Biographie d une douleur
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Biographie d'une douleur , livre ebook

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Description

Didier rencontre Claude dans un hall d'aéroport. Il le remarque sans intention particulière mais il ne peut s'empêcher de noter son regard inquiet et désespéré. Ce n'est pas le coup de foudre, cependant une relation se construit doucement, tant bien que mal, avec ses moments de complicité et d'enthousiasme, ses instants d'égarement, ses crises comme ses preuves inoubliables de passion. L'amour se crée, prend racine, grandit... et fâne, insupportable légéreté d'un être!

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2006
Nombre de lectures 0
EAN13 9782748373035
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Biographie d'une douleur
Didier Mansuy
Publibook

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Biographie d'une douleur
 
 
 
 
Un jour, chez Florence Gould, François Mauriac (irrité par les aveux en provocation continue des « Chroniques Maritales ») lança à Marcel Jouhandeau, devant Léautaud qui ricana : — « Si j’avais osé, mon cher, être aussi indiscret que vous, quelle œuvre n’aurais-je pas faite ! » Jouhandeau répondit que la vérité valait, à ses yeux, le prix de l’indiscrétion. Puis, il ajouta quelques années plus tard à l’attention d’Henri Rode : « Que voulez-vous ! Mauriac s’est toujours refusé d’explorer ce qu’il appelle, à tort, l’innom­mable. C’est ce qui l’empêche d’avouer ce qu’il dirait si bien qu’il aime ». (Extrait du Journal Impubliable d’Henri Rode).
 
 
 
A la base n’y a-t-il pas plutôt une générosité que de l’égoïsme à livrer au public, comme l’a fait Jouhandeau, son propre moi, son abjection et son drame. Henri Rode (Extrait du Journal Impubliable).
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Première partie Construire
 
 
Chapitre I
Papillon
 
 
 
« Vous courez au feu comme un papillon de nuit ».
 
Jean Cocteau
 
 
Lorsque je raconte l’histoire de mon ami Claude 1 comment ne pas être pris de vertige en pensant aux papillons qui, conduits par une passion insensée pour les éclairages artificiels, viennent se brûler les ailes contre les lampes incandescentes, attirés par le mirage de la lumière mais incapables de se discipliner pour éviter la mort ? Claude s’était créé une attirance passionnée pour moi, fusion exclusive risquant d’être destructrice si sa constance venait à s’affaiblir. Sitôt terminé mon premier roman, il fut effrayé d’avoir contribué à faire naître un personnage romanesque empruntant quelques uns de ses traits de caractère. Par besoin de retour sur lui-même, il s’offusqua : l’éclairage inhabituel de sa personnalité à travers le héros incarné dans mon livre, lui avait sans doute révélé des reflets de lui-même qu’il ne soupçonnait pas et qui l’effrayaient. Pourtant, la création imaginaire du personnage « Nikos » 1 était assez éloignée du véritable modèle : Claude-Nicolas ? Mon beau compagnon ne put résister à ses excès de timidité et son désir d’autorité, bafoué par la création d’une image à la fois proche et différente de lui-même.
 
J’avais rencontré Claude à un moment charnière de ma vie, venant de subir une rupture affective, avec un garçon attiré par le clinquant et le paraître : Toph.
 
Bref retour en arrière. Il y avait déjà un an, au moment où je croisais Claude, que Toph, boute en train facétieux, m’avait quitté. Je l’avais mis en selle dans la vie et lui avais servi de marchepied social. Toph était possédé par l’envie de briller et meurtri par une maladie au cœur, qui lui avait barré le thorax d’une cicatrice définitive et rédhibitoire. Il ne se contenta bientôt plus d’un compagnon par trop normal et constant. Je ne souhaitais pas en effet passer ma vie dans les strass et les faux semblants de certaines soirées parisiennes où les prétendues duchesses ou marquis, comme les riches héritières de la jet set perdent leur temps à se noyer dans l’alcool ou tout autre paradis artificiel. Leur spleen, leur indolence lascive et leur douleur morale de marionnette d’un spectacle factice ne me séduisaient pas. Par pure charité, plaignons ces personnages esseulés bien qu’entourés d’insolites courtisans. Reconnaissons qu’ils sont souvent responsables de douleurs, affligeantes pour ceux, qui moins fortunés, fondent leur espoir de vie dans le miroir aux alouettes de cette secte de noceurs.
 
J’avais croisé Toph au Palace, ce palais inégalé, encore aujourd’hui, des vraies fêtes parisiennes. Sa fermeture avait été, pour tous les habitués, une sorte de petite mort : nous n’y avons pas cru et pourtant il a bien fallu s’y résoudre. Nos habitudes furent irrémédiablement changées et plus jamais nous n’avons pu recréer, dans un autre lieu, les mêmes affinités que celles accumulées dans ce temple de la camaraderie gay.
 
