Elles, Jérusalem
238 pages
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Elles, Jérusalem , livre ebook

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Description



Jeune fille farouche et sensible, Diane ne s’en laisse pas conter. Pourquoi donc, malgré de vives réticences, se rend-elle à Jérusalem en compagnie de son amie Laurence ? Se doute-t-elle qu’elle y découvrira des femmes inattendues ? Peut-elle concevoir qu’au contact des pierres de la Ville sainte, elle trouvera une mémoire d’avenir ? Car elle va faire une rencontre bouleversante avec Marie-Madeleine, la disciple de Jésus dont le personnage fait encore aujourd’hui couler beaucoup d’encre. Aidée de son amie et d’un vieux prêtre, Diane devra percer les secrets de cette femme mystérieuse, troublante, triple et une. Et parcourir avec courage et obstination les ruelles de Jérusalem pour que se redessine sa géographie intime et spirituelle.

Romancier biblique et voyageur, spécialiste des débuts de l’ère chrétienne, Thierry Leroy nous offre ici son premier roman contemporain. Un coup d’essai peut-être, mais un joli coup de maître, certainement. Plus qu’un roman théologique, c’est l’histoire d’une rencontre. C’est un monde nouveau qui s’offre. Mais s’agit-il d’un monde passé ou d’un monde à venir ? Le style accroche, les personnages féminins séduisent, l’exactitude théologique rassure, les idées éveillent. Sans temps morts mais avec des personnalités ciselées, des remises en question, des bouleversements de statu-quo, un roman qui saura vous tenir en haleine, vous surprendre, et pourquoi pas vous convaincre.




Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 septembre 2011
Nombre de lectures 1
EAN13 9782748359947
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

A ces amoureux que la terre méprise et que le ciel désire
«  Sur ma couche, la nuit,
J’ai cherché celui que mon cœur aime.
Je l’ai cherché mais ne l’ai point trouvé.
Je me lèverai et parcourrai la ville.
A travers les rues et les places,
Je chercherai celui que mon cœur aime.  »

