Genevadown
140 pages
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Genevadown , livre ebook

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Description

Sedan Dellan, jeune sculpteur de 28 ans, réalise la statue d’une femme pour le compte du richissime baron Goldenstein. Sur l’invitation du baron, Sedan se rend à une réception. Le jeune sculpteur tombe sous le charme de la belle Annabelle et se lie d’amitié avec Jean, le fils du baron. Cette soirée dans la haute société de Genève va amener Sedan, bien malgré lui, à découvrir un secret pour le moins inattendu.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 septembre 2004
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748381030
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Genevadown
Sébastien Ripari
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Publibook
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
1.
 
 
 
Le bistrot de la Clémence donne sur une petite place de la vieille ville à deux pas de l’école des beaux-arts, école où je suis en dernière année d’art tridimensionnel. En fait, en parlant vulgairement, je suis sculpteur sur pierre. Je ne suis pas vraiment en dernière année, car mon cursus s’est terminé il y a deux ans maintenant, mais comme je suis resté ami avec le gardien, il me laisse un coin dans la cour pour pouvoir travailler en paix. Ce qui me permet, de temps à autre, d’emprunter les quelques outils indispensables que je n’ai pas les moyens de m’offrir. Il y a assez de fils à papa aux étagères de travail bien remplies pour me contenter. Et puis, pourquoi changer ? Je suis bien installé, je profite de la cantine de l’établissement, j’utilise les latrines et je ne dépends en aucune façon des horaires de l’école. En bref, je n’aime pas déroger à mes habitudes ! C’est, d’après ma mère, un vieux truc de famille. Mon père, lui, s’est contenter toute sa vie de placer des mouvements horlogers de précision dans des montres de luxe jusqu’à ce que la Swatch le pousse vers la sortie. Le vieux, bien incapable de modifier son emploi du temps a refait comme cela, chaque matin, le trajet à pied de la maison à l’usine. Et chaque matin, à l’heure précise où les lourdes portes de fer se sont ouvertes au son de la sirène, durant plus de quarante ans, il faisait les cent pas face à ces dernières qui restaient irrévocablement closes. Le vieux rebroussait chemin les épaules lourdes de dépit jusqu’au café des amis où il s’oubliait dans des flots de bière Cardinale.
Un matin, quelques heures avant la fin de sa première année de chômage, il a accroché un vieux fil électrique à la plus haute poutre de son petit cabanon où il cultivait son jardin privatif et s’est pendu sans un mot pour nous autre ! C’est ainsi, que voulez-vous, dans ma famille on a du mal à modifier ses habitudes.
 
La place du Bourg de Four baigne dans une lumière qui vient tout droit du Nord. Sur ma table, accoudé de fatigue, je contemple les marronniers sans feuilles. Ils ont, par leurs larges troncs, quelque chose du baobab. Un quelque chose de colossal qui déteint dans cette ville de lilliputiens. J’aime les arbres ! Je les aime tellement que, le jour de mon entrée aux beaux-arts, je n’ai pas hésité un instant, préférant la pierre comme support à mes délires plutôt que de choisir cette noble matière vivante.
Je dépose sur la table le morceau de verre que j’ai volé ce matin dans un atelier de l’école à un sculpteur original. Adouci par un long séjour au fond de l’océan, le sel marin l’ayant rendu totalement inoffensif, il renvoie des reflets mordorés qui me laissent rêveur. Le gars auquel je l’ai emprunté passe son temps à coller ensemble des centaines de vieux débris de verres trouvés sur les plages de l’ouest de la France. Le plus souvent ce sont des restes de bouteilles de bières transportés des mois entre deux eaux qui finissent par s’échouer sur le sable. L’artiste s’amuse à les assembler dans un ordre désordonné pour finir en une stupide oeuvre sans forme réelle qui porte toujours un nom prétentieux du genre « Acte de genèse avec Dieu » ou plus simplement « La choéphore aux pieds nus les bras levés vers le ciel en une jaculatoire oraison ».
Pour moi, ce morceau de verre n’a que la particularité d’une douceur extrême sur laquelle je laisse glisser mon pouce. Les arêtes ne veulent plus blesser les chairs et la forme me fait penser à un bonbon. Celui-ci, au moins, ne rejoindra pas une de ces réalisations grotesques qui finiront un jour ou l’autre dans un salon surchargé d’horreur d’une famille bourgeoise qui place l’héritage paternel dans de l’art contemporain. Je range dans ma poche mon porte-bonheur bien content de l’avoir sauvé de ce foutoir.
Le fond de ma tasse a noirci de marc qui, il suffit d’y croire, peut prédire l’avenir. Cette idée me réconforte et en un geste, je la retourne sur la table. Une tache saumâtre commence à dégouliner en direction de mon pantalon. Je passe délicatement mon index dans le liquide, cherchant un signe du destin. En plissant légèrement les yeux, il me semble reconnaître une forme phallique ou une lettre de l’alphabet grecque. Non, plutôt un idéogramme qui pourrait me dire quelque chose comme, je ne sais pas, peut-être « arrête tes conneries et réfléchis à la sculpture que tu dois finir pour demain » !
C’est cela, réfléchissons un peu me dis-je en arrêtant avec ma serviette, le flux de café qui me coule sur le pantalon.
 
 
 
2.
 
