Souvenirs de la Cour d’assises , livre ebook

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"Je ne me persuade point qu’une société puisse se passer de tribunaux et de juges ; mais à quel point la justice humaine est chose douteuse et précaire, c’est ce que, durant douze jours, j’ai pu sentir jusqu’à l’angoisse."



Après avoir assistés durant plusieurs semaines à différents procès, André Gide nous offre avec ce recueil de notes une réflexion sur la justice et la difficulté qu'il existe souvent à différencier le bien du mal dans un contexte où le système a tendance à favoriser malgré tout les apparences.

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Publié par

Date de parution

13 février 2023

Nombre de lectures

8

EAN13

9782384550951

Langue

Français

SOUVENIRS DE LA COUR D’ASSISES




ANDRÉ GIDE
TABLE DES MATIÈRES



A JACQUES RIVIÈRE

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

APPENDICE
A JACQUES RIVIÈRE



D e tout temps les tribunaux ont exercé sur moi une fascination irrésistible. En voyage, quatre choses surtout m’attirent dans une ville : le jardin public, le marché, le cimetière et le Palais de Justice.
Mais à présent je sais par expérience que c’est une tout autre chose d’écouter rendre la justice, ou d’aider à la rendre soi-même. Quand on est parmi le public on peut y croire encore. Assis sur le banc des jurés, on se redit la parole du Christ : Ne jugez point.
Et certes je ne me persuade point qu’une société puisse se passer de tribunaux et de juges ; mais à quel point la justice humaine est chose douteuse et précaire, c’est ce que, durant douze jours, j’ai pu sentir jusqu’à l’angoisse. C’est ce qu’il apparaîtra peut-être encore un peu dans ces notes.
Pourtant je tiens à dire ici, d’abord, pour tempérer quelque peu les critiques qui transparaissent dans mes récits, que ce qui m’a peut-être le plus frappé au cours de ces séances, c’est la conscience avec laquelle chacun, tant juges qu’avocats et jurés, s’acquittait de ses fonctions. J’ai vraiment admiré, à plus d’une reprise, la présence d’esprit du Président et sa connaissance de chaque affaire ; l’urgence de ses interrogatoires ; la fermeté et la modération de l’accusation ; la densité des plaidoiries, et l’absence de vaine éloquence ; enfin l’attention des jurés. Tout cela passait mon espérance, je l’avoue ; mais rendait d’autant plus affreux certains grincements de la machine.
Sans doute quelques réformes, peu à peu, pourront être introduites, tant du côté du juge et de l’interrogatoire, que de celui des jurés… 1 Il ne m’appartient pas ici d’en proposer.



1   Voir à ce sujet l’enquête du Temps , N os du 13 Octobre dernier, du 14 et sqq. et l’ Opinion , N os du 18 et du 25 Octobre.
1





Lundi.
O n procède à l’appel des jurés. Un notaire, un architecte, un instituteur retraité ; tous les autres sont recrutés parmi les commerçants, les boutiquiers, les ouvriers, les cultivateurs, et les petits propriétaires ; l’un d’eux sait à peine écrire et sur ses bulletins de vote il sera malaisé de distinguer le oui du non  ; mais à part deux je-m’en-foutistes, qui du reste se feront constamment récuser, chacun semble bien décidé à apporter là toute sa conscience et toute son attention.
Les cultivateurs, de beaucoup les plus nombreux, sont décidés à se montrer très sévères ; les exploits des bandits tragiques, Bonnot, etc. viennent d’occuper l’opinion : « Surtout pas d’indulgence », c’est le mot d’ordre, soufflé par les journaux ; ces Messieurs les jurés représentent la Société et sont bien décidés à la défendre.
L’un des jurés manque à l’appel. On n’a reçu de lui aucune lettre d’excuses ; rien ne motive son absence. Condamné à l’amende réglementaire : trois cents francs, si je ne me trompe. Déjà l’on tire au sort les noms de ceux qui sont désignés à siéger dans la première affaire, quand s’amène tout suant le juré défaillant ; c’est un pauvre vieux paysan sorti de la Cagnotte de Labiche. Il soulève un grand rire général en expliquant qu’il tourne depuis une demi-heure autour du Palais de Justice sans parvenir à trouver l’entrée. On lève l’amende.
Par absurde crainte de me faire remarquer, je n’ai pas pris de notes sur la première affaire ; un attentat à la pudeur (nous aurons à en juger cinq). L’accusé est acquitté ; non qu’il reste sur sa culpabilité quelque doute, mais bien parce que les jurés estiment qu’il n’y a pas lieu de condamner pour si peu. Je ne suis pas du jury pour cette affaire, mais dans la suspension de séance j’entends parler ceux qui en furent ; certains s’indignent qu’on occupe la Cour de vétilles comme il s’en commet, disent-ils, chaque jour de tous les côtés.
Je ne sais comment ils s’y sont pris pour obtenir l’acquittement tout en reconnaissant l’individu coupable des actes reprochés. La majorité a donc dû, contre toute vérité, écrire « Non » sur la feuille de vote, en réponse à la question : « X… est il coupable de… etc. » Nous retrouverons le cas plus d’une fois et j’attends pour m’y attarder, telle autre affaire pour laquelle j’aurai fait partie du jury et assisté à la gêne, à l’angoisse même de certains jurés, devant un questionnaire ainsi fait qu’il les force de voter contre la vérité, pour obtenir ce qu’ils estiment la justice.

* * *
La seconde affaire de cette même journée m’amène sur le banc des jurés, et place en face de moi les accusés Alphonse et Arthur.
Arthur est un jeune aigrefin à fines moustaches, au front découvert, au regard un peu ahuri, l’air d’un Daumier. Il se dit garçon de magasin d’un sieur X…; mais l’information découvre que M. X… n’a pas de magasin. ...

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