Hector Berlioz ou la philosophie artiste Tome 1
298 pages
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Hector Berlioz ou la philosophie artiste Tome 1 , livre ebook

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Description

Dans ce premier volume d'un travail de longue haleine sur Hector Berlioz, l'auteur tente de dégager les lignes directrices spirituelles et philosophiques du musicien. En effet, cet essai nous fait découvrir les talents d'écriture méconnus de ce compositeur romantique. Ainsi, à travers des écrits divers de Berlioz nous sont dévoilées les influences philosophiques qui ont pénétré son oeuvre musicale. Une symphonie en prose qui offre une impression fantastique à laquelle le lecteur ne peut que succomber, en attente du deuxième volume.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 juillet 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748387414
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Hector Berlioz ou la philosophie artiste Tome 1
Dominique Catteau
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


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14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Chapitre I. Berlioz et les philosophes
 
 
 
Je promets qu’on ne gaspillera pas son temps à poser d’abord la question auguste sous son aspect le plus temporel : Berlioz a-t-il eu une connaissance quelconque des professionnels de la philosophie ? A-t-il su quoi que ce soit des systèmes de pensée consacrés plus ou moins notoirement par la tradition de notre culture occidentale ? A-t-il seulement jamais cherché à savoir, a-t-il tenté de s’initier à cette discipline austère, a-t-il enfin -ou plutôt d’abord- essayé de lire tel ou tel illustre représentant de l’activité philosophique ?
On peut écarter à peu près d’emblée une première direction de recherche qui, comme les chemins de Heidegger, ne mène nulle part. Dans les textes et documents qu’il a laissés susceptibles de nous éclairer sur son parcours personnel, on ne trouve pratiquement rien en ce qui concerne d’éventuelles lectures nommément philosophiques. Fut-il seulement un lecteur assidu, ou du moins régulier ? Il faut reconnaître que ses confidences nous manquent. Pour prendre toujours la même comparaison, aucunement innocente, chez les Wagner on lit régulièrement, et on est fier de le dire et de l’écrire : il faut que cela se sache dans la postérité. Le Journal de Cosima tient ainsi un compte de bibliothécaire des volumes ouverts et déplacés. Berlioz n’a jamais eu de Cosima et, quoi que certains attardés pensent encore, n’a jamais eu le goût de la confidence individuelle : si surprenant que cela doive paraître aux préjugés, on sait peu de choses sur sa vie intime : ni ses Mémoires dans lesquels il mit son point d’honneur à ne jamais " dire que ce qu’il (lui plairait) de dire " 4 , ni dans sa volumineuse correspondance, il n’eut jamais l’habitude réglée de confier impudiquement ce qu’il faisait, ou ce qu’il lisait.
Impossible de faire le décompte un peu précis de ce qu’il a pu apprendre dans les livres. De plus il est évident qu’un musicien comme lui entretient d’autres intérêts qui le conduisent ailleurs : quand il confie ses lectures, on reconnaît d’abord ses auteurs favoris qui sont des poètes, comme Shakespeare ou Virgile, des romanciers comme Scott ou Flaubert. Sous cet angle, on peut gager sans trop de risque que si le hasard l’a conduit à la nécessité de prendre connaissance d’un ouvrage de philosophe, le caractère relativement exceptionnel du fait a dû suffire à ne pas le laisser passer sans consignation expresse.
Mais il y a une autre dimension dont il faut aussi tenir compte : qu’il en ait accordé ou non la confidence à son indiscret lecteur, ses investigations livresques doivent être repérées grâce aux fruits qu’elles auront éventuellement produits. Un esprit aussi fin et aussi lucide sur toutes les questions qui lui furent chères, peut-il avoir atteint cette intelligence sans l’avoir nourrie ? Pour avoir si bien pris et tenu sa place dans son époque, d’abord au point de vue artistique mais pas seulement, Berlioz aurait-il donc pu tout ignorer de ce qui s’y faisait, s’y pensait, s’y disait et s’y écrivait ? Pour écrire à son tour comme il a écrit, pour soutenir ce qu’il a soutenu, pouvait-il donc n’avoir rien su ? La préface des Mémoires sonne comme un avertissement : même quand il écrit noir sur blanc, par exemple à Wagner qu’il n’a jamais lu les pages ignorantes que ce dernier lui a perfidement consacrées dans Opéra et drame , faut-il vraiment le croire ? Tout ce qu’il a pu écrire par ailleurs confirme-t-il ou infirme-t-il son ignorance des débats esthétiques correspondants ? Il faut se garder d’être trop simple.
En conséquence la prudence oblige de ne pas oublier que le petit balisage qui suit ne vaut rien de plus précisément que ce qu’il est : la balise est faite pour être vue sans conteste possible, même si ce qu’elle indique peut encore rester incertain.
Parcours de la Tradition
Si l’on accepte de suivre commodément la chronologie, le premier nom illustre qu’on rencontre parfois sous la plume du musicien, est, comme on peut s’y attendre de sa part, celui qu’on n’attendait pas : Confucius.
Confucius
