Le Devenir-juif du poeme
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Description

La poésie de Celan engage un mode de lecture et d’interprétation que Jacques Derrida nomme Schibboleth. Plutôt que dévoiler le sens du poème, Derrida excave le texte jusqu’à toucher les vestiges d’un passé qui ne passe pas, faisant resurgir ce que le poète appelle un Singbarer Rest. Le poème enclenche alors un double envoi : une folie de la langue renonçant à ce qui lui appartient en propre pour donner la parole à un Autre, l’Étranger, le Juif en Celan comme le Juif en tout homme. Comment s’orienter dans cette folie qui tente de surseoir à une bénédiction sans locuteur ? À l’encontre du mal herméneutique qui consiste à élucider le poème, à rechercher le point de rassemblement de l’éclaircie sémantique, la « contre-parole » de Celan porte la trace indélébile d’Auschwitz, de l’Holocauste, de la Shoah, trois mots déclinant l’obscurité du monde et la survie de l’humain. Le devenir-juif du poème doit désormais parcourir tant et tant de chemins sans destin pour témoigner, même endeuillé, de la mémoire des noms et des dates.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 octobre 2015
Nombre de lectures 6
EAN13 9782760636170
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le devenir-juif du poème
Double envoi: Celan et Derrida
Danielle Cohen-Levinas
Les Presses de l’Université de Montréal
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada Cohen-Levinas, Danielle, 1959- Le devenir-juif du poème: double envoi: Celan et Derrida (Collection Humanités à venir) Comprend des références bibliographiques. ISBN 978-2-7606-3615-6 1. Celan, Paul - Critique et interprétation. 2. Derrida, Jacques - Critique et interprétation. 3. Juifs - Identité. I. Titre. PT2605.E4Z59 2015 831’.914 C2015-942079-2 Dépôt légal: 4 e trimestre 2015 Bibliothèque et Archives nationales du Québec © Les Presses de l’Université de Montréal, 2015 ISBN (papier) 978-2-7606-3615-6 ISBN (ePub) 978-2-7606-3617-0 ISBN (PDF) 978-2-7606-3616-3 Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
Collection «Humanités à venir»
dirigée par Ginette Michaud et Georges Leroux
En accueillant des essais brefs et la publication de grandes conférences, cette collection s’engage sur les chemins qu’ouvre aujour­d’hui la pensée de ce qui vient, de ce qui arrive à un monde sans repères. Au confluent de la littérature et de la philosophie, elle inscrit son titre dans la recherche de nouvelles Humanités, libres et plurielles.
Avant-propos
Dix ans après la disparition de Jacques Derrida le 9 octobre 2004, nous avons souhaité inscrire un peu autrement son nom dans l’Université, cette université «sans condition» qu’il appelait de ses vœux, liant étroitement sa vocation non seulement à la littérature et à la philosophie, aux «Huma­nités de demain» 1 , mais à la démocratie à venir.
Nous avons donc créé, avec le concours précieux de plusieurs instances universitaires, un cycle annuel de Grandes Conférences sous le signe des «Mémoires de Jacques Derrida» afin d’affirmer, de réaffirmer la portée d’une œuvre philosophique qui a profondément marqué de nombreux domaines de la pensée: philosophie, littérature, politique, droit, théologie, esthétique et architecture. Si le travail de Jacques Derrida s’est résolument engagé dès ses commencements dans une relecture minutieuse de tous les grands textes de la tradition philosophique, il ne s’est pas contenté de cette relecture, aussi radicale fût-elle: il a aussi voulu contresigner de la manière la plus forte et la plus audacieuse, pour l’avenir, chacune des œuvres auxquelles il s’est attaché.
