Chat gris encre noire
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Chat gris encre noire , livre ebook

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Description

Théo et moi, on s’aime. Point de repère de mon existence, centre chaud et réconfortant où j’aime me nicher, je n’aspire, après de brèves échappées, qu’à me lover contre lui et sentir ses caresses... Théo, je l’aime. Celui que je maudis, c’est Pol, son amant, son bellâtre, son profiteur, son rapace, son mesquin, son avare. Il me répugne, cet homme infidèle et obsédé, de mauvais goût et fermement attaché à son complexe d’infériorité sociale. Pas difficile de prévoir la rupture : elle couve depuis si longtemps... A nouveau, il ne restera alors plus que Théo et moi, son chat. Et le désespoir qui s’infiltre.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2009
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748373509
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0064€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Chat gris encre noire
Christian Wacrenier
Publibook

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14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Chat gris encre noire
 
 
 
 
I
 
 
 
Je vois bien que Théo mon pote humain se fait berner comme un idiot de village. J’ai beau lui donner des coups de tête quand l’autre le cajole, j’ai beau essayer de le séparer de Pol, il ne comprend rien et me repousse. Il est encore amoureux je crois, bêtement amoureux. Malgré tout ce qui s’est passé. Aujourd’hui, il court les magasins pour faire provision de cadeaux, et pas n’importe quoi… Il se ruine je vous dis. Et des parfums (Habit Rouge que je déteste de toutes mes vibrisses et que je renifle à deux cents mètres) et des pulls de cachemire et des livres et… cerise sur le gâteau des antiquailles qui lui mangent un mois de salaire. Il est encore amoureux alors que je devrais largement lui suffire non ? Moi aussi je suis un mâle bien qu’à vrai dire il m’ait délesté d’une partie de ma virilité, pour mon bien paraît-il, pour que je n’aille pas courir à travers champs.
Il a fait sa crèche avec des petits personnages peinturlurés. Moi je déteste. C’est ringard ce truc et ça me mange un rayonnage de bibliothèque où j’adore me vautrer parce que c’est justement là que le soleil se prélasse. Et le soleil dans l’appartement, il est plutôt radin je ne vous dis pas. D’accord, il a posté cinq chats autour du couple Marie-Joseph. D’un petit coup de patte, je les ai tournés vers l’extérieur, du côté où c’est sensé bouger parce que le vermisseau dans ses langes, il n’a pas l’air d’être très éveillé . Il a mis un bonhomme sympa, surchargé de colombes, François qu’il s’appelle. Un type qui parle aux animaux et qui se fait comprendre. En fait on ne l’a pas attendu pour tout comprendre et décider une fois pour toutes qu’il valait mieux jouer les imbéciles, les bêtes quoi, en faisant semblant de ne pas savoir prononcer tous ces sons inutiles dont raffolent les humains. C’est quand même chouette de voir dans sa crèche plus de quadrupèdes que de bipèdes. Un cochon, un chameau, un éléphant, un renard, des moutons, un taureau, des ânes, un bœuf, un cheval… avec tout ça, s’il y avait eu une portée de chatons sur la litière entre le bœuf et l’âne, ça aurait eu une autre gueule.
J’ai eu du mal à le réveiller. J’existe moi aussi et j’ai bien le droit de manger à mon heure habituelle non ? Je n’ai pas fait la fête pendant la soirée, moi. Je ne me suis pas gondolé devant le bêtisier de la télé… des chutes, des fous rires, des langues qui fourchent… un festival en dentelle de Prisunic. Je n’ai pas tâté du foie gras dont la seule odeur me révulse. Certains prétendent qu’un chat c’est cruel. Mais un humain c’est quoi ? Quelle délicatesse avec les oies et les canards ! Ils les élèvent amoureusement, leur introduisent gentiment des entonnoirs dans le bec et les nourrissent comme une mère son nourrisson. Après, ils leur tordent le cou dans les règles de l’art, les ouvrent comme des noix de coco et saisissent de leurs doigts gantés le foie sanglant.
J’ai été très attiré par contre par le bon gros chapon. Je ne veux pas trop savoir comment ils arrivent à ce résultat les humains mais je dois bien avouer que c’est la grande réussite. Je suis capable de me damner pour me trouver seul devant le gros poulet et me laisser aller au pur plaisir de la goinfrette. J’ai eu droit à un petit morceau en l’honneur de Noël, pas assez gros mais dégoulinant de saveur.
A la fin du repas, alors que j’étais en position de somnolence sur le canapé, j’ai assisté à la cérémonie de la remise des cadeaux. Théo avait préparé des paquets de toutes les couleurs, un papier alu miroitant avec des étoiles en filigrane… du rouge, de l’or, du bleu, du vert, un feu d’artifice de paquets. Sûr qu’à côté, les emballages de merde de Pol, improvisés avec du papelard beigeasse, ils faisaient triste mine.