Lors de notre rencontre, Toph et moi, nous nous sommes offerts l’un à l’autre, pour une nuit. La dernière avant qu’il ne parte au Club Med à Djerba, comme gentil organisateur. De cette Tunisie lointaine, il ne m’envoya que des fragments de lettres désordonnées et reflétant un désarroi profond. Sa vie changeait complètement : ses études se terminaient, il allait devoir regarder en face le monde du travail et affronter la rupture infligée par un de ses camarades d’adolescence au cœur d’acier. Lors de mon dernier appel téléphonique à Djerba, il m’indiqua que « lassé de tout et repu de sexe, il ne souhaitait plus avoir d’autres nouvelles de moi ». J’arrêtai tout net notre liaison, s’il est possible de la baptiser ainsi compte tenu de sa très jeune existence : je n’avais pas encore eu le temps de m’attacher à ce garçon d’un formidable charisme et d’un physique attrayant mais si inconstant.
 
Huit mois passèrent. En mars de l’année suivante, un appel téléphonique incroyable me saisit et m’inquiéta : c’était Toph. Il avait réussi, lors de l’oral de rattrapage, son diplôme dans le tourisme et se trouvait maintenant à la tête d’un poste de directeur commercial adjoint dans un hôtel de luxe en Anjou. Avec un aplomb sincère, il me déclara qu’il avait beaucoup réfléchi sur son comportement à mon égard et qu’il souhaitait absolument me voir pour me présenter ses excuses et surtout me montrer que je lui étais désormais indispensable ! Est-on fat de croire aux paroles qui nous enchantent et que, d’une certaine façon, nous attendons tous un peu ? J’ai accepté une nouvelle rencontre mais me suis préparé à rester sur mon quant à soi et à ne pas céder.
 
La rencontre fut parfaite, délicieuse même. Un repentir franc fut le leitmotiv de Toph qui ne savait pas comment multiplier ses excuses. Il ne cessa de se charger d’une faute commise, impardonnable à l’entendre, qui lui avait coûté beaucoup, par mon absence. Il m’énuméra toutes les démarches qu’il avait entreprises pour me retrouver : il avait perdu, paradoxe du destin, à Djerba, dans la mer lors d’une baignade, mon adresse et mon téléphone qui ne le quittaient jamais, selon lui ! Toph insista pour que nous construisions des liens étroits d’amitié, en espérant que je saurais passer outre son abandon pour l’accepter, désormais, comme mon compagnon définitif.
 
La situation me troublait beaucoup, bien sûr, et mon plan minutieusement échafaudé, dans le but de ne pas succomber à sa tentation, échoua. Toph fut au demeurant très persuasif, m’assurant que je lui avais beaucoup manqué, qu’il m’aimait et avait la ferme intention de ne pas réitérer son erreur : « Ne plus jamais mettre de distance entre nous deux ! ». Je décidai d’essayer mais en lui faisant promettre la constance et la fidélité, insistant sur le fait que se jouer des sentiments est à la fois malhonnête et odieux.
 
Pendant quelques semaines, notre relation amoureuse, intense, se construisit à distance, moi à Paris, lui à Angers : nous avions de très longues conversations téléphoniques et nous nous retrouvions le week-end. Tous les soirs, Toph téléphonait, depuis une cabine téléphonique, après les cinq ou six autres appels qu’il me passait par jour. Il me racontait son programme de la journée et me redisait combien j’étais important plus lui, qu’il m’aimait et ne pouvait plus se passer de moi, au point de souffrir atrocement de la distance qui nous séparait. Nos conversations se terminaient douloureusement : lui en larmes à l’autre bout du combiné téléphonique, moi essayant de le réconforter de mon mieux mais en proie à un désir fulgurant de le serrer dans mes bras. Nous espérions pouvoir construire ensemble un avenir radieux.
 
Un jour, Toph, sans m’avoir consulté, m’annonça que, trop malheureux, il avait donné sa démission et que, « dès le soir, il serait avec moi pour toujours ». Comment ne pas être réjoui par une telle marque d’amour et comment ne pas y croire, ou, pire comment demander du temps, au pied du mur, pour être bien sûr, cette fois, qu’aucune saute d’humeur ne lui fera reprendre sa décision ?
 
Toph vint habiter, à Paris, chez moi. Tout fut idyllique pendant plusieurs mois. Il finit même, à ma demande, par me présenter à ses parents, peu enclins a priori à accepter les amours gays de leur fils. Il s’installa dans mon appartement, retrouva vite un travail, toujours dans l’hôtellerie de luxe, et commença, à l’invitation de ses nombreux clients fortunés, à fréquenter les soirées people de la nuit parisienne. Il va sans dire que je ne pouvais pas l’accompagner et ne le souhaitais pas non plus : le luxe de pouvoir sortir chaque soir, dans les clubs branchés de la capitale, est réservé à ceux qui n’ont pas de travail ou qui sont très riches ou bien s’aident de poudres magiques pour tenir le choc.
 
Toph, en moins d’un an, s’éloigna autant qu’il s’était rapproché, pour m’annoncer, le lendemain d’un Noël où il n’avait pas voulu que je l’accompagne chez ses parents, qu’il me quittait. La gifle fut énorme ! J’avais cru à notre histoire d’amour que j’avais essayé de défendre becs et ongles. J’y croyais encore, mais là tout était dit, définitivement scellé et irrémédiablement anéanti. Les mois qui suivirent furent difficiles à vivre : comment avais-je pu être berné de façon aussi désolante et comment faire surface ? Je finis par me résoudre à accepter cette histoire comme un moment merveilleusement fortuit.
 
L’amour fou s’impose généralement à sa victime comme une pathologie et une destinée. C

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