Ces «Mémoires de Jacques Derrida» se veulent ainsi une relance de sa pensée, une réponse à des appels multiples. Comme il l’avait fait pour tant d’auteurs auxquels il était remarquablement fidèle, nous cherchons ici à répondre ( à, de, pour ), à parler en direction de, vers Derrida. Car, comme il l’écrivait dans «“Justices”»,
Répondre de la responsabilité, et de ce qui la lie et l’oblige à la justice, c’est penser la responsabilité en en formulant et en en formalisant la possibilité, autant que l’aporie. Responsabilité éthique (c’est-à-dire aussi juridique et politique) qui s’expose non seulement dans ce qu’on appelle la vie ou l’existence mais dans la tâche de déchiffrement, de lecture et d’écriture 2 .
Parler dans la mémoire de Jacques Derrida, parler encore avec lui et pour lui, c’est donc ce que nous avons souhaité rendre possible lors de cette première conférence organisée à l’Université de Montréal, le 19 janvier 2015, dans la foulée de la publication d’un recueil d’études, Appels de Jacques Derrida . Paru dans la riche collection «Rue de la Sorbonne» dirigée aux Éditions Hermann par Danielle Cohen-Levinas, ce livre était préparé par elle et par Ginette Michaud. Nous avons pensé que personne n’était mieux placé que Danielle Cohen-Levinas pour amorcer cette série qui nous tient à cœur. Lorsque ce livre à plusieurs voix nous est arrivé, nous avons pu mesurer, commencer à mesurer, la profondeur du lien qui, à travers une amitié si forte en écriture, lie Danielle Cohen-Levinas à notre petite communauté. Quelle communauté, voudra-t-on demander? Celle de tous ceux que la mort de Jacques Derrida a endeuillés, un deuil qui ne peut s’achever que dans l’acceptation d’une dette, d’un devoir d’écriture accompli sur ses traces. Ces «appels» que nous faisait entendre ce livre choral, nous voulons les entendre encore et encore, et c’est donc au sein de cette écoute que la conférence que nous accueillons aujourd’hui nous est offerte.
Née dans une famille très attachée à l’étude juive, à la fréquentation du verset et du commentaire biblique et talmudique, Danielle Cohen porte aussi le nom de Levinas, par son mari, le grand musicien, pianiste et compositeur, Michaël Levinas, fils d’Emmanuel Levinas. On voudrait imaginer ce que fut, ce qu’est toujours cette vie dans la proximité de la pensée de Levinas, et on peut tenter de s’en approcher en passant en revue, même brièvement, les travaux de Danielle Cohen-Levinas sur la pensée de Levinas.
Philosophe, Danielle Cohen-Levinas est professeure à l’Université Paris–IV Sorbonne depuis 1998 où elle enseigne l’esthétique musicale et la philosophie. Signalons aussi un lieu où son travail s’est rassemblé. En 2008, elle a fondé le Collège des études juives et de philosophie contemporaine – Centre Emmanuel Levinas. Quand on recense les activités de ce centre, on voit qu’il rayonne dans tous les domaines de la pensée juive, de Rosenzweig à Levinas, et ensuite de Levinas aux nombreux penseurs contemporains qui assument le relais de sa pensée. Ses années d’études à l’Université ont été marquées par l’enseignement d’Olivier Revault d’Allonnes, Stéphane Mosès, Heinz Wismann et Philippe Lacoue-Labarthe, qui lui auront transmis, au-delà du savoir, la patience du concept et l’urgence de la pensée. Au cœur de cette constellation, Jacques Derrida. Rappelons aussi qu’elle a cofondé, avec Monique Antelme et Mike Holland, les Cahiers Maurice Blanchot (Presses du réel, 2011).
