Représentations de l’individu en Chine et en Europe francophone
249 pages
Français

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Description

Selon un cliché vieux de plusieurs siècles, une identité essentiellement collective aurait toujours prévalu dans l’Empire du Milieu, tandis que la conscience individuelle aurait façonné, depuis les Grecs, le socle philosophique et politique de l’Occident. Les études qui composent ce volume replacent cette idée reçue dans l’histoire des représentations de l’individu, tant au pays de Confucius que dans l’espace européen – ici limité à l’Europe francophone.
À travers la littérature, creuset majeur de la fabrication du Je, mais aussi à travers la philosophie et la linguistique, des spécialistes européens et chinois explorent les méandres historiques de cette notion d’individu dont les crises et les paradoxes s’éclairent à la lumière d’une confrontation avec l’altérité culturelle, chaque monde se réfléchissant au miroir de l’autre. Une place particulière a notamment été réservée aux figures qui, des jésuites du XVIIIe siècle à François Cheng en passant par Claudel, Segalen ou Malraux, se sont employées à bâtir des ponts entre les deux civilisations ou à illustrer leurs relations complexes et parfois ambiguës. Les enquêtes réunies ici, consacrées non seulement à ces « passeurs » culturels mais aussi à des auteurs a priori moins attendus, contribuent à nuancer une opposition souvent trop simpliste entre l’individuel et le collectif.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 2
EAN13 9782889300679
Langue Français
Poids de l'ouvrage 11 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0165€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre


M ICHEL V IEGNES ET J EAN R IME ( DIR. )


R EPRÉSENTATIONS DE L’INDIVIDU EN C HINE ET EN E UROPE FRANCOPHONE
É CRITURES EN MIROIR










É DITIONS A LPHIL -P RESSES UNIVERSITAIRES SUISSES
Copyright









© Éditions Alphil-Presses universitaires suisses, 2015 Case postale 5 2002 Neuchâtel 2 Suisse




www.alphil.ch www.pressesuniversitairessuisses.ch

Alphil Distribution
commande@alphil.ch

ISBN 978-2-88930-067-9

Cet ouvrage est publié avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique dans le cadre du projet pilote OAPEN-CH.

