Pour un humanisme vital : Lettres sur la vie, la mort et le moment présent
188 pages
Français

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Pour un humanisme vital : Lettres sur la vie, la mort et le moment présent , livre ebook

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Description

« Nous avons besoin aujourd’hui d’un humanisme vital. Et cela nous ramène à la “valeur” de l’humain qui est la condition de tout humanisme et sur laquelle on s’est beaucoup trompé. Car cette “valeur” n’est pas une propriété simple qui excepterait l’humain du vivant ou qui pourrait être écrasée par lui. Elle réside plutôt dans des inventions humaines, réponses toujours perfectibles à tous les dangers vitaux à la fois. Ainsi, cet humanisme est vital non seulement parce qu’il situe l’humain dans le vivant, mais parce qu’il le considère comme nécessaire et urgent, pour la vie de tous les vivants. L’humanisme suppose encore autre chose : un accès universel à tous les humains. Or, ici, nous partageons bien quelque chose mais n’est-ce pas d’abord une inquiétude ? Oui, en effet. C’est même ce qui m’a poussé à vous écrire. Mais je savais, dès que je m’y suis engagé, que cela nous permettrait aussi de rejoindre nos joies. » F. W. Dans ces lettres adressées à une amie « inquiète et qui sait penser », Frédéric Worms explique pourquoi l’humanisme vital est la réponse philosophique aux dangers de notre temps. Frédéric Worms est professeur de philosophie contemporaine à l’École normale supérieure, dont il est directeur adjoint depuis 2015, et l’auteur remarqué d’ouvrages de philosophie. Il est membre du Comité consultatif national d’éthique et l’un des producteurs, sur France Culture, de l’émission Matières à penser. 

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 septembre 2019
Nombre de lectures 4
EAN13 9782738147066
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© O DILE J ACOB , SEPTEMBRE  2019 15, RUE S OUFFLOT , 75005 P ARIS
www.odilejacob.fr
ISBN : 978-2-7381-4706-6
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo .
Pourquoi je vous écris

Adresse

Chère ***,
Je vous écris aujourd’hui pour une raison très simple.
C’est que les êtres humains, je crois, peuvent répondre aux problèmes vitaux les plus urgents de notre temps, à condition de ne pas se tromper.
Certes, ces problèmes vitaux d’aujourd’hui sont d’une ampleur inédite, ils ont une urgence croissante, qui nous rappelle plus que jamais à la vie, et à la mort.
Mais enfin on ne peut pas faire comme s’ils étaient entièrement nouveaux et comme si les humains ne les avaient pas connus et affrontés déjà, n’avaient pas commencé à inventer des outils et des institutions pour y répondre.
Ce qui se produit aujourd’hui, c’est en fait une accélération majeure de l’histoire, et d’abord des risques et dangers vitaux, à l’échelle du globe.
Ce n’est pas une raison pour renoncer.
Au contraire, c’est le moment pour une nouvelle philosophie de la vie, et des êtres humains parmi les vivants !
Mais il y a une autre raison, pour laquelle je vous écris, ou plutôt pour laquelle je ne peux parler de tout cela, sans vous écrire.
C’est une raison qui ne s’ajoute pas seulement à la première comme la « forme » s’ajouterait au « fond » en une distinction trop rapide et vague, car elle touche aussi au fond du problème !
Elle concerne en effet l’état de la parole, de l’écriture, de l’écoute et de la lecture, qui font partie de la vie humaine.
Car, là aussi, on pourrait se prendre à désespérer, et là aussi il faut résister.
La situation contemporaine de la parole fait évidemment partie des problèmes vitaux urgents, qui peuvent aggraver tous les autres, au lieu d’aider à les résoudre. La nouvelle condition de la parole, sur les écrans, confrontée en outre à des problèmes de plus en plus urgents, ce n’est pas un changement de rythme, mais de monde. Dès lors, comment écrire ?
Alors, cela m’a sauté aux yeux. Rien ne remplacera pour moi, tout simplement, le fait de m’adresser à vous.
Certes, je savais que « penser à quelqu’un » n’est pas une forme parmi d’autres mais l’origine et la force même de notre pensée, toujours adressée, et possible d’ailleurs, seulement, si d’autres ont pensé à nous.
Cependant, je n’imaginais pas que cela serait tout à la fois si exigeant et si joyeux, de devoir à chaque lettre repartir de zéro et arriver à une étape, sans jamais négliger de vous convaincre et d’argumenter, de discuter, avec vous.
D’aucuns croiront à un procédé désuet, et condescendant peut-être, surtout de l’un à l’une (faut-il dire « homme » et « femme » ?). En réalité, c’est tout le contraire ! Le titre initial de ce livre le disait à sa manière : « Lettres sur la vie et la mort, et quelques autres sujets critiques, à une amie inquiète et qui sait penser ». Cela renvoyait à la manière dont Rousseau, contre les « philosophes », dédiait son Émile « à une bonne mère qui sait penser ». On l’en critiquerait peut-être aujourd’hui. Ce fut une révolution.
Je n’écris ici contre personne, mais à vous et avec vous, dans un monde réel et avec en tête toutes les dimensions de la vie et des êtres humains, vivants mortels, masculins, féminins, corporels, parlant, en relation libre et égale, comme nous. Bien sûr il y a plus d’un et plus d’une dans ce « à vous », et j’écris à chacune et à chacun, et aussi à moi-même. Mais enfin, c’est de le faire, vraiment, qui m’a libéré, m’a permis d’avancer, et plus loin, encore une fois, que je ne pensais.
Ces lettres, on peut les lire une à une ou, une fois rassemblées, circuler, feuilleter.
Pourtant, si vous vouliez, à un moment ou un autre, les prendre dans l’ordre où je les ai écrites et adressées, j’en serais heureux. Ce serait comme si l’on cheminait ensemble, sur une ligne de crête, dans ce monde où tout peut encore basculer, d’un côté ou de l’autre, peut-être jusqu’à une issue. J’ai même, en les reprenant, mis des titres et des intertitres, comme pour des étapes indépendantes, et reliées.
Mais vous ferez comme vous voudrez.
LIVRE I
Questions vitales
1
Aller jusqu’au bout des questions vitales