Cantique des Cantiques 3, 1-2
1

Diane avait aperçu le ruban pâle et rectiligne bordé par l’immensité de la mer et au-delà, les camaïeux de verts et d’ocres. Première apparition de ce bout de terre dénommé Israël, Palestine, Terre Sainte. Laurence l’appelle parfois par un nom, parfois par un autre, comme si elle ne parvenait pas vraiment à se décider. Diane avait trouvé plutôt décevant ce monde géométrique de bleus, d’ocres et de verts entrevu à travers le hublot.
Aux abords des bâtiments de l’aéroport flotte une vapeur qui n’est pas exactement du brouillard ni de la fumée. Un voile inodore à travers lequel les tôles tordues, le vestige d’aile et le réacteur planté dans le gazon ressemblent aux œuvres d’un étrange musée de plein air. Passablement affligé, le panneau Welcome in Israël  gît à côté de la porte du hall aux vitres brisées. Impressionnés ou indifférents, les touristes passent devant  ; il y en a un qui brandit son téléphone portable afin de numériser les traces de mort. L’amitié de Laurence préserve Diane de tout cela. C’est tout juste si elle remarque les militaires engoncés dans leurs gilets pare-balles arborant des mines affables malgré tout. Elle ignore ce type qui se permet de lui adresser un regard hors de propos. Laurence s’absorbe dans ses réflexions. Rien ne peut l’empêcher de réfléchir avec sa façon bien à elle de humer l’air qui l’entoure. Rien ne pourrait l’empêcher de penser, à l’exception peut-être de la fin du monde. Laurence est sereine, tellement solide, presque inhumaine. Le hall grommelle, chuchote, jacasse, s’interpelle sous des affiches criardes et kitsch. Les gens habitués à l’horreur vivent le moindre répit comme un oubli. Lorsqu’elle s’adresse enfin à Diane, Laurence prend une voix teintée d’une chaleur inhabituelle.
Elles s’approchent du tapis roulant qui dégurgite valises et sacs de voyage. Hier, Diane était encore à Paris avec Sébastien, et elle trouve que Paris est joli avec Sébastien.
Seb était adossé contre le mur et sirotait son thé en s’amusant de la montagne de chandails, de tee-shirts et autres pantalons qu’elle ne parviendrait jamais à fourrer dans son sac. La radio débitait une musique techno qui la secouait de réminiscences malsaines, mais peu lui importait, il était à ses côtés. Il avait tout de même changé de station et un journaliste lugubre avait pris le relais  ; yeux humides, voix graves, compassion sans révolte, toutes les catastrophes se ressemblent à la télévision. Un accident mortel  s’était produit près de l’aéroport Ben Gourion et tous, absolument tous les passagers d’un vol avaient péri. L’Airbus transportait entre autres une trentaine de rabbins qui revenaient d’un congrès des religions à Bruxelles. Les autorités israéliennes n’excluaient évidemment pas l’hypothèse d’un attentat, mais aucune revendication n’était parvenue à qui que ce soit. Les infrastructures de l’aéroport avaient peu souffert et il ne serait fermé que pendant quelques heures. La nouvelle avait coupé Diane en deux, il lui fallait trouver son paquet de cigarettes. Etrange paradoxe  : dans de tels moments, fumer l’aide à respirer. A la télévision, yeux de biche et mèche en bataille, les héros d’un manga se lançaient des rayons multicolores zigzagants et terriblement efficaces. Zapp  !… Cortège de sirènes hurlantes sur fond d’incendie, gros plan sur un barbu tétanisé, chapeau mou mis de travers, chemise blanche éclaboussée par le cadavre qu’il serre dans ses bras  : bienvenue sur le canal d’informations en continu  ! Des gens revêtus de gilets fluorescents, munis de sacs de plastique, à la recherche de lambeaux de chair qui doivent retourner à la terre mère. Selon les milieux informés, le Premier Ministre se préparait à donner une conférence de presse. Rappel historique sur l’A380, le dernier-né des Airbus, ses performances, sa contenance  ; un modèle d’innovation au cœur d’une technologie trentenaire. Il demeure difficile de croire qu’il ait pu tomber accidentellement.
Diane tenait son prétexte pour tout annuler, mais c’était compter sans Sébastien et sa morale  : elle n’allait tout de même pas faire sa poule mouillée  ! Il fallait qu’elle effectue ce voyage. Pour Laurence, au nom de leur amitié. Cependant, quelque chose en elle résistait et Sébastien ne l’ignorait pas. S’il avait réalisé à quel point elle était entravée, il serait venu dans ce maudit pays avec elles. Au contraire, il se disait convaincu qu’elle devait effectuer le voyage, seule avec Laurence. Elle lui en veut  ! Sa présence lui manque, elle apprécie tant le bras protecteur autour de ses épaules… Le soleil couchant pianotait sur les vitres et elle ne parvenait pas à fermer son sac. Fallait-il vraiment emmener cet épais paquet de feuilles dactylographiées que Laurence lui avait demandé de lire  ? Sébastien l’avait aidée à le replacer dans le sac en lui promettant de l’accompagner très prochainement dans les territoires immenses et vierges du Canada où ils s’offriraient à la nature et à l’optimisme. Pour le moment, elle avait rendez-vous avec un damné bout de terre bien trop petit pour contenir juifs et Arabes. Elle avait rendez-vous avec Laurence.