Image de couverture : Lucas Giossi

Responsable d’édition : Inês Marques
A VERTISSEMENT
L e présent volume recueille les travaux menés à l’occasion de deux rencontres internationales sur « La notion d’individu en Chine et en Europe francophone : réflexions en miroir », l’une organisée par Michel Viegnes et Jean Rime à l’Université de Fribourg du 24 au 26 octobre 2013 et l’autre par Xiaoquan C HU et Li Y UAN à l’Université Fudan de Shanghai d u 22 au 24 mai 2014.
Les éditeurs remercient Xiaoquan C HU et Li Y UAN pour leurs conseils dans la transcription et la traduction des noms et titres chinois, Noël Cordonier, Patrick Suter et Markus Winkler pour leur lecture attentive, ainsi que Lucas Giossi pour l’illustration de couverture. Ils expriment également leur reconnaissance au Fonds national suisse de la recherche scientifique, au Rectorat et à la Faculté des lettres de l’Université de Fribourg ainsi qu’à l’Ambassade de France en Suisse pour leur soutien et leur patronage.
Pour éviter toute confusion, les noms des contributeurs originaires de Chine sont indiqués « à l’occidentale », en faisant suivre le prénom par le nom de famille en capitales. En revanche, tous les autres noms chinois respectent l’ordre habituel à cette langue : nom de famille d’abord, prénom ou surnom ensuite. Dans la mesure où les écrivains français du XVII e au XXI e siècle représentés dans ce volume ont adopté différentes transcriptions pour les noms propres ou les toponymes chinois, il est apparu illusoire de vouloir moderniser toutes les translittérations. Aussi plusieurs graphies, anciennes ou actuelles, cohabitent-elles dans le corps de l’ouvrage. Un index placé en fin d’ouvrage rétablit la correspondance entre ces graphies traditionnelles et la romanisation communément admise aujourd’hui.
I NTRODUCTION
M ICHEL V IEGNES ET J EAN R IME
A u visiteur occidental qui découvre, intimidé par la dimension du lieu et du dispositif, la fameuse « armée de terre cuite » exhumée depuis 1974 sur le site funéraire du premier empereur de Chine Qin Shihuangdi , les guides se plaisent à faire remarquer que l’on ne saurait trouver deux visages identiques parmi les quelque six mille officiers, archers, conducteurs de char, palefreniers, fantassins et fonctionnaires civils dont l’effigie accompagnait le fondateur de la Chine unifiée dans l’au-delà. « Tous les soldats ont leur propre expression », unique, et si « les têtes et les bras ont d’abord été moulés en série, on les a individualisés ensuite par la sculpture », affirme le catalogue de présentation du plus grand musée in situ du pays 1 . Probable sans être totalement vérifiable, étant donné les dimensions de l’ensemble, cette assertion relayée par le discours officiel des guides est très significative.
Outre la valorisation artistique de ces figures grandeur nature, qui accèdent ainsi à la dignité de l’œuvre singulière, n’y aurait-il pas aussi, consciemment ou non, une réponse à un préjugé occidental tenace, celui de l’identité essentiellement collective qui aurait toujours prévalu dans l’Empire du Milieu, jusque dans son avatar le plus récent, sous le règne de l’« empereur rouge » dont le portrait géant domine encore la place Tianan men ? Même à l’heure où la Chine s’ouvre au monde, et où la loi de l’enfant unique, mise en place par les successeurs de Mao , a créé une nouvelle génération de « petits empereurs » qui pourraient bien modifier la culture chinoise plus profondément que n’ont pu le faire les révolutions politiques du XX e  siècle, beaucoup d’Occidentaux accordent encore un certain crédit à ce cliché vieux de cinq siècles qui voudrait que la conscience individuelle et la notion même d’individu, telles qu’elles ont façonné le socle philosophique de l’Occident depuis les Grecs, n’aient pas la même consistance, ni a fortiori la même évidence, au pays de Confucius .
Il est vrai que ce dernier, « Maître Kong » pour ses compatriotes, a professé l’allégeance de l’enfant aux parents, du cadet à l’aîné, de la femme à l’homme, du sujet au seigneur. Que cette philosophie, dont l’empreinte a été si profonde, jusque dans les cultures limitrophes de l’Empire du Milieu, ait pu être instrumentalisée pour légitimer des systèmes complexes de servitude sociale et politique, n’a en soi rien d’étonnant, et cette situation n’a d’ailleurs rien de spécifique à l’Asie. Mais l’on aurait tort de réduire cette allégeance à une vulgaire subordination : le confucianisme est un véritable humanisme, auquel est seulement étrangère la notion d’un individu qui pourrait prospérer indépendamment, et a fortiori à l’encontre, des grandes structures sans lesquelles sa vie même serait inconcevable : la famille, l’État, les forces de la nature. Le Junzi , l’homme accompli et vertueux, est certes centrifuge , au sens où il doit fuir l’égocentrisme, mais c’est pour mieux se réaliser au service d’un Centre véritable, toujours plus grand que lui, a priori extérieur, mais qu’il se doit d’intérioriser pour s’identifier à cette norme. L’autre grand penseur confucéen, Meng Zi – le Mencius des jésuites – va plus loin dans l’affirmation de l’individu en affirmant que c’est en lui-même que le sujet humain trouve les ressources intellectuelles et morales, et non pas en se soumettant passivement à des enseignements extérieurs, ceux-ci n’étant que l’adjuvant – certes précieux – que lui lègue la tradition pour éveiller dans sa conscience les principes recteurs qui s’y trouvent à l’état latent 2 .
L’autre grande tradition spécifiquement chinoise, le taoïsme, va en apparence à l’encontre de cette valorisation de l’individu, dans la mesure où elle professe le Wu Wei , que l’on traduit généralement par « non-agir », ce qui a donné lieu à nombre de malentendus. S’il est vrai que les classiques taoïstes attribués à Lao Zi et Zhuang Zi enjoignent à l’homme de « gouverner par le non-agir », c’est pour le dissuader de toute initiative arbitraire qui lui serait inspirée par les caprices de sa psyché , pour au contraire agir en conformité totale avec l’ordre vertueux immanent à toute composante du cosmos. En d’autres termes, la vision du monde de la Chine traditionnelle exclut toute possibilité de penser l’individu comme un petit démiurge capable de réinventer à son profit l’ordre des choses : ce dernier n’est d’ailleurs pas un ennemi, au sens du triple Anankê – politique, religieux, naturel – dont l’homme doit se libérer, selon Victor Hugo 3 , pour réaliser son destin historique. Ainsi les deux grandes écoles de pensée spécifiquement chinoises professent-elles, avec des accentuations différentes, la même idée fondamentale d’un sujet individuel qui ne peut se développer qu’en harmonie, voire en symbiose, avec les trois grandes structures, familiale, sociétale et cosmique, qui garantissent son existence. Ce qui implique une notion plus restreinte, plus conditionnelle, mais néanmoins effective, du libre-arbitre : ce dernier n’est pas absent du paradigme chinois, mais doit se manifester dans la conscience de ce réseau hiérarchisé d’interdépendances vitales, sans quoi le libre-arbitre si cher aux Occidentaux se mue en une arbitraire – et donc illusoire – liberté.
Le bouddhisme, la dernière des « Trois Doctrines », n’est pas né en Chine, mais s’y est implanté au I er  siècle de notre ère, sous la dynastie des Han, et s’y est développé à travers plusieurs écoles. Apparu six siècles plus tôt en Inde, ce courant de pensée a été l’un des premiers à mettre l’accent sur l’individu plutôt que sur les structures sociales. Cependant, s’il décrit certes le cheminement personnel contre la souffrance ( dukkha en sanscrit), notamment à travers la méditation ( dhyana , qui a donné chan en chinois puis zen en japonais), sa conception de l’individu va à l’encontre du Je occidental ou, plus directement, de la notion hindouiste de purusha : l’homme serait une combinaison de cinq « agrégats » ( skandha ) corporels ou mentaux, sans essentialité, sans identité personnelle propre. Alors que, face aux illusions de l’ ego , l’hindouisme postule encore un atman , souffle ou conscience pure objectivée, l’ anatman ou anatta bouddhique (« non-soi ») n’existe que sur le mode subjectif, sous la forme d’un « vide » apaisé ( shunya ou sunyata , en chinois kong ), idée fondamentale du Mahâyâna à comprendre non comme une négativité, mais comme une interdépendance que les Japonais représenteront par le signe du cercle, l’ Enso . ...

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