Hector Berlioz ou la philosophie artiste Tome 2
262 pages
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Hector Berlioz ou la philosophie artiste Tome 2 , livre ebook

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Description

Dans ce volume II, l'auteur poursuit son exploration croisée, analysant les influences, les parallèles,et les " cousinages " de Nietzsche et de Berlioz. Deux personnalités qui, l'une en philosophie et l'autre en musique, peuvent faire figure d'incompris au panthéon des grands créateurs. Un rapprochement étayé par des recherches et des références d'une grande précision.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 juillet 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748387407
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Hector Berlioz ou la philosophie artiste Tome 2
Dominique Catteau
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


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14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Chapitre V. Portée philosophique de l’œuvre de Berlioz
 
 
Si l’œuvre musicale de Berlioz avait été davantage diffusée et répandue dans l’Europe de la fin du XIX e  siècle, Nietzsche aurait pu la connaître mieux. Certes il était loin d’en tout ignorer, il en savait même beaucoup plus que ce qu’on croirait au premier abord. Et même s’il lui fut donné d’en soupçonner un peu plus, il n’empêche qu’il n’a pourtant pas pu prendre connaissance des ouvrages qui, très probablement, l’auraient le plus grandement comblé.
Il me reste maintenant à parcourir l’ensemble de l’œuvre musicale avec, pour fil d’Ariane, la poursuite de la même ligne perspective que dans tout ce qui précède : c’est-à-dire en attirant l’attention sur l’importance proprement philosophique des trésors de musique qu’Hector Berlioz nous a laissés.
Hâtons-nous de préciser ce que l’on veut faire, en commençant comme toujours par écarter les voies de recherche dans lesquelles on ne veut même pas s’engager. Première piste fermée : la chronologie qui a vu naître successivement les œuvres n’offrira ici aucun intérêt particulier. Tout bon philosophe reste fier d’envisager les choses sub specie aeternitatis , et pour montrer que la création berliozienne ne démérite pas le moins du monde dès qu’on la considère philosophiquement, il convient plus que jamais de la prendre comme elle se donne aujourd’hui, sans inimportantes dates de naissance : pour apprécier la valeur du Requiem ou de la Damnation , gagne-t-on grand-chose à retenir que l’un date de 1837 et l’autre de 1846 ? L’important aujourd’hui serait de les jouer, avec tout le respect admiratif qu’ils méritent, et de les apprécier pour ce qu’ils sont ou du moins ce qu’ils représentent, c’est-à-dire pour ce que leur auteur a voulu qu’ils soient. Et pour toujours, ni plus ni moins : on peut en tout cas l’espérer.
Ce premier rejet en commande un autre : on ne trouvera pas du tout dans ce qui suit d’analyse musicologique. Pour au moins deux raisons, aussi contondantes qu’un procès-verbal de gendarmerie. D’abord parce que je n’ai pas à trembler d’avouer ouvertement mon incompétence à peu près totale en la matière ; à chacun sa spécialité‚ il est grotesque de vouloir donner le change. Mais aussi parce que lesdites analyses musicologiques concernant Berlioz existent, et attendent ceux qui auront plaisir et profit à les consulter. Pour ce que j’en connais, elles se répartissent en deux catégories faciles à distinguer : les bonnes, bien faites, sans préjugés ni grilles d’interprétation préétablies, modestes et claires même pour les néophytes. Celles de Claude Ballif, de Fred Goldbeck, de Jacques Chailley ou de Serge Baudo, par exemple, qui demeurent éminemment précieuses. Et les autres, que je n’interdirai pas d’appeler les mauvaises, souvent sous la forme de thèses doctorales qui visent ostensiblement à se faire remarquer par leurs audaces fracassantes plutôt que par leurs réelles compétences à respecter l’auteur qu’elles étudient. Petits monuments obscurs, et bien dignes de le rester, du pédantisme navrant de ces esprits d’enfants qui, pour faire parler d’eux, sont prêts à dire et à démontrer n’importe quoi. Qu’on ne m’en veuille pas de ne pas donner de noms, ce serait leur faire trop d’honneur. Personnellement je m’obstine à préférer parler de Berlioz, et à tout faire pour essayer de le comprendre au mieux, non pas à partir des découvertes prétendument inédites de tel ou tel, mais à partir de lui-même et de lui seul. On se sera peut-être aperçu que cette tâche-ci est autrement passionnante.
Hors des tentatives simplificatrices d’explication par la chronologie de la production, qui se condamnent à fouiller obsessionnellement le terreau psychologique et biographique de la genèse créatrice ; en dehors aussi des lectures trop nouvelles et des réécritures trop à la mode du jour, de la musicologie, je ne veux pourtant refuser l’apport éventuel ni de l’un ni de l’autre, mais je tiens néanmoins à adopter un point de vue à la fois plus large et plus précis. Le plus difficile restant de bien poser la question, en prenant garde de ne pas induire de mauvaises directions ni de fourvoyer quiconque. Prétendre passer l’œuvre musicale de Berlioz au crible de la philosophie, ou la soumettre, tant qu’on y est, au tribunal de la raison, a toute chance de sembler horriblement cuistre et ridiculement déplacé. Le mieux, le plus simple et le plus juste, est d’en revenir encore une fois à notre point de vue initial et constant, beaucoup plus personnalisé et de ce fait plus profond : qu’est-ce que Nietzsche aurait pensé de l’œuvre berliozienne ?
Lui qui a jugé avec tant de pénétration l’art wagnérien, qu’aurait-il dit, au sens de sa volonté d’évaluation, de ce que le musicien a fait ?
 
