Coutumes & croyances
106 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Coutumes & croyances , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
106 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Résumer des nouvelles, le bel exercice ! Il y a d'abord cette aventure d'hommes englués dans le rituel d'une vengeance. Parce que, dans un pays qui pourrait ressembler à l'Albanie, aucun acte ne peut échapper à la Coutume et à ses règles. "Récit de ce qui suivit l'assassinat de Xixe Bakir", le titre dit tout, il ne dit rien. Il faut plonger dans ce monde étrange et archaïque où punir le meurtre n'est pas l'affaire de la justice, mais celle des parents de la victime. À condition qu'ils aient pu se mettre d'accord avec la famille de l'assassin. Sinon, c'est tout le village qui manquera de blé, une fois l'hiver revenu. "Danger" comme "Le mi bémol", "Gwerz Penmarc'h" ou "Désirable désert" , textes trop courts, ne se résument pas. Non plus que "Runaway girls", un poème. Il y est respectivement question des dangers encourus sur une autoroute italienne, d'un violoncelliste bardé de certitudes, d'un naufrage sans doute évitable, des surprises que peut receler un désert et enfin _ pour le poème _ de jeunes filles qui croyaient au rêve de l'Ouest lointain. "Scènes villageoises dans un pays en guerre" n'est pas une histoire d'amour. "Les pires pirogues" mettent en scène une improbable tribu amazonienne qui jugeait possible de donner leur chance aux explorateurs qu'elle avait capturés. Malheureusement, les explorateurs, des occidentaux, étaient mauvais joueurs. "L'Ankou" raconte l'ironique fin d'un homme qui craint plus ce qui l'attend de l'autre côté de la mort que la mort elle-même. ( Pour lire d'autre extraits, vous pouvez vous rendre sur le site de S. Loxias dans : www.planetexpo.fr )

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2005
Nombre de lectures 1
EAN13 9782748373479
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Coutumes croyances
Serge Loxias
Publibook

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Publibook
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Coutumes croyances
 
Récit de ce qui suivit l’assassinat de Xixe Bakir
 
 
 
« Il est difficile de tuer,
 plus difficile encore de pardonner… »
 
Kanoun albanais de Lekë Dukagjini .
 
 
 
 
 
Gjuram de la famille des Lekërem avait tué Xixe Bakir au petit matin. Il y a des jours comme ça où tout va de travers.
Il aurait dû se douter, Gjuram, il s’était mal levé, réveillé par le croassement d’un corbeau perché devant sa fenêtre. C’est un signe. On ne prête pas assez attention aux signes.
Ce matin-là, Gjuram était descendu au village de très bonne heure. Il avait emporté son fusil sans y penser plus que ça.
Gjuram Lekërem avait abattu Xixe Bakir juste devant l’atelier du maréchal-ferrant. Il avait tiré de face, sans chercher le moins du monde à se dissimuler, ni de la victime avec laquelle il avait eu un bref échange, ni des quelques passants qui traversaient la place. Le meurtre accompli, Gjuram était reparti. Il ne s’était pas enfui, il avait marché posément, sans se retourner. Les rares témoins s’empressèrent de colporter la nouvelle.
Bien sûr, il convenait de prévenir Skender Bakir. Il n’était pas chez lui. On le trouva en train de sarcler un minuscule lopin de terre — son unique bien foncier — qu’il possédait un peu à l’écart des maisons, sur le bord de la route qui descend vers la ville. Il avait fallu le temps d’aller l’y chercher. Après avoir écouté le messager lui conter le drame, il avait planté profondément sa houe dans le sillon comme pour être certain de pouvoir, un peu plus tard, reprendre son travail à l’endroit exact où il l’avait interrompu. Il avait remis sa veste et était rentré au village sans piper mot. On se disait qu’il retenait son chagrin. Aux coudes, sa veste était un peu élimée.
 