Les Mémoires intègrent une série de lettres dans lesquelles, sur le vif, Berlioz a raconté son deuxième voyage en Allemagne en 1846. Au beau milieu de la quatrième, adressée de Prague à Humbert Ferrand, Berlioz s’amuse à jouer de la référence à " Koang-Fu-Tsée, vulgairement dit Confucius " 5 pour se moquer à la fois des mœurs musicales parisiennes et… de lui-même. Ce qui, soit dit en passant, illustre magistralement la distinction chère à Vladimir Jankélévitch entre l’humour et l’ironie. Humour d’abord, à l’adresse des Parisiens : Confucius, séduit par la musique guitaresque du très antique Li-Pô, demeure sept jours et sept nuits sans dormir ni boire ni manger, puis compose sa sublime doctrine sur l’air de Li-Pô, et moralise tout l’empire de Chine en s’accompagnant de sa guitare. Conséquence : encore aujourd’hui les musiciens chinois doivent faire preuve d’un respect absolu et inconditionnel lorsqu’ils exécutent les oeuvres du maître 6 . A bon entendeur salut ! Ironie ensuite, retournée sur soi : " je joue de la guitare, moi aussi, et pourtant je n’ai jamais moralisé seulement la population d’une chambre à coucher de dix pieds carrés " 7 .
Dans son feuilleton du 29 décembre 1860, par après intégré à A travers chants , Berlioz reprend la même légende avec les mêmes perspectives dont l’importance pour lui est aveuglante, et la développe largement dans la présentation-titre qu’il improvise alors des " Mœurs musicales de la Chine ". Certes le Chinois, écrit-il toujours plaisamment, " a une musique que nous trouvons abominable, atroce, il chante comme les chiens baillent, comme les chats vomissent quand ils ont avalé une arête" 8 . N’empêche, se hâte-t-il d’enchaîner, les Chinois du moins savent respecter sans trahir les oeuvres de leur tradition magistrale. Ainsi tombe à nouveau l’exemple édifiant de Koang-Fu-Tsée, avec en passant une saillie obligée sur la manie européenne de trahir d’abord les noms propres étrangers et le rappel conjoint de la précaution du musicien allemand, auteur de La sylphide qui déclinait ainsi son nom sur ses cartes de visite : " Schneitzhöffer, prononcez Bertrand " 9 . Une fois encore Berlioz rappelle que Confucius moralisa un immense empire grâce à la mise en musique de sa pensée philosophique. Une fois encore et loin d’être la dernière, il s’amuse à détailler les châtiments impitoyables qui attendent les interprètes inattentifs ou mal intentionnés qui profaneraient l’ouvrage : on leur coupe l’oreille gauche, puis l’oreille droite en cas de récidive, pour finir par le nez. Berlioz peut conclure : " la législation chinoise d’ailleurs se montre là un peu sévère, car on ne peut exiger une exécution irréprochable d’une cantatrice qui n’a pas d’oreilles " 10 . On le disait plus haut, à très bon escient : à bon entendeur salut ! Celui de Berlioz en tout cas.
Platon
Dans un tout autre passage, le musicien nous livre une allusion tout à fait intéressante à Platon. Dans ses Grotesques de la musique , en guise de compte-rendu d’un opéra de MM. Halévy, de Saint-Georges et Leuven, intitulé Jaguarita , notre critique musical se livre à une variation majeure sur le thème de la crédulité humaine. Jaguarita , à la suite de quelques romans célèbres, exalte l’image idéale de la jeune femme sauvage, épargnée par les séductions douteuses de la civilisation. Berlioz accuse donc la naïveté et démonte le mirage, en rappelant d’abord la grossière rudesse des sauvages d’Amérique, bêtement idéalisés par les trop ignorants Européens, pour conclure avec sa malice coutumière, que décidément la présence de tels poètes parmi nous demeure un mystère à peu près impénétrable :
"Mais nous ne ressemblons point à Platon, bien que nous soyons très philosophes ; nous avons sur ce grand homme l’avantage de posséder les lumières du christianisme ; nous savons que les desseins de Dieu sont impénétrables, nous nous soumettons aux poètes qu’il nous envoie, nous ne les couronnons pas de fleurs et nous les gardons ". 11
Tout le paragraphe joue sur la corde fine du double sens : ironie subtile que cette déclaration de foi " très " philosophique, ou que cet avantage des lumières chrétiennes. Ambiguïté apparente que celle endossée d’un bout à l’autre par ce pluriel d’un nous faussement énigmatique. Car tout ceci doit évidemment être retourné et entendu à l’envers -ou en fait à l’endroit : " nous ", le public européen, qui remplissons la panse bourgeoise des salles de spectacles opératiques, nous nous croyons plus éclairés que l’antique Platon, quand l’honnêteté devrait nous obliger à chasser les charlatans qui nous ensorcellent de leurs mirages " idiots " et qui osent, de cela-même, se dénommer " poètes " 12 . C’est Platon qui avait raison, au moins dans le sens où Berlioz le prend ici. Car la condamnation du philosophe d’Athènes était plus large et plus dure : tous les poètes en étaient menacés, même les plus grands, comme cet Homère qu’il admirait le premier, ou comme l’aurait été ce Virgile que cite Berlioz avec la vénération qu’on sait. Tous les poètes, surtout les plus habiles, devaient être chassés de la cité belle de la vraie beauté enseignée par la seule philosophie. Toute poésie relevait alors de l’imitation et de l’imposture, ou plutôt du crime précisément de lèse-philosophie, à prétendre faire passer pour vrai ce qui n’est en fait qu’apparence d’apparence ou copie de copie.
Cela

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