Du rif dans le kif II
140 pages
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Du rif dans le kif II , livre ebook

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Description

L’imposture de Paul Geister ne pouvait durer plus longtemps : son dernier livre n’est qu’un vulgaire plagiat. Sa maison d’édition lui signifie la fin de son contrat. Pour l’écrivain, le monde s’écroule. Mais lorsqu’il découvre un cadavre au milieu de son salon, la surprise est totale. Surtout quand il se rend compte que tous ses manuscrits ont disparu...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 septembre 2004
Nombre de lectures 2
EAN13 9782748381061
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du rif dans le kif II
François Ricaud
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


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14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
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Le cadavre gît au milieu du salon.
Je reste suspendu au-dessus de l’abîme. Le gouffre est profond. Il m’engloutit. Le corps entier, les orteils, les petits bouts de peau happés ; mes émotions, ma vie et ma fille et ma femme. Je crois que si elles n’étaient pas là… Plagiat, je ne suis qu’un plagiat. Je copie, j’arrache, j’annote et dévalise les idées des autres. Dans le grenier de mes vieux livres, j’ai empilé des volumes las d’être compulsés. Je suis comme l’un d’eux : lu et relu. Racorni jusqu’à la trame. Recroquevillé et fripé, tentant d’afficher une dernière fois un titre ronflant. Imposture… imposture… C’est comme un orage qui résonne en moi et qui n’en finit pas de tonner à mes tympans. Le petit sourire de ma fille, dans son berceau encore, qui me culpabilise encore. Papa est un imposteur, un trafiquant de mots. Je refourgue de la came coupée. J’en pleure. J’en bavoche. J’en crocodile. J’en ai rien à foutre. J’en sais trop rien. J’en est un autre que je ne veux plus voir. Imposture. Pervers. Faux créateur, faux artiste.
Mais les livres, c’est ma passion, ainsi que le tiercé. Les mots, je ne me nourris que de cela. Depuis tout petit. Pas grand, tout juste marmot, j’écrivais, je composais des petits livres qui racontaient des histoires. Mon histoire. Le petit cheval. La fanfare du village. La tempête en montagne. Comme c’était limpide ! J’ai même fini par m’auto éditer. A l’aide de petites agrafes, de petites pages soigneusement reliées, amoureusement recouvertes d’une écriture dactylographiée, qui faisait plus vrai et mon écriture normale était illisible ; j’ai fait mon premier livre. Bonheur suprême, c’est ma mère qui l’a corrigé, lu, critiqué et promu. C’est à dire qu’elle en a fait la publicité jusqu’au pas de la porte, un coup à la voisine et maternellement rangé dans un dossier qu’elle m’a ressorti vingt ans plus tard.
Mais ce n’est rien. L’imposture n’a pas commencé là. L’enfance à ses défauts mais pas celui de la malhonnêteté. Pas encore. La tricherie, c’est à l’école qu’on l’apprend. Bon, allez, j’accorde que la vie est bien faîte et qu’elle permet d’apprendre à nous tromper à tous les étages, à tout âge.
Mais là, j’ai fait fort. Je me suis enseveli dans un trou et j’ai demandé à ce que l’on me jette de la terre dessus. La honte me poursuit. Et ce gouffre qui n’en finit pas de s’ouvrir sous mes pieds. J’ai beau être dans la fosse, j’ai la sensation de tomber. Terrible Icare qui nous poursuit de ses ailes de cire. J’aperçois le labyrinthe de la vie où je vais de nouveau errer, grillé, par le soleil, l’éditeur et mes proches.
Coupable, je suis coupable et je ne demande aucune pitié. Que l’on me tire à boulets rouges, à hue et à dia ! je m’en fous. Mais comment résister. Je suis déchiré. L’amour du livre, la couverture qui me happe et me tient chaud et puis plus rien.
La guerre des boutons est mon premier roman. Lu en entier. D’une traite. Cinq fois ou sept fois de suite. Comme je n’avais aucune envie de faire mes devoirs, j’expliquais à mes mentors que pour devoirs, je préparais une leçon de lecture. Comme si la lecture était un devoir ! C’était un plaisir et m’y roulais dedans, comme un démon dans sa luxure. A dix ans, j’avais deux rêves : ne rien faire et lire. Regarder la télé aussi mais à l’époque mes parents ne possédaient pas de lanterne magique, je ne savais donc pas ce que c’était. La télé, c’était la curiosité. La lecture et rien foutre, la passion. Comme je regrette ce temps béni où je pouvais me vautrer une journée entière sur mon lit en dévorant les contes des mille et une nuit, de Grimm, en invoquant la sacro-sainte leçon de lecture à préparer. Plus tard, lorsque les devoirs devinrent de plus en plus compliqués, je ne pouvais prétendre qu’à une ou deux lectures par mois. On lit peu à l’école française. Trop peu à mon goût. Ma mère me confisquait mes livres. Ce furent une longue suite de constipation. Je restais des heures aux toilettes. On vivait à Paris dans un appartement avec moquette. Les toilettes spacieuses offraient une aire de lecture tout à fait appropriée. Balzac, Kafka, Zola, Flaubert et qui d’autres encore. La lecture dévorait mon temps. Ce n’était pas l’intérêt que j’apportais à la pensée de l’auteur, plutôt l’intuition d’être absorbé par quelque