Ils ont alterné les plaisirs. Théo ouvrait un paquet puis c’était au tour de Pol d’ouvrir le sien. Premier paquet : une boîte en porcelaine blanche avec un prétendu chat en guise de couvercle (plutôt un animalcule informe et globuleux) pour Théo et un grand flacon d’Habit Rouge (que je déteste you know) pour Pol. Deuxième paquet : une boîte en porcelaine blanche avec une espèce de chat différent mais aussi moche pour Théo et un pull Strelli strié de couleurs vives pour Pol. Troisième paquet : une boîte en porcelaine blanche avec un ersatz de chat jouant avec une pelote en vraie laine rouge pour Théo et une paire de chandeliers de bronze Art nouveau avec des chauves-souris en guise de bougeoirs pour Pol. Quatrième paquet : une boîte en porcelaine blanche avec une excroissance chatesque pour Théo et un énorme bouquin sur le Douanier Rousseau pour Pol. Cinquième paquet… encore une boîte de bazar… aussi moche et encore un paquet précieux…
Moi j’avais le cœur gros. Je voyais bien que Théo aussi il l’avait et lourd et prêt à se craqueler de partout. Parce que des boîtes made in China il y en avait neuf !
A sa place je serais allé chercher un sac poubelle et j’aurais tout foutu dedans. Mais lui il ne montrait pas sa déception. Il souriait l’idiot. Les humains ils savent bien tricher, bien mieux que nous. Moi quand ça ne va pas, ça ne va pas, et ça se voit. Je suis capable de bouder comme un chef et même de renoncer aux câlins pour bien lui faire entrer dans la tête qu’il a mal agi.
J’ai fini par le rejoindre. J’ai sauté sur ses genoux. J’ai pesé de toutes mes forces pour qu’il sente que moi je l’aimais et qu’il avait bien plus de prix que tous les Pol du monde.
Ils sont allés se coucher sur le matelas à même le sol, sous la grosse couette. Ils n’ont pas fait de bisous, d’ailleurs ils en font de moins en moins. Je préfère. Je ne suis pas bousculé et je peux aller directo me blottir entre les jambes écartées de Théo. Le meilleur endroit du monde je vous jure.
J’ai très mal dormi. Théo remuait sans cesse et parlait dans son sommeil. Ce n’était pas ça qui me gênait. J’accepte presque tout de lui. Non, ce qui me gênait c’était l’autre, Pol qui ronflait grassement avec des raclures de morve dans l’œsophage. J’avais beau me plaquer les oreilles contre la cuisse de Théo, je l’entendais et ça me parcourait jusqu’au dernier poil de la queue. Quand il ne ronfle pas, il aime se curer le nez. Bien profond. Il tire ses crottes verdâtres qu’il roule entre ses doigts, pouce contre index. Il fait ça consciencieusement pour les assécher et quand elles ont la bonne consistance, il les colle sous le meuble qui passe à portée de main. Quand je me balade dans l’appartement, il me faut éviter les dessous de fauteuils, les dessous de chaises, les dessous de tables, tous les dessous… Moi qui aime tant me frotter, je risque de récolter sur mon poil ses déjections nasiques et ça me révulse. Surtout quand il faut se nettoyer et qu’on n’a que sa langue. Je ne comprends pas ce que Théo lui trouve à Pol. Je n’étais pas né quand il l’a rencontré. J’étais un petit fœtus de chat, serré contre deux petits frères fœtus, bien au tendre dans une Kochka tricolore. C’était peinard. Quand j’ai dû pousser mon museau dans le monde, j’ai tout de suite compris que ce n’était pas gagné. Ce n’était pas vraiment le gros lot. Il y avait un vacarme à vous ratatiner les oreilles et des vibrations terrifiantes qui vous donnaient le désir panique de retourner à l’intérieur de Kochka, bien au chaud, bien au calme. L’envie m’en revient parfois, plusieurs années après. Je me roule en boule, je me suçote le bout de la queue, je ronronne, je me retrouve au sein des seins, loin des humains, très loin.
Je sais bien que c’est idiot de rêver ainsi, d’autant plus que ma Kochka elle n’est plus de ce monde. Un jour, elle était étendue au soleil, sur le balcon, sur le rebord de ciment. Elle était dans sa bulle, suspendue dans le ciel. Il y a eu soudain un coup de tonnerre, une portière de voiture claquée par une brute. Elle a sursauté, extirpée qu’elle était de sa somnolence ouatinée.
Elle s’est retrouvée accrochée de toutes ses griffes au rebord, le corps dans le vide et personne pour la sauver. Le ciment s’est effrité. Elle est tombée. Nous les chats, on se croit toujours incapables de tomber, on pense qu’il y a un pacte entre le ciel et nous. On danse, on vole, on virevolte, on se catapulte. Pas de pesanteur, pas de contrainte. On retombe sur nos pattes. Ben non ! Ce n’est pas comme ça. Il faudrait leur dire à tous les chats de gouttière, à tous les intrépides, les supercats, qu’ils ne peuvent pas planer, qu’ils tombent et qu’ils meurent, comme Kochka ramassée disloquée sur le trottoir et soufflant son dernier petit soupir contre les lèvres de son maître.
Je ne vais pas me donner le bourdon. Il fait assez gris et triste aujourd’hui sur Paris pour ne pas en rajouter. J’ai bien d’autres soucis. Il y a des valises qui se préparent et ça je déteste. Les avions, les trains, les voitures, je connais. Du bruit, des menaces, des vilaines odeurs. Des inventions qui vous tourmentent les entrailles. Deux valises. Donc ils partent tous les deux sans doute pour la maison près de la mer. Il y a toujours trois possibilités. La grosse valise rouge, Théo part tout seul. La grosse valise noire, Pol fout le camp. Les deux valises, le couple est du voyage. Je file me planquer au-dessus du frigo. Que Théo comprenne bien ma réprobation et qu’il peine à me débusquer et me fourrer dans la boîte en plastique bleu.
 
 
 
II
 
 
 
J’ai retrouvé mon jardin, les arbres à la bonne place, le grand pin surtout et la grosse branche où j’aime me

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