Déjà, il faut signaler, dans une bibliographie impressionnante, les nombreux livres que Danielle Cohen-Levinas a consacrés à Levinas, notamment ceux parus en collaboration avec Shmuel Trigano (le numéro de la revue Pardes , «Emmanuel Levinas. Philosophie et judaïsme», en 2002, et Levinas et les théologies , en 2007), Emmanuel Levinas. Pour une philosophie de l’hétéronomie (Bayard, 2006), sans oublier les nombreux ouvrages collectifs de philosophie et d’esthétique publiés sous sa direction: Le Souci de l’art chez Emmanuel Levinas (Manucius, 2010), Lire Totalité et Infini (Hermann, 2011), Levinas et l’expérience de la captivité (Éditions Parole et Silence, 2011), Figures du dehors. Autour de Jean-Luc Nancy (avec Gisèle Berkman, Cécile Defaut, 2012). Elle a également été co-responsable avec Jean-Luc Nancy du troisième volume des inédits d’Emmanuel Levinas, Eros, littérature et philosophie (Grasset/IMEC, 2013). Tout récemment, elle a préfacé le texte d’Emmanuel Levinas, La compréhension de la spiritualité dans les cultures française et allemande (Rivage poche, 2014). Ces titres ne sont qu’une coupe, une petite lamelle dans un corpus d’une immense richesse.
Mais si nous avons plaisir à accueillir Danielle Cohen-Levinas, et si ce plaisir est déjà mêlé du regret que son exposé ne croise pas ce deuxième volet de ses intérêts, c’est qu’elle est aussi, dans tous les sens peut-être que ce mot peut recevoir, une musicienne, passionnée d’esthétique, de philosophie de la musique et d’herméneutique musicale, qui aura étudié, entre autres, avec Betsy Jolas, Charles Rosen, Pierre Boulez, et rencontré tous les grands compositeurs du XX e siècle avec lesquels elle aura eu la chance de s’entretenir (Karlheinz Stockhausen, György Ligeti, Iannis Xenakis, Luciano Berio, Olivier Messiaen, Luigi Nono, Mauricio Kagel, John Cage, Giacinto Scelsi, Steve Reich). On pense à son livre L’opéra et son double (Vrin, 2013) et, juste avant, à sa merveilleuse étude, Le siècle de Schoenberg (Hermann, 2010). Dans un livre important, La voix au-delà du chant (Vrin, 2006), elle engage une réflexion sur les œuvres des compositeurs avec lesquelles elle poursuit un dialogue privilégié, notamment celle de Michaël Levinas. Le titre d’un récent échange avec Jean-Luc Nancy, Inventions à deux voix (Le Félin, 2015), témoigne encore de la portée de cette partition entre musique et philosophie dans son travail.
Ajoutons que ses intérêts portent aussi, et depuis longtemps, sur des écrivains du silence et du retrait: Kafka, Blanchot, Paul Celan – penseurs du bamidbar contemporain, penseurs du désert dans l’existence. Cette lecture attentive – on serait tenté de dire méditation, bénédiction – trouve aussi son expression dans ses propres recueils de poésie et de prose: nous avons eu l’honneur d’éditer en 2010 aux Éditions À l’Impossible le recueil Qui est comme Dieu 3 , émouvant dialogue avec les voix de Levinas et Celan.
Dans sa belle étude intitulée «Bénédiction! Vayaavor , la passée du poème», publiée dans le collectif Appels de Jacques Derrida , Danielle Cohen-Levinas revient sur la lecture de Paul Celan par Jacques Derrida, une étude qui s’inscrit dans un travail de longue haleine sur les interprètes de Celan, au rang desquels on retrouvera Levinas, Heidegger et Blanchot. La conférence qu’on va lire appartient à ce grand projet d’écriture et se situe au croisement de la lecture de Paul Celan par Jacques Derrida, une lecture marquée par la question de la «judaïcité» du poème, de son «devenir-juif», mais aussi par le lien obscur avec la pensée de Heidegger. «Tous ceux qui traitent ou habitent la langue en poètes sont des Juifs […] 4 », écrivait déjà Derrida dans Schibboleth , et c’est à compter de cette affirmation que la conférence s’amorce. Présentée comme un «double envoi» à Celan et à Derrida, la pensée s’y déploie dans la tension entre une figure radicale de l’altérité, celle de l’Étranger inquiétant, et la figure du manque, qui vient sceller du sceau de l’histoire l’abîme s

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