Derrière la montagne
156 pages
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Derrière la montagne , livre ebook

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Description

Après avoir terminé ses études d’ingénieur en Chine, Mathieu Col et son ami Olivier partent traverser le Tibet dans toute sa largeur.Il nous raconte jour après jour ses aventures et surtout sa rencontre bouleversante avec Mgompo, un moine tibétain qui les accompagnera tout au long de leur périple...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 mars 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748382211
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0064€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Derrière la montagne
Mathieu Col
Publibook

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Publibook
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Avant-propos
 
 
 
Il y a des choses qui paraissent immuables, plantées là depuis longtemps, et pour quelques siècles encore. Ne vous est-il jamais arrivé au cours d’une escapade en forêt de découvrir un arbre plus beau et plus grand que les autres ? Un sapin ou un chêne dont émanait je ne sais quel parfum, une présence, une noblesse indescriptible ? Ce genre de séquoia qu’on a envie de prendre à bras le corps pour humer l’odeur extraordinaire de sa mousse, et sentir son écorce rugueuse et tendre caresser sa peau…
Paul-Emile Victor était un grand mélèze, un arbre qui devait vivre mille ans, il l’espérait du moins. Un arbre protecteur dont la présence rassurait, embellissait la forêt, et portait son âme.
Mais il arrive parfois, qu’au détour d’une clairière on cherche des yeux la silhouette d’un ami, et qu’on ne la retrouve plus. L’arbre sous lequel on avait l’habitude de se reposer n’est plus là. Le temps nous l’a arraché, une tempête trop violente, un coup de vent malchanceux…
Si vous naviguez vers Bora-Bora, du côté du Motu Tané, « l’îlot de l’Homme », ou si vous baroudez jusqu’à Ammassalik, au bord du cercle polaire, ne cherchez plus le vieux sage aux yeux bleus, Paul-Emile Victor est parti… Personne ne sait très bien où. Vers des contrées encore inexplorées, peut-être. A coups de rames, ou derrière un traîneau, à la recherche de nouvelles étoiles. S’il n’est pas en compagnie du Commandant Charcot ou de S t Exupèry, il doit être auprès du Petit Prince, ou d’Apoustiak, « le flocon de neige ». Ensemble ils discutent de pamplemous­siers, de planètes toutes petites, de phoques, ou d’allumeurs de réverbère.
Paul-Emile Victor aimait les Hommes, ceux qui ont eu la chance de l’écouter, de le lire, ne me démentiront pas. Il faut l’avoir entendu raconter l’extraordinaire épopée d’Amundsen, découvreur du pôle Sud. Il faut avoir dévoré ses notes et croquis ethnographiques. Il avait ce talent formidable qui permet de communiquer. Communiquer ses émotions, ses rêves, ses passions, sa rage de vivre.
« Etre un aventurier c’est savoir s’enrichir, et savoir être utile aux autres », quelle bien belle maxime. En 1991, « Wittou », comme l’appelaient ses amis Eskimos, nous adressait un dernier message :
— Construisez votre vie,
— Seul ce que vous n’avez pas tenté est impossible,
— Et… cramponnez-vous !
Il voulait que chacun s’y retrouve et fasse de sa vie une fête. « Polémile » n’a pas rêvé sa vie, il a vécu ses rêves. Alors rêvons mes amis, rêvons comme des enfants, et accomplissons nos rêves en adultes. Ayons une vie extraordinaire, construisons-la comme bon nous semble, avec panache, donnons aux gens qui parleront de nous l’envie de mettre un « H » majuscule au mot « homme ».
Peut-être alors notre vieux camarade sera-t il fier de nous… « Les aventuriers ne meurent jamais, ils disparaissent, ils s’évanouissent ». Paul-Emile s’en est allé pour un dernier voyage. A son grand regret.
Il était le parrain de notre expédition Transtibétaine.
 
 
 
 
Le Chinois au bord de la rivière
 
 
 
Goutte à goutte les rêves s’effacent de l’agenda. Les gouttes emportent avec elles l’espoir. Les mirages aventureux, de plaines tibétaines et d’odeurs de thé. Tout s’en va. Goutte à goutte le liquide descend dans la bouteille et rentre dans mes veines.
Il manque un carreau à la vitre de ma chambre. Dehors, le bruit du vent, des vélos qui passent. Cela fait bientôt quatre mois que je suis arrivé en Chine…
Y a-t-il encore quelqu’un dans cet hôpital gris ? Non, je suis seul. Je suis seul et fatigué. Incapable de tenir debout, las de tout ce qui m’entoure. A cause de je ne sais quelle saloperie qui pompe toute ma vie. Presque honteux de ne pas être à la hauteur du rendez-vous, je pleure doucement. Rien de ce que j’avais imaginé ne se fera. C’est foutu.
 