 
En remontant vers la ferme familiale de la Butte aux Oiseaux, Gjuram, inquiet, balayait à coups de pied les pierres du chemin.
Comment le Père allait-il prendre la chose ? Il pouvait tout aussi bien le chasser séance tenante. Ça dépendrait. Gjuram n’en savait trop rien, il se perdait toujours un peu dans la Coutume et craignait malgré tout que n’existât pas le moyen d’éviter la reprise du sang. Au carrefour de la Tête d’Homme, il croisa la vieille Nani qui s’en allait au village de son petit pas pressé. Elle le salua comme si de rien n’était. Sans doute qu’elle n’était pas encore au courant. Gjuram s’appliquait à ne pas courir.
Le Père écouta sans desserrer les dents le récit que lui faisait son fils. « Je n’ai pas mal fait, Père ? Je n’ai pas amené le déshonneur ?
— De ça, je ne dis rien maintenant. Va chez les femmes et attends. » Le jeune homme respira plus librement, il n’était pas chassé, pas encore. Le Père se donnait le temps, il allait certainement en discuter avec les autres. Ça laissait un espoir, un bon espoir.
Les cinq hommes s’étaient assis à l’arrière du bâtiment d’habitation, sur la terrasse pavée qui donne vers les vignes et qu’une grande treille ombrage. La Mère avait servi le café avant de se retirer discrètement à l’intérieur de la maison. D’une voix monotone et ennuyée, le Père avait alors relaté toute l’histoire telle que la lui avait raconté Gjuram. Il avait aussi donné la version qui courait le village. Puis, tous ensemble, ils avaient ensuite réfléchi en silence.
« Il me semble bien, avait fini par dire l’oncle Gjon, que les Bakir avaient une Dette envers nous.
— C’est très, très vieux alors. Qui s’en souvient ?
— Très vieux, oui. Très. Je ne suis pas formel mais il me semble. » Il était entièrement chauve, l’oncle Gjon, petit et plutôt rond au contraire des autres Lekërem. Particulièrement âpre au gain. En général dans la famille on l’aimait bien. En général. « Il faut demander au Vieux. »
Autour de la table qu’on avait recouverte d’une toile cirée, il y avait le Père, l’oncle Gjon et l’oncle Feïji, l’oncle Zek aussi malgré qu’il ne fût pas vraiment un Lekërem n’étant que le beau-frère du Père par son épouse, sans autre lien de parenté. Un cousin âgé était également venu, un peu pauvre et éloigné par le sang, mais proche par le voisinage, et qui était souvent de bon conseil.
 