Un indice
Lettre 1

Chère ***,
Vous le devinez déjà, le simple fait de vous écrire est pour moi un indice ou un signe, qui va plus loin que l’on ne croit.
C’est le signe que, malgré nos inquiétudes, et une inquiétude qui est peut-être la principale de l’époque, nous ne nous laissons pas intimider .
Car « ce qui est vital » ici, pour moi, j’oserais vous le dire tout de suite, c’est ce dont je voudrais parler avec vous, mais aussi le fait d’en parler avec vous, ou de vous écrire, avec tout ce que cela signifie.
Mais on me dira, et vous peut-être la première : vous jouez sur les mots, vous plaisantez, il y a des dangers « vitaux », aujourd’hui, oui, là on comprend ce que vous voulez dire et à quoi cela renvoie ; mais enfin s’il s’agit d’en parler et plus encore de s’écrire, ce mot (« vital ») ne devient-il pas une image ou une « métaphore » et même un abus ?
« Soyons sérieux », entend-on déjà dire certains, qui sont des railleurs.
À quoi je réponds : c’est justement tout le problème.
Je n’entends pas minimiser les plus graves questions en effet vitales du moment, celles qui nous rappellent que nous sommes bien réellement des vivants. Tout au contraire, j’entends nettement par « vital » ce sans quoi nous ne pouvons continuer à vivre et donc aussi ce qui est « mortel », comme on dit parfois que des dangers vitaux sont mortels (et cela dans toutes les langues), ou comme on parle de question « de vie ou de mort », le « ou » désignant une proximité extrême sans cesser de désigner, évidemment, une opposition absolue ! Il y a aujourd’hui des questions vitales au sens le plus radical. Il n’est pas question de le nier, c’est au contraire ce dont je voudrais parler ! Mais justement parce qu’il faut parler de ces questions vitales, il ne faut pas, dès le départ, décider de ce qui en relève, ou pas ! Peut-être vont-elles bien plus loin que l’on ne croit ! C’est en tout cas ce que je voudrais examiner avec vous ici, non pas pour oublier les questions auxquelles nous pensons tout de suite mais parce que c’est le seul moyen d’y répondre, très concrètement, de comprendre les meilleurs moyens, pour nous, d’agir face à ces questions, sans rien sacrifier, sans rien perdre, sans renoncer à tout ce qui nous fait vivre.
C’est ce signe que je vois ici. Le signe que nous ne pouvons pas renoncer, je ne dis pas seulement aux exigences de la pensée, mais tout simplement au plaisir de vivre.
Nous avons toujours su que nous étions des vivants, et donc aussi des mortels. Mais cela ne nous empêchait pas, j’allais dire, « de vivre » ! Était-ce une illusion, la vie humaine, avec ses découvertes et ses conquêtes, ses créations et ses joies ?
Certains, déjà, avant même le retour des dangers vitaux les plus immédiats et les plus extrêmes, à la pointe du progrès où ils se croyaient arrivés, ne le savaient plus bien. Perturbés par l’idée d’une vie « seulement » humaine, ils rêvaient d’immortalité, tandis que d’autres trouvaient que la vie n’avait plus de sens. Mais tout cela est déjà loin derrière nous, et nous avons même du mal à croire que certains en soient restés là. Car, si l’on peut dire, entre-temps, la vie s’est rappelée à nous.
C’est une chose pour l’« homme » dans son abstraction de se savoir « mortel », comme dans la scolastique antique (« Socrate est un homme, les hommes sont mortels, donc Socrate est mortel »). C’en est une autre, aujourd’hui, pour la première fois dans l’histoire des humains concrets, de sentir ce que cela veut dire d’être pris dans la transformation et pour ainsi dire l’histoire de la vie. D’assister à des perturbations cosmiques qui jettent des populations sur toutes les routes et à tous les vents. De le découvrir en temps réel à l’échelle de la Terre que nous n’avons pas quittée, même depuis nos satellites, et dont nous découvrons la beauté, presque irréelle (mais elle est réelle), ainsi que la fragilité, non moins réelle. Nous sommes comme ces habitants des villes qui ont oublié qu’il y avait des saisons et qui programment leurs activités de la même façon quels que soient la période de l’année ou le « temps » qu’il fait dehors, et qui, tout à coup, se retrouvent coincés, glissant sur les sols gelés, ou bien étouffant sous un soleil voilé. Même la technique humaine, ce prolongement de nos vies, de nos mains, de nos corps, et qui peut les alléger, devient non seulement cosmique, disproportionnée, mais peut-être mortelle. Comme si tout s’était retourné.
Oui, il y a cette inquiétude, proprement vitale, c’est sans doute elle la toile de fond qui vibre derrière tous nos changements (le mot « inquiétude » lui-même veut dire la mise en mouvement ou en branle, l’impossibilité d’un repos). Et c’est à elle, pourquoi ne pas le dire, que nous voulons répondre, ici. Nous n’avons pas le choix. Nous savions depuis un moment et nous le disions que nous étions entrés dans le moment « du vivant », que l’expérience humaine retrouvait sa condition vitale. Nous le disions, mais sans tout à fait y croire et pas à cette échelle. Nous n’avons plus le choix.
Mais, encore une fois, est-ce une raison ? Je veux dire : le fait de devoir affronter cette inquiétude principale

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