 
 
-.Qu’est-ce que c’est ? 
-.C’est moi Gina. 
-.Je t’ai entendu marcher tôt ce matin. Tu n’as pas dormi de la nuit ? 
-.Non, j’ai bossé. Tu veux bien me donner du café ? 
-.Encore cette satanée pièce. Avec elle pas de prise de tête, n’est-ce pas mon vieux ? Elle ne te demande pas de faire des efforts ! C’est plus facile de vivre avec une bonne femme de granit qu’avec une femme faite de chair, d’amour et de sentiments ! Mais elle, elle ne te le sert pas ton café hein ! ? … Tiens ! 
 
En me tendant la tasse brûlante, je sens l’orage de nos disputes monter avec violence. Gina commence toujours ses attaques par l’habituelle comparaison entre ma femme de pierre et elle. Puis, viennent ensuite les reproches sur notre couple, les lamentations, les gémissements de tout ordre pour se terminer au son sourd d’une porte que l’on claque. Elle n’a pas tort, Gina. Voilà maintenant presque trois mois que je travaille sur cette pièce, ma toute première commande. Mais, j’ai comme quelques difficultés morales à l’imaginer me quitter pour rejoindre dès demain, le jardin privatif du baron Goldenstein.
Le château du baron est situé dans les hauteurs de l’autre Genève, cette infime partie de la ville qui donne, aux yeux du monde entier, une réputation de richesse et un merveilleux vivier de gloires en tous genres souvent passées de mode ou déchues. Garcia-Marquez parle bien d’un « inconnu de plus dans la ville des inconnus célèbres » avec raison ! Un quartier lointain, inaccessible pour les types de mon espèce !
 
La porte a claqué sans que je m’aperçoive de quoi que se soit. Je ne sais même pas si dispute il y a eu ! Peu importe, de toute façon, je connais déjà la fin.
Il faut avouer que je n’ai pas été tendre avec elle ces derniers jours. J’ai passé la plupart de mon temps assis dans la cour de l’école à contempler ma créature, à la veiller de jour et de nuit comme une princesse enrhumée. Alors, j’ai négligé Gina et Gina, ce n’est pas son truc de se laisser négliger ainsi. Elle craque et elle devient carrément chiante ! Normalement, je me protège en lui apportant des fleurs, en l’écoutant déblatérer ses histoires de serveuse. Car, comme toutes les comédiennes de toutes les villes du monde, Gina est « actrice » et attend le bon rôle en servant des Rhums Coca dans un bar branché de Genève. Cela lui va bien à Gina, elle toujours si médisante en épluchant Gala les ongles vernis de bleu. Elle a un côté pétasse qui m’avait énormément excité, un soir où je fêtais la première d’un court-métrage de deux amis, spectacle nul, prétentieux et redondant projeté dans un squat devant un public défoncé. Pourtant, depuis quelques jours, son teint blafard loin du marbre rose et ses incessantes crises me poussent à fuir. Quand ce soir là, elle déposa mon verre sur une table sale, je n’aurais jamais pensé, un jour, partager sa vie. D’ailleurs, la vie de personne. C’est un truc avec lequel j’ai du mal. De savoir qu’une fois rentré chez soi, il faut commencer à faire des concessions, des efforts pour satisfaire l’autre et son ego. Très peu pour moi ! Ce n’est pas mon fort, ces histoires, encore moins en ce moment.
 
Dans la rue, les voitures font un ramdam de tous les diables. Il doit être midi et les bureaucrates s’énervent à ne pas pouvoir « luncher » à temps. Dommage pour eux !
 
 
 
3.
 
 
 
-.Doucement, vous allez érafler la voiture ! Plus haut ! Plus haut, là ! Faites gaffe un peu ! Ils vont bien finir par me l’esquinter ces branquignols. Une pièce que j’ai vendu cent mille francs, il ne faudrait pas me l’abîmer. 
-.Ne vous en faites pas, monsieur, on a l’habitude. 
La montagne qui venait de parler était le chef des transporteurs. Il avait la tâche de jouer avec trois grosses manettes qui ressemblaient à des boules de billard. Ils avaient sanglé ma créature de plus d’une tonne et essayaient maintenant de la déposer sans trop de dommages sur la plage arrière du camion. Pour cette manœuvre, ils étaient venus à trois.
La montagne, une cigarette au bec et une casquette « Ricola, bonbons aux plantes suisses » enfoncée sur des cheveux qui viraient légèrement au roux, un jeune type qui ne devait pas dépasser la vingtaine et qui portait sur le visage la niaiserie personnifiée et un cas social, un grand blond qui souriait sans arrêt en poussant comme un âne les fesses de la statue. Ils devaient faire partie d’une de ses associations caritatives qui emploie des fins de droit, des anormaux et des glandeurs devant l’éternel. Les gars viennent bosser six mois pour racheter leurs points au chômage et repartent ensuite dans la spirale administrative pour deux ans.
-.Si vous continuez à pousser ma Vénus par les fesses, elle va bien finir par vous mettre une baffe, dis-je au mongolien. 
-.Vous en faites pas monsieur, on a l’habitude ! 
Il me répétait cette phrase sans cesse comme pour mieux s’en convaincre.
-.On est des pros ! 
-.Ouais, on est…polyvalents…polyvalents

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