chose de plus puissant que tout ce que je connaissais ; c’est ce sentiment qui a bouleversé ma vie et qui a fait de moi ce gredin sans scrupule. C’était simple. Un livre est vite fait. Quelques pages, une couverture. Et là, votre nom en lettre d’or pour la postérité. Grandiose. Les étoiles qui chantent vos louanges. Et même dans les étables de Bethléem, il se peut que l’âne parle de vos écrits. Les ânes parlent. Je l’ai lu dans les mémoires d’un âne. Et paf ! encore un plagiat. Une idée qui tient la route. Et hop ! Je m’en empare sans même m’en rendre compte. De la copie, du sosie et soyons moderne du clonage. Et cette façon de parler, cette tournure de phrase je l’ai piqué à Frédéric Dard, à Coluche et un zeste de Bigard. Les idées elles fourmillent sous ma caboche et puis lorsque le rideau s’ouvre, il ne reste plus rien. Plus un gramme de cervelle. Tout est sucé, resucé, piqué. Suis-je le seul ? n’est pas la question. Je suis comme je suis et le fait est que la société considère que je suis mauvais. Le fait est, que je suis d’accord. Mais que peut-il sortir de bon de quelque chose de mauvais. Je suis un pur produit de la société. Ce n’est pas mon intention aujourd’hui de cracher dans la soupe. Plagiat. J’avais quelques idées. Un film avec Mathieu Kassowitz où un jeune homme se fait passer pour un résistant. Un bon père de famille se fait passer pour un docteur. Usurper l’identité d’un autre. Tout cela me revient en tête. J’ai joué. J’ai perdu. C’est peut-être parce que je suis trop sincère. Trop bête. Qui n’a jamais plagié ? Lorsque je veux rédiger un texte administratif, je vais tout de suite voir s’il en existe déjà un exemplaire que je pourrais recopier. Cela ne s’invente pas c’est dans ma nature. Au moment où j’écris, je pense à quoi ? Regarder dans les journaux si je ne trouve pas d’article sur le plagiat. J’ai tout l’attirail. Le dico des citations, analogiques, des couleurs, des symboles. Les manuels d’écriture : j’écris mon premier polar (le deuxième on ne sait pas trop comment cela se passe), j’écris pour la jeunesse, le style littéraire, l’art du scénario. Ma main se tend vers la liste dans mon tiroir. Je suis déjà en manque d’info. L’envie est trop forte. J’ai besoin de toute ma volonté pour ne pas aller directement vous recopier ce qu’il y a dans ces bouquins. Comment devenir le parfait petit écrivain ?
Les recommandations sont claires : écrire clair, lisible. Beaucoup corriger et lire beaucoup. Ce que je fais. Et plaire et vouloir plaire. L’acte d’écrire et si profond dans sa démarche qu’il m’a fait sombrer dans une quête de la phrase la mieux tournée, dans le texte le mieux construit.
Et puis plus rien, le trou noir. J’ai plagié honteusement et bêtement j’ai cru un instant que c’était moi qui écrivais. Un dédoublement de personnalité. C’est tellement simple. On lit un livre. Harry Potter par exemple. Tiens, ce passage m’intéresse. Tiens, cette expression, tiens, ce trait de personnage. On calque un bon coup. On secoue un peu pour mélanger et l’on obtient un nouveau texte et on peut presque prétendre l’avoir écrit. Halte plagiat. Oh ! je sais ce que vous pensez. Vous vous dîtes ce type là, il cherche des excuses. Bien que je ne déteste pas faire des concessions avec moi-même, il est vrai que cela m’arrangerait pas mal que vous compreniez qu’un écrivain quel qu’il soit est en droit de pomper tout ce qu’il veut. Et les droits d’auteur ? Le fric, le fric. Toujours le fric. Bon d’accord. Les droits d’auteur. Et le plaisir d’écrire de la belle phrase, de la recherche chez un écrivain de la perle. Cette petite bulle à cueillir et à tresser avec d’autres petites perles pour en faire le plus beau collier du monde. A se rouler par terre. Si tu veux offrir un collier, tu n’as pas besoin de publier. Les causes du mal sont plus profondes.
Je pensais m’en sortir rapidement. Une petite nouvelle : je suis un plagiat, j’ai triché, la honte et puis ma vie a changé et je suis parti vers d’autres horizons. Mais non, l’écriture c’est toute ma vie. Je ne peux pas lâcher l’affaire aussi facilement.
 
L’idée m’est venue un jour de grande solitude. Comme toutes les mauvaises idées d’ailleurs ! Sur la nappe cirée de la table ronde, j’avais ma Starwriter. Un bon polar dans les mains. Et j’ai dit pourquoi pas moi. Le début. Car il faut un début. Un bon, un qui accroche. Mais moi, le problème c’est que je n’avais pas de début. J’avais bien écrit quelques poèmes et c’était tout. Merveille des merveilles. Juste à côté de moi, là, il y avait quoi ? Un polar. Le coup du père François. J’ai lu le début. Bon, c’est l’histoire de San Antonio. Un vieux prof le contacte. Quelqu’un a du rentrer chez lui car on a touché à son horloge. Je remplace l’horloge par un pendule et le tour est joué. A la place d’un vieux prof, c’est un copain qui n’a pas eu de bol. Il lui arrive les pires choses, il est alcoolique. Cela tombe bien je venais juste d’en rencontrer un. La scène se passe à Paris mais la description que je donne c’est la tour Fafet à Amiens. Je m’envole. Ô ! joie. J’oublie ma solitude. La nappe, le parquet qui grince, la campagne picarde alentour, le gris de l’hiver et ma profonde, immense so

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