 
Skender Bakir arriva à la ferme de la Butte aux Oiseaux en toute fin de matinée. Ce fut la Mère qui sortit et s’avança au portail pour l’accueillir. « Skender Bakir ! Nous ne t’attendions pas. Es-tu venu pour tuer ? Es-tu venu apporter le malheur ?
— L’assassin de mon fils, oui, je veux le tuer. Fais-le venir !
— Il n’y a pas d’assassin dans notre maison !
— Ton fils a tué mon fils. Fais-le venir ! Je dois reprendre le sang.
— Les hommes discutent. Mon fils ne bougera pas tant qu’ils n’auront pas décidé.
— Décidé quoi ? Fais-le venir !
— Les hommes vont décider que Gjuram a repris le sang.
— Je ne veux pas parler avec toi ! C’est pas des affaires de femmes. Fais venir ton homme !
— Pose ton fusil, Skender. Tu me fais peur ! Je vois la haine dans tes yeux. Il ne doit pas y avoir de haine quand on accomplit la Coutume. Pourquoi vouloir ajouter notre malheur à ton malheur ? Pose ton fusil !
— Pour qui me prends-tu ? Je connais les usages et la Coutume. Va chercher ton homme ! » Hésitante la Mère. Skender a la parole sèche, économe, il cligne des yeux souvent, un tic. La Mère enfin se décide et remonte vers la ferme.
Au bout d’un moment, le Père apparut sur le pas de la porte. Il descendit à pas lents le chemin bordé d’oliviers. « Que me veux-tu, Skender ? Je vois sur ton front la tresse de la Vengeance et j’ignore pourquoi tu la portes. Que me veux-tu ?
— Tu le sais. L’assassin de mon fils.
— Je regrette la mort de Xixe et je comprends ta douleur, mais c’est toi et toi seul qui traites mon fils d’assassin. Nous, nous n’avons pas encore décidé. Peut-être d’ailleurs peux-tu nous éclairer ? L’oncle Gjon croit se rappeler l’existence d’une très vieille Dette que nous, les Lekërem, avions sur les Bakir.
— Il n’y a jamais eu de Dette.
— Tu en es sûr ? Une très vieille Dette, presque oubliée. Nous avions pardonné, semble-t-il, mais mon fils n’a pas eu la force de continuer. Ce matin, il a repris le sang. La Dette est éteinte. « Quand il écoute quelqu’un, Skender a la manie de mordiller du coin des lèvres une des pointes de sa grosse moustache noire. « Tu comprends, continuait le Père, il a éteint la Dette. Nous sommes quittes, Skender.
— On ne reprend pas la parole donnée ! Quand le sang est remis, on n’y revient pas.
— Il y avait donc une Dette ?
— Non ! C’est des mensonges.
— Ne me traite pas de menteur, Skender ! Allons, allons, soyons raisonnables. Rentre chez toi et demain nous pleurerons ensemble la mort de Xixe. » Skender tourna lentement la tête. Le regard du Père se déroba. « Il n’y a jamais eu de Dette, » la voix de Skender, un filet : « Pas de Dette. Quand ton fils venait chez moi, je le traitais comme mon propre fils. Je lui ai donné le pain. Xixe le respectait. Il n’y avait pas de Dette. Mais ce matin, chez les Bakir, les femmes ont éteint le foyer et dispersé les bûches, elles ont versés les cendres sur leur tête, elles se griffent le visage, elles pleurent. Ce matin, j’ai voilé les miroirs, j’ai cloué le drap noir sur ma porte. À cause de Gjuram. Ton fils a levé le mur du sang entre les Bakir et les Lekërem ! C’est ainsi. C’est un mur plus solide et plus haut que celui-là ! » Et Skender frappait du plat de sa main le mur chaulé de blanc qui clôturait la propriété du Père. « Le sang doit retomber, je dois reprendre le sang. Sinon mon fils ne peux pas dormir en paix ! Si Gjuram ne vient pas, c’est le premier des Lekërem que je trouverai devant moi qui mourra. C’est ainsi, le sang appelle le sang. J’y peux rien, c’est dit dans la Coutume. Les Lekërem portent le poids du sang. Il y a une Dette maintenant : celle des Lekërem à l’égard des Bakir. » Comme fatigué d’avoir tant parlé d’un coup, Skender frotta sa bouche. Le Père esquissa un sourire. « Nous n’avons pas encore décidé. Nous voulons consulter le Vieux. Lui, il se rappellera. Nous irons chez lui cet après-midi.
— L’assemblée de famille a lieu dans la maison de l’assassin.
— Du Vengeur… Skender ! Tu sais bien que le Vieux est trop malade pour se déplacer. Nous irons le voir et avant ce soir tu connaîtras notre décision.
— Quand ton fils sort, je le tue.
— Nous irons sans lui.
— L’assemblée de famille a lieu en présence de l’assassin.
— Du Vengeur… Accorde une trêve.
— Le premier jour, il n’y a pas de trêve. C’est dit dans la Coutume.
— Écoute, Skender ! Je connais la Coutume aussi bien que toi ! Et où doit se rencontrer la famille, et en présence de qui ! Et je sais aussi que tu ne peux pas tuer quelqu’un dans sa propre maison. Et encore que le premier jour, on ne peut tuer que l’assassin et pas un autre. Et enfin que pour étendre la Vengeance sur toute la famille, tu dois attendre que vingt-quatre heures soient révolues. Voilà ! Je sais tout ça comme toi. Je te demande seulement d’être raisonnable et de nous laisser aller chez le Vieux.
— C’est contre la Coutume. Je dois reprendre le sang. Il n’y a rien d’autre à dire. »
Tandis qu’ils parlaient ainsi, les deux hommes allaient et venaient lentement de part et d’autre de la barrière de bois. Le Père marchait tête baissée comme pour mieux réfléchir et, quand c’était son tour de parler, il s’arrêtait soudain et mettait ses poings sur les hanches. Skender regardait sans cesse par dessus l’épaule de son interlocuteur, il regardait la maison sur la butte au bout de l’allée, la maison où devait se terrer le meurtrier

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents