Du Cheveu défrisé au cheveu crépu
150 pages
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Du Cheveu défrisé au cheveu crépu , livre ebook

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Description

« Par la richesse de la réflexion et la pertinence des témoignages recueillis, cet ouvrage peut contribuer à susciter la prise de conscience du traitement tout à fait inapproprié que le Noir inflige à une partie de son corps. Au fond, il constitue une remise en question des rapports entre dominants et dominés, entre Blancs et Noirs sans verser dans le manichéisme. Les éléments de solution que ce livre propose traduisent la nécessité pour ces derniers d’établir leurs propres échelles de valeurs, leurs modèles, leurs canons de beauté. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 janvier 2013
Nombre de lectures 11
EAN13 9782748398342
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du Cheveu défrisé au cheveu crépu
Juliette Sméralda
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Publibook
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Du Cheveu défrisé au cheveu crépu
 
 
 
Les causes qui font agir sont distinctes des raisons ou des motifs …
 
 
 
À sa communion, elle se représentait en ange qui s’envolait « toute rose et blanche » (p. 62). Elle récidive (p. 65) : « j’aurais pu m’imaginer avoir des joues roses comme un ange, si je n’avais pas vu mes mains rendues plus noire par l’éclatante blancheur de ma robe. » « J’ai vu, (…), le film Les Verts pâturages , dans lequel les anges et Dieu lui-même sont noirs, et cela m’a terriblement choquée. Comment imaginer Dieu sous les traits d’un nègre ? Non, ce n’est pas ainsi que je me représente le paradis. Mais, après tout, il ne s’agissait que d’un film américain. Nous sommes plus évolués à la Martinique. Certes, le Dieu que le père Labat révélait à mes ancêtres est aussi le Dieu des gens de couleur, mais il est blanc. » (p. 65).
Mayotte Capécia
 
 
 
Préface
 
 
 

Yves Antoine
Écrivain
 
 
L’esclavage des Noirs qui a duré environ quatre siècles et qui a fait des millions de victimes – aucune étude n’en a encore déterminé le nombre plus ou moins exact – n’a pas été que l’asservissement de l’homme noir par l’homme blanc à des fins strictement économiques. Pour assurer sa pérennité, le régime colonial prenait appui sur un appareil idéologique bien huilé visant à la déstructuration absolue de l’univers mental du colonisé. Ainsi l’abolition de l’esclavage n’a pas forcément donné lieu à ce que l’on appelle une décolonisation des esprits. C’est ce qui a peut-être porté Frantz Fanon à écrire dans Peau noire masques blancs  : « Il y a identification, c’est-à-dire que le jeune Noir adopte subjectivement une attitude de Blanc » (p. 120). Il a ajouté plus loin : « Par l’inconscient collectif, l’Antillais a fait siens les archétypes de l’Européen » (p. 154).
Les propos d’Albert Memmi vont dans le même sens : « L’écrasement du colonisé est compris dans les valeurs colonisatrices. Lorsque le colonisé adopte ces valeurs, il adopte en inclusion sa propre condamnation… Des négresses désespèrent à défriser les cheveux, qui refrisent toujours, et se torturent la peau pour la blanchir un peu » ( Portrait du colonisé , p. 138-139). Juliette Sméralda, par la publication de Peau noire, cheveu crépu (2005) et Du cheveu défrisé au cheveu crépu. De la désidentification à la revendication (2007), appartient d’emblée à la même famille d’esprits que les écrivains cités.
Ces deux ouvrages, mentionnés à dessein, présentent des analogies frappantes : ils abordent des thèmes communs, envisagés dans une perspective sociologique ; dans les deux cas l’auteur se réfère à des témoignages d’acteurs. Si Peau noire, cheveu crépu se veut un travail plus savant, plus approfondi, Du cheveu défrisé au cheveu crépu repose sur des fondements théoriques solides et démontre de façon convaincante que le phénomène du défrisage chez le Noir, loin d’être un acte individuel libre de tout déterminisme historique et social, trahit plutôt un complexe d’infériorité hérité de la période coloniale. « Certes, la pratique du défrisage (autant que celle du blanchissement de la peau observée dans les sociétés africaine et indienne), écrit Juliette Sméralda, n’a pas pour seule fonction d’entretenir le système de domination relayé par une esthétique exogène, inspirée des canons occidentaux, et par là même, d’entériner la légitimité de ce système, mais cette dimension symbolique des pratiques de dénaturation/désidentification est généralement méconnue. Elle est en effet masquée, poursuit-elle, par l’idéologie de la « liberté de choix » qui tend à faire admettre que les pratiques esthétiques, basées sur une dénaturation de caractères physiques, sont des pratiques comme les autres, écartant, de ce fait, ce que ces pratiques ont de déterminé (comme l’enseigne l’histoire de l’esclavage des Noirs). Dans le même ordre d’idées, Juliette Sméralda attire l’attention sur les conséquences pernicieuses de la consommation, par les petites filles noires, des objets ludiques telles les poupées occidentales aux cheveux blonds, aux yeux bleus et à la peau blanche. Les petites filles noires « finissent, selon elle, par s’identifier à ces objets ethniques, à force de les coiffer – geste par lequel elles s’habituent à la texture et à la couleur du cheveu lisse et long –, alors qu’elles ne bénéficient d’aucune expérience parallèle, qui les habituerait à la manipulation de la texture crépue de leurs propres cheveux crépus ou frisés ». L’auteur n’a pas manqué de dénoncer la complicité des médias audiovisuels, des agences publicitaires dans la diffusion et l’imposition de valeurs esthétiques occidentales.
Du cheveu défrisé au cheveu crépu indique pour le Noir un parcours qui va de l’aliénation à la reconquête de soi ; du rejet à l’acceptation de soi. Juliette Sméralda précise que cette démarche très significative se limite à une minorité. En revanche, elle pose dans la conclusion de son livre les conditions d’un changement profond dans les comportements en soulignant le rôle que devront jouer les spécialistes du cheveu, les créateurs de mode, les chefs d’entreprise, les salons de coiffure. C’est à ce prix que « le cheveu crépu, nous dit-elle, sera respecté par le porteur, par la société, par les spécialistes du cheveu, et par l’industrie de la cosmétologie… ».
Par la richesse de la réflexion et la pertinence des témoignages recueillis, cet ouvrage peut contribuer à susciter la prise de conscience du traitement tout à fait inapproprié que le Noir inflige à une partie de son corps. Au fond, il constitue une remise en question des rapports entre dominants et dominés, entre Blancs et Noirs sans verser dans le manichéisme. Les éléments de solution que ce livre propose traduisent la nécessité pour ces derniers d’établir leurs propres échelles de valeurs, leurs modèles, leurs canons de beauté. De ce point de vue, non seulement Du cheveu défrisé au cheveu crépu apparaît, dans une certaine mesure, comme le complément de Peau noire, cheveu crépu , mais il illustre la tendance actuelle de la plupart des chercheurs noirs à vouloir créer leurs propres schèmes de pensée sans renoncer pour autant aux emprunts d’origine culturelle différente.
Yves Antoine auteur d’Inventeurs et savants Noirs – L’Harmattan, 2005
 