Elles n’ont pas atterri au Canada, mais parmi les camaïeux verts et ocre, au-delà de la bande pâle qui borde l’immensité de la mer. Leurs formulaires douaniers remplis, les entrants doivent patienter  derrière une ligne de peinture écaillée au-delà de laquelle une série d’aquariums à fonctionnaires absorbe et régurgite les passeports. Une famille juive attend, père en noir du chapeau  mou aux chaussures, chemise blanche, ficelles pendantes sur son pantalon. Ces ficelles, Laurence dit qu’on les appelle des tsitsit  et qu’elles servent à rappeler les commandements de Dieu[1]. Comme les nœuds que l’on faisait aux mouchoirs avant qu’ils soient de papier, pense Diane. Le fils est le clone de son père. La mère est vêtue d’une robe longue et foncée, sa chevelure est enserrée dans un fichu mauve. Les deux filles lui sont semblables. Le passage de Diane est fastidieux  bien que la douanière lui adresse un sourire de circonstance. En fait, tous les aquariums sont garnis de douanières dont le sourire est de circonstance par-dessus le foulard multicolore et la veste bleue stricte.
—  Où logerez-vous  ?
Question répétée deux fois, en anglais. Pourquoi s’obstine-t-elle à parler cette langue alors que Laurence parle parfaitement l’hébreu  ? Les narines de l’amie se pincent, signal infaillible d’un manque de patience. Non, l’hôtel n’est pas un hôtel pour touristes, oui, c’est comme un hôtel, évidemment elles sont attendues. Laurence entrouvre son sac, un petit sac à dos en cuir naturel que les années ont patiné  :
—  Here is the fax .
Finalement, la suspicion laisse place à un sourire impersonnel  :
—  OK, you’re welcome. Beroukim habayim   !
L’épisode a réactivé de bien désagréables souvenirs.
C’est avec un chauffeur de taxi collectif et un adipeux parfumé que Diane poursuit sa découverte du pays. Elle aurait préféré éviter l’adipeux et approfondir davantage avec le chauffeur. Il paraît vingt-cinq ans environ, il est à peine plus grand qu’elle, ce qui est tout dire. Il est aux petits soins pour les bagages et aussi pour son joli minois, mais plutôt discret malgré son look chemise-débraillée-chaîne-en-or-dans-les-poils. Il s’appelle David. Elle échange quelques mots avec lui avant de prendre place à l’intérieur du sherout   –  c’est ainsi que l’on appelle les taxis collectifs  –, un Volkswagen bleu métallisé. Laurence clôt ses paupières  ; elle est blafarde, bien plus pâle qu’habituellement. Diane n’avait pas encore remarqué les poches sous ses yeux. Comme le Volkswagen tarde à se remplir, elle descend fumer une cigarette avec David et ses collègues  ; elle ne regrette pas d’avoir appris l’anglais  ! Lorsqu’elle revient à sa place, Laurence semble dormir, ses mains bronzées posées sagement l’une sur l’autre. La quarantaine lui a sculpté des ridules au coin des yeux et à la commissure des lèvres. Laurence adore cette terre que selon elle, Dieu a autrefois choisie. Le Dieu auquel elle croit aurait séduit les gens de ce pays comme l’homme une femme. Depuis lors, le moins que l’on puisse dire est que ce coin de terre ne connaît plus la paix. Le Dieu de Laurence aimerait donc voir souffrir ce qu’il chérit  ? Enfin, David se met au volant et démarre. Diane prend ses aises car une place est libre à côté. Ils dépassent un troupeau de voiles blancs qui s’embarque dans un autocar cabossé. Par deux fois, Diane a remarqué ces religieuses. Tout d’abord à l’extérieur où elles s’étaient furtivement signées en apercevant les vestiges de l’avion. Puis devant les toilettes où elles répandaient des flots de paroles et de rires. C’est leur ville sainte, leur Terre Sainte. Les gens peuvent se faire la guerre pour un bout de terre ou pour leur dieu, ce n’est pas grave, les poubelles de l’histoire sont profondes et elles se font leur trip religieux. Leur autocar porte sur son flanc une inscription en lettres bleues presque effacées  : «  Instituto della Madona   –   Jérusalem   ». L’autocar lui rappelle un poulpe en colère qui crache son encre noire. David pile devant un adipeux qui impose sa masse. Il monte à l’assaut, il est vraiment énorme, c’est un outre-mangeur. Horriblement parfumé.
—  Houlala  ! Pardon ma jeune dame  ! Vous êtes française, bien sûr  ?
Il a envahi le véhicule, il s’est précipité sur la place libre, il colle. Diane n’a rien contre les gros qu’elle trouve plutôt sympathiques en général, mais le sans-gêne de cet homme la révulse. En s’éventant avec son journal, il l’accable de son eau de toilette bon marché.
—  Ah, moi je vivais en France avant  ! Je suis citoyen d’Israël… Ce serait un bea

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