terres d’Afrique, franchir l’espace de ton histoire et de ton âme rebelle, miroitante, ardente.
 
Voici la première porte de lumière.
Voici Marseille, la rieuse et dansante, avec sa rade éclatante jetée comme insolence sur le bleu cru, strident, de la Méditerranée.
Marseille, la gueuse, la voyageuse aux haillons étincelants, tournée lascivement vers le ciel et la mer avec ses grands gestes et son accent désordonné, avec ses rues brouillonnes et ses mille pas, Marseille qui se déhanche sous la craie du soleil.
Là, l’escalier aux lions dégringole vers la Canebière ; le boulevard d’Athènes brasse les odeurs, les ombres et les éclaboussures du jour, où s’embrassent les crasses et les hôtels de passe dans le roulis des vies.
Tout au bout des noires avenues, et des façades claires et des longs trottoirs martelés de couleurs et pulsés d’existence, la mer rit et se gondole.
Elle scintille et se moque, frétille et se réjouit, en lançant ses odeurs de roche et coquillages, en faisant sa cour au soleil.
Et les blanches goélettes la regardent, éberluées, sans cligner, car elles pensent au château d’If qui leur a pris le cœur pour toujours, et le garde, jaloux.
Le soleil fait l’étincelant, et aussi l’indifférent, tandis qu’elle, la mer, lance ses clins d’œil d’azur pour les reprendre, joue la belle en partance, au clavecin de ses reflets irisés, diaprés, enjoués.
Elle crache ses parfums de sel et de fraîcheur, ses friselis d’argent et ses senteurs marines, ses puanteurs d’après la nuit et ses indifférences, sans les reprendre.
Elle se moque de nous, elle batifole.
Alors elle rit, sensuelle et provocante, s’allonge avec nonchalance sur la plus belle rade de Méditerranée, l’antique Massilia, qu’elle lèche avec délice, gitane de lumière.
Au-dessus d’elle et des escaliers de blancheur, en mémoire des grands voyages et des lions de pierre, proustiens, superbes et décadents, siège l’hôtel « Terminus ».
Et dans ses grandes chambres ténébreuses où règne un charme mystérieux, l’on peut entendre Baudelaire.
« Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale. »
Les vastes baies et les balcons clairs s’ouvrent sur la rade scintillante, où l’on distingue, au loin, l’or de Notre-Dame de la Garde, puis la cathédrale mauresque et le Pharo des grandes découvertes.
Restaurants et cafés éclosent et s’ébrouent, avancent sur les tables brillantes, des verres où dansent les glaçons et où se perpétuent les rires. L’odeur de la bouillabaisse et de l’aïoli se promène, langoureuse, et la vie se divertit.
Vive comme un rire d’enfant, la Corniche déroule ses rubans qui sifflent vers les roches blanches craquelées de chaleur.
Pourtant, le regard, de côté et de loin, revient au château d’If, à sa pierre nue, obsédante, telle une prière tendue vers le ciel implacable. Le rocher nous raconte toujours la même histoire, château ou prison, Masque de Fer ou Monte Cristo, exil ou évasion, c’est une histoire qui nous concerne.
Elle nous parle du silence, elle décape en nous la solitude jusqu’à l’abandon, jusqu’à cette nudité qui reste essentielle, imprécation purifiée et lavée par la lumière.
Toi, mon pays où je n’ai pas vécu, que j’ai découvert ainsi que l’on rencontre un parent tardif, inconnu.
Toi, mon pays d’outre-terre, tu m’as donné la grâce de ces instants inachevés, et le désir de toi.
J’ai vu bien des pays et paysages, mais aucun comme toi, qui donne l’esprit de la lettre, qui fasse sortir l’essence des vieilles pierres et le secret des grimoires oubliés.
Avec tes anciennes chansons, À la claire fontaine , Aux marches du palais , tu nous mènes sans te dévoiler, sans jamais te découvrir. Comme la poésie, tu réveilles le langage intime du cœur, sans livrer le secret, sans révéler le chemin de la quête.
Et l’on va, comme Perceval ou Lancelot, dans la forêt de ton histoire, la secrète, l’ignorée.
Tu danses sur nos espérances, tu résistes à nos souffrances, tu es la passante de Baudelaire, « ô toi que j’eusse aimée », et l’invitation au voyage, et le « rêve étrange et pénétrant » qui se refuse à Verlaine.
Tu es l’oiseau et le rossignol de minuit, « l’amour de moy », qui, « ci est enclose », tu es la danseuse aux pieds nus de Notre-Dame de Paris.
Tu es le masculin et le féminin, tu es l’errance et la résistance, la Terre perdue et retrouvée.
Proust parlait d’un accent unique et du chant différent qui ramène, en nous, « le citoyen d’une patrie inconnue, oubliée de lui-même » ; tu es le chant singulier et le grand bateau blanc de mémoire, sur la mer obscure.
 