 
 
Avant-propos
 
 
 
Ce livre n’est pas une suite à Peau noire cheveu crépu. L’histoire d’une aliénation 1 , bien qu’il entretienne un lien avec cette étude consacrée au traitement du cheveu crépu et de la peau noire. En effet, beaucoup d’enseignants nous ayant signalé que cet ouvrage leur servait de support pédagogique, et compte tenu de la pénurie de travaux consacrés à cette problématique, nous avons voulu mettre à leur disposition un outil supplémentaire, construit sur la base de témoignages de contributeurs, qui connaissent de l’intérieur 2 l’objet (le défrisage) traité ici.
Des situations, comme celles que nous livrent les biographies partielles de Milka Valentin, de Roger Parsemain, d’Aline Tacite, de Micaela Rojas et de Gai Constable, existent sans doute par milliers, à supposer que l’on s’aventure à recenser autant de témoignages qu’il y a de « victimes » du rejet du cheveu crépu dans nos types de sociétés. Aussi, pour évaluer l’importance de la problématique traitée présentement, point n’est besoin d’aller consulter les ouvrages des anthropologues et autres spécialistes des relations raciales ; point n’est besoin non plus de multiplier les exemples biographiques : il suffit de s’arrêter aux trois générations d’Antillaises qui s’expriment dans notre ouvrage, pour se rendre compte que chacune nous livre, en quelque sorte, une version différente de la même "histoire". Il est manifeste que les représentations négatives rattachées au cheveu crépu, dans nos sociétés, sont très anciennes, comme le montrent les expressions dépréciatives que recèlent les témoignages rapportés. Les attitudes subtilement exclusionnaires 3 que génère cette forme de stigmatisation verbale, et les comportements discriminatoires qui l’assortissent, véhiculent un racisme ordinaire 4 banalisé 5 depuis l’origine des sociétés antillaises, dans le cadre des relations d’abord informelles 6 que les Antillais de diverses origines raciales entretiennent avec ceux des leurs, dont les caractères somatologiques sont négroïdes. Ce racisme ordinaire – incorporé à la structure des conduites de dénigrement observées dans ces sociétés –, en fait un phénomène social objectif (collectif) – et non pas individuel (subjectif), comme l’on peut être tenté de le croire 7 . C’est pour cette raison qu’il faut éviter de désincarner ce racisme de proximité , et l’idéologie qui le sous-tend, en attirant l’attention sur le fait qu’il est dirigé sans aucune ambiguïté, contre les composantes de nos sociétés qui présentent une physionomie africaine (cheveu crépu et peau noire). Cela oblige donc à prendre ce phénomène pour ce qu’il est : un racisme antinégriste 8 ou anti-Noir . Il se distingue du racisme social , dont sont par exemple victimes les Indiens 9 à la Martinique. Du fait que ce racisme s’exerce contre l’une des composantes d’une même société, dont l’une des plus fortes spécificités est d’être multiraciale, il installe le groupe-cible dans une relation asymétrique aux autres, qui est préjudiciable à ses membres, au moins symboliquement.
Traiter la question de ce racisme ordinaire de manière anecdotique – à travers la seule problématique de la stigm

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