 
Après toutes les recherches précédentes il est aisé de confirmer que le philosophe aurait trouvé dans les œuvres de Berlioz un nombre très important de positions fondamentales, immédiatement apparentées aux siennes, anticipant étonnamment sur elles, et même franchement identiques. On ne saura jamais plus tout ce que Nietzsche connaissait effectivement de Berlioz et de son œuvre, mais à fréquenter l’un et l’autre, on ne peut plus éviter le simple constat que le second se trouve pratiquement intégralement chez le premier. S’il avait pu considérer tout Berlioz -comme le destin est cruellement stupide d’interdire de si complètes rencontres ! -, Nietzsche tout littéralement s’y serait proprement retrouvé. La filiation est tellement prononcée, dans la lettre comme dans l’esprit, qu’on ne peut plus écarter l’hypothèse de l’inspiration de l’un par l’autre, ou ce qui revient au même, on ne parvient plus à croire encore à la coïncidence. Trop, c’est décidément trop.
Je prévois d’aborder les choses en suivant cinq points de vue complémentaires ; je me surprends moi-même à découvrir, sans l’avoir consciemment voulu, que chacune de ces questions absolument essentielles pour l’art de Berlioz comme pour la philosophie de Nietzsche, trouve son illustration à la fois dans toutes les œuvres du musicien, et plus particulièrement dans l’une d’elles, et à chaque fois parmi les plus grandes. Cela tombe providentiellement, et n’est évidemment pas un hasard mais une rassurante confirmation, si bien qu’il serait impensable de ne pas le souligner et de ne pas s’en servir. Ainsi un premier chapitre cherchera les principes des évaluations artistiques de Berlioz dans Benvenuto Cellini surtout. Un second s’étourdira de son style, grâce à Béatrice et Bénédict . Le troisième tentera la synthèse de ses positions puissantes concernant les rapports entre la musique et le texte en s’appuyant surtout sur les Nuits d’été et sur la Damnation de Faust . Le quatrième exposera le sens berliozien tout à fait exceptionnel de la tragédie : aveuglement dans Les Troyens , musique et amour avec Roméo et Juliette , musique et religion avec le Requiem et le Te Deum . Enfin pour couronner l’ensemble, le dernier chapitre essaiera de dégager l‘esprit de toute cette musique.
Un vrai traité de philosophie nietzschéenne. Chez Berlioz, on comprend vite à quel point Nietzsche est chez lui.
 
 
 
Principes
 
 
 
Benvenuto Cellini
Puisque le premier opéra de Berlioz prend pour sujet d’illustration ni plus ni moins que la condition de l’artiste dans la société, il est particulièrement désolant d’avoir aujourd’hui encore à lui retourner la question de son échec à peu près constant, ou du moins de son manque de succès désespérant : pourquoi Benvenuto Cellini n’a-t-il jamais pu conquérir la position qui pourtant lui revient ?
En 1853 Berlioz savait de quoi il parlait quand il confiait à l’un de ses correspondants qu’il y a " un feu du diable dans cette partition " 1  ; et en même temps il s’abusait cruellement en ajoutant : " je crois au succès ". Les représentations dirigées par Liszt à Weimar lui avaient donné du courage, alors qu’à peu près dans la même période il racontait la chute du même ouvrage lors de sa création à Paris. 2
Échec obsédant, dont les efforts les plus valeureux -de Liszt en effet à Serge Baudo en passant par Félix Mottl- ne sont jamais venus à bout. Cela me reste totalement incompréhensible : une musique aussi jeune et enjouée, véritable feu d’artifice sonore, ce pain béni -si du moins ils le savaient…- des metteurs en scène qui y trouveraient un prétexte excitant à afficher leur savoir-faire, ce rythme continuellement endiablé, cette souveraine désinvolture, cette maîtrise époustouflante des reliefs sonores et scéniques, tout cela fait un chef d’œuvre plus qu’attachant, et beaucoup plus réussi qu’on ne le dit et écrit encore en recopiant sans vérifier. Berlioz voyait juste : " variété d’idées ", "verve impétueuse ", "éclat de coloris musical" 3 , cet ouvrage lyrique devrait être le fleuron de l’opéra français, car on peut toujours chercher, on ne trouvera pas son égal.
Aristocratisme
En tant que tel, le conflit irréconcilié de son sujet, et de sa destinée garde en mains l’avantage d’obliger de repérer le premier principe de toute la création musicale berliozienne, et de poser aussitôt le problème qui y est enfoui. Celui-là, mille fois répété par l’auteur, tantôt avec dépit, tantôt avec orgueil, porte le nom d’élitisme ou d’aristocratisme de l’art. Celui-ci renvoie immédiatement à l’auteur son exigence en pleine figure, sous la forme d’un questionnement dont la solution risque fort de ne pas faire beaucoup

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