 
 
 
Un coin de mon cœur vit très loin, à l’opposé de toi, en exil.
Comprends-le, je te parle comme l’enfant sauvage qui saluait les statues et vivait dans la brousse, vers la Mauritanie, près des baobabs et des manguiers, non loin des rives du Sénégal.
Un coin de mon cœur appartient à cette vie nue et libre, et ne te connaît pas vraiment.
Car il ne comprend pas tes codes et tes parfums de confiture, tes humides brouillards et tes écoles du Grand Meaulnes.
Mais, je veux chanter pour toi, tel l’oiseau de passage, te voir comme la gazelle de tes vierges contrées, te saisir à travers un œil pur, d’où le temps est exclu.
Donc, Marseille, radieuse, gardait la clef des longs voyages.
Elle regroupait, autour d’elle, de grands bateaux blancs, le Calédonien , le Tahitien , sur lesquels nous partions.
Nous les prenions ou les quittions, avec ivresse.
D’abord, nous regardions la ville s’évanouir dans l’or rose des collines, comme enrobée de ses parfums, tremblante de tons passés, tels ceux du souvenir.
Puis nous entrions dans la magie d’une croisière où chaque élément du bateau et de l’eau concourait à la fête : par les hublots, l’on voyait les poissons sauter sur l’or pâle des flots, les cabines nous servaient d’abri et d’aventure, le pont représentait un monde à lui seul, où musique, piscine, chaises longues dansaient, dans le sourire oblique des lumières, sur la mer.
Puis venait la découverte des escales, l’Algérie de blancheur et de palmiers, Gibraltar et sa chaleur rosée, veloutée, Tanger et ses eaux bleues, de saphir et lapis-lazuli ; Casablanca enclosant en son nom pur et cadencé un visage du Maroc, celui des mosaïques et des fontaines. L’autre, le Berbère, nous parlait de la Mauritanie et du mystère des sables.
Ensuite, je me souviens de Madère, et surtout de cette nuée d’enfants qui plongeaient dans l’eau à l’arrière du bateau, pour saisir les pièces brillantes que les gens, du pont, leur jetaient. Ils s’ébrouaient comme des oiseaux, disparaissaient, plus rapides que des poissons d’argent et revenaient à la surface, tendant une main où étincelait la pièce magique.
Les Antilles, rayonnantes et colorées, s’annonçaient souvent par un parfum d’épices. Nous pouvions à peine entrevoir les maisons créoles, les forêts aux fougères arborescentes, et les plages aux chevaux ; goûter aux crabes farcis, au boudin pimenté, et aux acras de morue qui mettent feu et passion au palais.
Du marché, montaient des odeurs lourdes et enivrantes, goyave au cœur rose, mangue, banane épaisse et voluptueuse.
Nous nous arrêtions aussi en Amérique du Sud, à Cristobal non loin du canal de Panama, et c’était là toute la fièvre des couleurs crues, des danses ...

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