 
 
 
 
 
Quatre mois déjà que je suis arrivé en Chine. Quatre mois, est-ce assez pour comprendre quelque chose au pays visité ? Sans doute pas, même avec la meilleure volonté du monde, même en apprenant la langue, en essayant de vivre le plus possible comme les habitants. C’est peu, mais c’est un bon début.
30 avril 94 –  «  Huanying Zhongguo, huanying  !  » 1 . Je me souviens de la descente de l’avion, et de la froideur de l’air qui m’avait sauté à la gorge. Déjà le bruit grondant de la ville, de la masse humaine qui bouge, soufflait à mes oreilles, et les odeurs de friture et d’essence me piquaient les narines. J’étais en Chine, quelque sept cents ans après Marco Polo, et rien de ce qui peuplait mes rêves d’enfant n’était présent… Des grues, des klaxons, du béton, et des gens partout, à perte de vue. Un pays sale, bruyant et malodorant, c’était donc là l’Orient dans sa réalité moderne.
Qu’étais-je venu faire si loin de tout ce qui faisait hier ma vie ? Il fallait sans doute que je m’éloigne, que je prenne l’air. En France, en Occident, on construit sa paix en bouchant toutes les échappées vers la lumière. On se roule en boule dans sa sécurité et son confort, en élevant un fragile rempart contre le vent, les étoiles, et la différence. Il fallait que je parte, pour que le voyageur qui sommeille en moi ne s’endorme pas trop vite. Abandonner un moment ceux qui m’aiment, ce que j’ai de plus cher, pour me remettre en question. Et écouter la musique du monde d’une oreille vierge.
Je voulais revenir en Asie 2 , j’avais choisi la Chine et le Tibet. Je devais d’abord effectuer mon stage de fin d’études dans une université de province, au Sichuan 3 , puis Olivier, mon pote de toujours, me rejoindrait pour un long voyage sur le plateau tibétain.
Au lieu de choisir de prestigieuses universités outre-Atlantique, j’avais donc décidé de parfaire mes études loin des grands noms, dans d’autres pays que ceux qui font briller d’orgueil les yeux des parents. Comme d’autres étudiants à l’époque, j’avais fait le grand saut. Indonésie, Japon, et Chine, des noms magiques qui aiguisent notre curiosité mais font hésiter. Quoi ? Aller travailler au fin fond de l’Empire du Milieu, à la lumière des rizières boueuses ? Dormir dans des cages à lapins, manger à la cantine populaire ? Avouons-le, il fallait avoir un peu de culot, à notre administration d’abord, de proposer ça aux étudiants, et à ceux-ci ensuite, d’accepter le défi.
C’était donc le choix de l’Aventure. Mais que vaut la vie sans un brin de Risque et d’Aventure ? Alors j’avais choisi d’éprouver ma fragilité, ma petitesse, d’ébranler les piliers de mon existence et de remettre sur la table les principes qu’on m’avait inculqués. J’avais fait le choix du risque. Autrement dit, j’avais pris le risque du choix !
Et ce jour-là, la Chine était au bout de mes doigts. La Chine comme on la voit peu, celle que ne visitent pas les touristes et dont ne parlent pas les livres. Celle que l’on vit avec les Chinois. Dans la masse.
J’avais échoué à Chengdu, capitale du Sichuan, pour y terminer mes études d’ingénieur. Un proverbe chinois raconte que la véritable richesse ne provient ni des perles, ni du jade, mais des cinq grains : le riz, le mil, le soja, l’orge et le maïs. Le Sichuan, fertile et plantureux, les possédait tous.
 

Ne pouvant me lever, je m’imagine les vélos dehors en entendant le bruit de leurs sonnettes. Ils me manquent les vélos, moi qui aujourd’hui tiens à peine sur mes deux jambes à cause d’un mauvais virus chopé au fond d’une gamelle mal lavée…
15 mai  – Des vélos, des milliers de vélos dans une fanfare de klaxons. Un tracteur planté au milieu du carrefour a carambolé un cycliste maladroit. Les deux chauffards s’empoignent au milieu de l’arène. Rien de bien anormal. Plus loin un paysan pousse son cheptel sur l’avenue quatre voies, une Mercedes énervée est restée piégée dans le troupeau. C’est reparti pour le klaxon.
Dans ce capharnaüm grouillant, Jin Xueyang, mon collègue de travail, et moi évitons les camions et les limousines, risquant nos chemises à chaque croisement. Nos engins rouillés slaloment entre les charrettes et les pousse-pousse, frayant leur chemin à travers la cité tentaculaire. Portant leur cavalier vers les petites ruelles et les marchés ambulants.
Cette Chine qui nous tend ses bras est comme une femme en effervescence. Elle pavoise dans les jardins, elle chante sur les balcons, claque ses pièces de Mah Jong sous les bambous. Elle vend ses mangues, ses bijoux de jade, son fromage de soja, et promène ses oiseaux chanteurs dans les venelles étroites qui longent les maisons en encorbellement.
Chaque soir, je m’en vais aux rendez-vous de cette dame mystérieuse. Au bord de la rivière Fu, le pouls de la ville ralentit, le grondement urbain fait place au silence paisible des salons de thé. Dans les ruelles des vieux quartiers, les cahutes fumantes laissent échapper de délicates senteurs asiatiques. L’hôtesse m’invite :
— Wanshang hao, yao chi shenme ?
Perdu dans la masse des Chinois bruyants, je déguste une pleine gamelle de mapo tofu 4 , des raviolis cuits à la vapeur, ou une soupe de tortue. N’arrivant pas à déchiffrer les mystères du menu, je choisis au hasard. Qui sait ce que m’apportera ce soir la serveuse de ce bar ?
L’amante chinoise connaît tous les secrets de la séduction. Elle sait recevoir, offrir une table riche et harmonieuse, qui s’habille des couleurs de l’arc-en-ciel, se parfume, et se gonfle de cuissons délicates. Elle sait que la magie d’un bon repas envoûte tous les hôtes.
Aujourd’hui c’est avec Jin Xueyang que je partage un plat de canard fumé au thé

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